Me Jean-Marc Denjean, 8 ans avec les "Molex"

Un "joueur d'échecs" qui a mis dans ce dossier un "supplément d'âme": derrière la longue bataille des "Molex" se profile un avocat, Me Jean-Marc Denjean, plaideur qui écume depuis des années les prud'hommes de Toulouse.

"J'ai tout de suite été très sensible à cette affaire", rapporte-t-il aujourd'hui, dans son cabinet du centre-ville de Toulouse. "J'ai pu faire autre chose que simplement du droit: il y avait une stratégie à conduire, il fallait parvenir au bout", poursuit-il, avec "un combat politique derrière".

C'est cet avocat qui, début août, rend public lors d'une conférence de presse la "victoire des Molex": une série d'arrêts de la Cour d'appel de Toulouse jugeant le licenciement de 191 salariés "sans cause réelle et sérieuse" et accordant quelque 7 millions d'euros d'indemnités.

Après expiration du délai de pourvoi en cassation, ces arrêts sont définitifs depuis la mi-octobre, selon des sources concordantes.

Dès l'annonce de la fermeture, le 23 octobre 2008, Jean-Marc Denjean est sollicité par des salariés de cette entreprise de connectique automobile située à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne).

Physique rond, crâne dégarni, lunettes carrées et accent prononcé du sud-ouest, l'avocat est déjà rompu aux prud'hommes de la région.

Né le 4 avril 1956 à Toulouse, d'un père agent administratif et d'une mère femme au foyer, il prête serment en 1978 et fait ses armes aux côtés de Marie-Christine Etelin et de son mari Christian, rencontré sur les bancs de la fac de droit.

Au cabinet de la place de la Bourse, le couple défend à l'époque l'extrême gauche toulousaine, notamment des membres des Groupes d'action révolutionnaire internationalistes (GARI) et Jean-Marc Rouillan, membre d'Action directe.

Du droit pénal, Me Denjean évolue peu à peu vers le droit du travail, "labourant" aux prud'hommes et à la Cour d'appel. Mais "côté salarié", précise-t-il.

A Molex, il attaque derechef la direction pour "délit d'entrave" au fonctionnement du comité d'entreprise, puis défend les salariés au moment de la retenue des dirigeants, et quand la direction veut fermer le site après une pluie d'oeufs sur l'un de ses représentants.

A l'automne 2010, les salariés décident de contester leurs licenciements aux prud'hommes: suivront, pendant 6 ans, la cour d'appel de Toulouse, la cour de Cassation, la cour d'appel de Bordeaux, et à nouveau celle de Toulouse.

"Au niveau juridique, on découvrait, on s'appuyait beaucoup sur lui. C'était un joueur de poker, d'échecs, qui essayait d'anticiper ce qui allait se passer", se rappelle Jean-Jacques Pelissier, président de l'association "Solidarité Molex".

"Il a toujours été présent. Après, parfois, on n'est pas d'accord sur la stratégie", nuance Guy Pavan, délégué syndical CGT de l'entreprise, qui ajoute que l'avocat "n'a pas fait que du juridique. Il s'est engagé". "Il y a mis un supplément d'âme", confirme Jean-Claude Boudet, ancien maire DVG de Villemur-sur-Tarn.

D'anciens collaborateurs s'accordent sur ses "convictions", son caractère "scrupuleux". C'est un "plaideur qui aime le conflit dans sa forme judiciaire" avec un "souci extrême de la précision, qui a son revers", tempère un confrère de sa génération.

Défenseur des salariés de Spanghero, de Freescale et d'Altran, Denjean compte aussi, parmi ses clients, des employeurs.

Membre à 18 ans du Parti socialiste unifié (PSU), il s'est présenté sur des listes municipales et législatives, sous l'étiquette EELV ou Nouvelle Donne. Mais "toujours dans le camp des perdants", sourit-il.

Son "regret le plus profond", aux côtés des salariés de Molex, qui "restera une blessure": la décision de la Cour d'appel de Bordeaux mettant hors de cause la maison-mère américaine de Molex.

Mais il estime que "ce qu'on a dit depuis le début, cela a été entendu, compris, et c'est bien ce qui est écrit dans l'arrêt de la cour d'appel. Noir sur blanc".

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