Maif /Utac -Ceram: des véhicules encore loin d’être autonomes (+vidéo)

Systèmes automatisés, intelligence artificielle, connexions cellulaires ou wifi, les progrès sont rapides et les véhicules autonomes mettent l’industrie en ébullition. Mais si ces voitures sont annoncées pour 2020 (niveau 3 classification SAE), elles suscitent la méfiance chez la moitié des français (étude Opinion Way réalisée en 2017 pour Dekra Automotiv). Comment distinguer les vraies innovations, fiables et sécuritaires, de celles favorisant le confort au risque de désengager le conducteur ?

Afin d’apporter au grand public une vision neutre et objective sur les capacités réelles de ces équipements, l’UTAC-CERAM et la Fondation MAIF ont testé les véhicules à conduite partiellement automatisée actuellement commercialisés, supposés être les plus performants du marché. Tour d’horizon des bénéfices et limites de ces voitures nouvelle génération. 
 
Pendant un an et demi, la Fondation MAIF et l’UTAC-CERAM ont réalisé une étude afin d’évaluer la performance de 9 véhicules de niveau 2 (classification SAE*), différents modèles de plusieurs constructeurs (Volvo, Audi, Tesla, BMW, Mercedes), dotés d’une large panoplie d’outils d’aide à la conduite : conduite autonome partielle, pilote automatique ou semi-automatique, copilote, système d’assistance avancée, … Les tests ont été effectués sur route ouverte, puis sur des circuits d’essais privés simulant autoroutes ou voies rapides, routes nationales et départementales. Après ces quelques mois, le constat est clair ; si les voitures présentes sur le marché actuel sont équipées d’assistants à la conduite très performants, avec des gains importants en matière de sécurité, elles sont encore très loin d’être 100% autonomes.
 
Conclusions générales
Ces fonctions d’assistance à la conduite se limitent encore à des véhicules très haut de gamme qui circulent déjà sur nos routes et devraient se diffuser progressivement d’ici quelques années. Le chauffeur reste néanmoins responsable de la conduite de son véhicule dans tous les cas de figure. C’est à la fois règlementaire et salutaire. En effet, ces fonctions d’assistance sont aujourd’hui pertinentes uniquement sur routes à chaussée séparée, pour certaines conditions de qualité de signalisation routière, de niveau de luminosité et de météo. Or, même dans ce cadre, il en ressort des limites parfois surprenantes comme l’étude le montre dans ses différents scenarii et analyses. Le « conducteur superviseur », c’est-à-dire en situation de vigilance, est aujourd’hui, dans de nombreuses situations, bien meilleur que les véhicules automatisés testés. En revanche, en cas de baisse ou de faible vigilance du conducteur, ces outils d’aide à la conduite favorisent sa sécurité. 

Marc Rigolot, Directeur Général de la Fondation MAIF, explique : « Après quelques mois d’observations, nous faisons un constat contrasté. D’une part, il est indéniable que les aides à la conduite embarquées dans ces voitures haut de gamme sont très performantes, surtout lorsqu’elles sont associées, et éviteront sans nul doute de nombreux accidents. D’autre part, cette efficacité pourrait générer sur-confiance et hypovigilance de la part du conducteur qui abandonnerait ainsi la supervision, ce qui serait de nature à provoquer des accidents d’un genre nouveau. En effet, paradoxalement, dans certaines situations assez prévisibles et dans des conditions qui paraissent optimales, les automates de ces voitures peuvent faire des erreurs et réagir de façon trop tardive ou inadaptée, comme l’accident Uber en Arizona l’a malheureusement montré ». 

Les bénéfices des véhicules nouvelle génération  
Accélérations, freinages, actions sur la direction, les voitures à conduite partiellement automatisée ont été conçues entre autres pour éviter certaines erreurs humaines. Grâce aux nombreux capteurs intégrés et à des algorithmes sophistiqués, les constructeurs promettent une baisse des accidents en palliant les comportements inappropriés des conducteurs (fatigue, somnolence, vitesse inadaptée, inattention). Les tests de la Fondation MAIF et de l’UTAC-CERAM ont en effet mis en évidence de nombreux avantages liés à ces nouvelles technologies : 

