Mexique : constructeurs et équipementiers vont souffrir (+vidéo)

La menace de Donald Trump d'imposer d'ici le 10 juin des tarifs douaniers de 5% aux biens mexicains a fait l'effet d'une bombe dans l'industrie automobile américaine qui produit beaucoup au Mexique, pays à la main d'oeuvre abordable. Mexico et Washington sont en outre liés par un accord de libre-échange en vertu duquel il n'existe pas de taxes douanières entre les deux pays.

Vendredi, le titre General Motors (GM) a chuté de 4,25%, tandis que l'action Fiat Chrysler a abandonné 5,82% et Ford 2,26%. Chez les Japonais, c'est Mazda qui a souffert le plus: son titre a dévissé de 7,13% à 1.061,5 yens à la clôture. Le titre Toyota a lui aussi décliné, mais dans une moindre mesure (-2,84% à 6.384 yens). Honda n'a pas été épargné, cédant 4,26% à 2.651 yens.

 

Les constructeurs américains et le Mexique

General Motors (GM): environ 29% des pièces contenues dans les voitures vendues par le premier groupe automobile américain aux Etats-Unis proviennent du Mexique, selon Deutsche Bank. rès de 13% des véhicules vendus aux Etats-Unis par le géant de Detroit sont produites dans ses usines mexicaines.

Ford: 17% des voitures de la marque à l'ovale bleu contiennent des pièces détachées fabriquées au Mexique et 17% de voitures "Made in Mexico" sont commercialisées sur le sol américain.

Chez Fiat Chrysler, 24% des pièces des voitures viennent du Mexique et 18% des véhicules vendus aux Etats-Unis y ont été assemblés.

 

Les modèles les plus affectés

Le pire pour les constructeurs américains est que ce sont des grosses voitures aux marges lucratives qui risquent d'être le plus affectées.

Sur les 585.581 exemplaires du pickup Chevrolet Silverado de GM écoulés aux Etats-Unis l'an dernier, environ 40% (242.974 unités) avaient été assemblés au Mexique. La proportion est de 36% pour le GMC Sierra.

Chez Fiat Chrysler, 11% des 536.980 pickups RAM, une des locomotives des ventes avec les SUV Jeep, vendues aux Etats-Unis provenaient du Mexique.

Le nouveau SUV de GM, le Chevy Blazer, sur lequel compte le groupe de la PDG Mary Barra pour bousculer ses concurrents cette année est produit au Mexique.

 

Quid des constructeurs étrangers ?

Nissan est un de celui qui sera le plus affecté. Près de 45% de sa production en Amérique du Nord est au Mexique. Environ un quart des véhicules que le groupe écoule aux Etats-Unis y est fabriqué et 9% des pièces contenues dans ses voitures en proviennent.

Quant à Toyota, 3% des véhicules vendus aux Etats-Unis sont assemblés au Mexique, 5% pour Honda.

BMW, Volkswagen, Audi, Mercedes ont aussi des usines au Mexique.

 

Quel potentiel coût financier des tarifs ?

Ces droits de douane pourraient rogner le bénéfice opérationnel de GM de 6,3 milliards de dollars, celui de Fiat Chrysler de 4,8 milliards et celui de Ford de 3,3 milliards, calcule Deutsche Bank.

La facture serait de près de 2 milliards de dollars pour Nissan.

 

Qui va payer ?

"Nous pensons que les tarifs douaniers supplémentaires vont sans aucun doute être répercutés sur les consommateurs par les constructeurs, sous la forme d'une hausse des prix des voitures d'en moyenne 1.300 dollars par véhicule", affirme Deutsche Bank.

JPMorgan Chase estime que l'automobile représente 75 milliards de dollars des 350 milliards d'importations mexicaines. 5% de tarifs douaniers signifie donc qu'il faudra que quelqu'un paie 3,65 milliards de dollars.

 

Qui d'autre est affecté ?

Outre les constructeurs, les taxes vont aussi affecter la chaîne logistique, en particulier les équipementiers.

Le groupe Aptiv (électronique et sécurité ainsi que architecture électrique/électronique), Delphi Technologies (systèmes de propulsion), Visteon (panneaux de porte, planches de bord, consoles centrales), Autoliv (airbags, ceintures de sécurité) et Veoneer (logiciels de sécurité) génèrent d'importants revenus du Mexique.

Dans certains cas, des pièces font des va-et-vient entre les Etats-Unis et le Mexique pendant le processus de production. L'imposition de taxes signifie donc qu'elles seront taxées à chaque fois qu'elles passeront la frontière.

"Les pièces d'un moteur peuvent être envoyées du Mexique aux Etats-Unis pour être installées dans un moteur qui y est fabriqué. Le moteur est ensuite acheminé au Mexique pour être installé dans le véhicule, lequel est renvoyé aux Etats-Unis et sera encore taxé", décrit Michelle Krebs chez AutoTrader.

 

Comment réagit l'industrie ?

Contactés par l'AFP, les constructeurs américains comme japonais n'ont pas souhaité commenter pour éviter toute polémique avec le président Donald Trump.

En revanche, leurs lobbys ont fustigé la menace. "L'imposition des tarifs douaniers va générer des coûts significatifs pour l'industrie automobile", a prévenu American Automotive Policy Council, qui compte GM, Ford et Fiat Chrysler comme membres.

 

Les Etats-Unis vont-ils bénéficier des taxes ?

Le président Trump affirme que des taxes sur les importations mexicaines vont inciter les constructeurs à rapatrier leur production aux Etats-Unis.

Pas si simple: "L'implantation manufacturière et la chaîne logistique en place en Amérique du Nord ne peuvent pas être changées facilement", estime Mme Krebs.

"Ces nouvelles taxes sur des produits acheminés aux Etats-Unis sont simplement un coût supplémentaire que les constructeurs vont devoir supporter", poursuit l'experte, rappelant qu'environ 15% des véhicules vendus en 2018 aux Etats-Unis avaient été produits au Mexique, soit 2,5 millions d'unités.

© 2019AFP