  • Les fonctions d’aide à la conduite existantes (ADAS – Advanced Driving Assistant Systems) peuvent pallier ou atténuer les effets liés au manque de vigilance du conducteur : Freinage d’urgence automatique (AEB), alerte au franchissement de ligne (LWS), aide au maintien dans la voie (LKA), aide au centrage dans la voie (LCA), régulateur de vitesse automatique (ACC), assistant de vitesse intelligent (ISA), alerte ou intervention sur détection de véhicules dans les angles morts (BSI), reconnaissance de somnolence et de distraction (DDR), vision nocturne ou encore éclairage adaptatif.
  • Les fonctions d’aide à la conduite contribuent au confort et diminuent la fatigue du conducteur
  • Les modes d’assistance au pilotage combinant LCA, ACC, et ISA peuvent pallier aux manques de vigilance des conducteurs lors de situations plus ou moins dangereuses et/ou complexes. Exemples : insertion rapide d’un véhicule "queue de poisson", véhicule qui précède quittant brutalement sa voie pour éviter un obstacle (véhicule arrêté ou objet sur la chaussée), freinage d’urgence AEB sur piéton caché avant de traverser la route, alertes de présence de personnes ou animaux non éclairés en vision nocturne…

Une progression régulière des performances et fonctions de sécurité est constatée. Les 18 mois de test ont montré que les avantages se manifestent principalement sur autoroute ou sur des tronçons « simples » et à vitesse modérée.

Véhicule à conduite partiellement automatisée : des failles encore trop nombreuses 
Malgré l’aspect tant séduisant qu’utilitaire de ces nouveaux véhicules, l’étude met en évidence que de nombreuses failles sont encore présentes dans le fonctionnement des aides à la conduite pour prétendre à une conduite autonome : 

  • Les véhicules peuvent être perturbés par les conditions extérieures (pluie, brouillard, éblouissement, luminosité/contraste…) 
  • Concernant la signalisation routière, outre les limitations de vitesse globalement reconnues (avec toutefois des erreurs, en particulier pour les panonceaux), les véhicules ne s’adaptent pas encore aux panneaux stops, aux panneaux de priorité, aux feux tricolores, aux ronds-points, aux péages ou aux zones de travaux ; ils peuvent de plus être perturbés par des lignes de marquages au sol dégradées ou effacées.
  • Des mésusages sont possibles dans le mode de conduite partiellement automatisée dans le but d’augmenter les durées d’assistance autorisées par le véhicule. 
  • En cas de dépassement des limites de fonctionnement du système, les alertes de reprise en main du véhicule sont plus ou moins explicites selon les constructeurs, tardives voire erratiques.  Le conducteur ne sait pas toujours si le système continue de l’assister ou non.
  • Selon les modèles de véhicules, des situations ne sont pas identifiées, mal gérées ou pas gérées par les systèmes : Insertions sur voie entre véhicules, virages serrés, véhicules arrivant de face, objets particuliers sur la chaussée, détection de véhicule en situation d’empiètement partiel sur la voie, détection de véhicule arrêté en travers sur la chaussée… 
  • Selon les modèles de véhicule et les situations rencontrées les systèmes ne réagissent pas de manière équivalent pour une vitesse de roulage donnée.
  • Des problèmes de répétabilité à conditions équivalentes rendent complexes l’établissement d’un diagnostic fiable sur les performances.
  • Les performances perçues par les conducteurs (excès de confiance) peuvent créer des situations d’hypovigilance.

« Bien que pouvant être présentées comme « autonomes », ces voitures nouvelles générations ne proposent qu’une assistance à la conduite, elles ne sont pas encore prêtes à fonctionner sans supervision humaine. Il subsiste de nombreux problèmes techniques à résoudre afin de s’assurer que le véhicule soit entièrement capable de détecter son environnement, de le comprendre et d’y réagir correctement comme le fait un conducteur humain. L’impératif d’être attentif, de rester maitre du véhicule et concentré sur sa conduite, même en mode « autopilote », s’impose donc. 
Côté constructeurs et équipementiers, des progrès sont attendus sur les performances des systèmes et plus précisément sur les capteurs, sur les IHM (interface homme machine), et sur l’intelligence qui gère l’analyse et l’action ; à terme, les problématiques concernant la cyber-sécurité, et les communications V2V (véhicule-véhicule) et V2I (véhicule-infrastructure) seront à résoudre. Pour atteindre un niveau de sureté de fonctionnement acceptable de nouvelles solutions seront à mettre en œuvre (par exemple la redondance complète des systèmes).
Cette étude conjointe Fondation MAIF et UTAC-CERAM a déjà permis de proposer des protocoles d’essais pertinents à l’organisme Euro NCAP qui souhaite évaluer ces systèmes d’aide à la conduite », explique Jérôme Paschal, chef du service Comportement des véhicules Sécurité Active à l’UTAC-CERAM.
 
* SAE : Society of Automotive Engineers (USA), document J3016 “Taxonomie et définitions des termes relatifs aux systèmes de conduite automatique des véhicules automobiles routiers"

La Fondation MAIF et l’UTAC-CERAM appellent donc à la vigilance et à éviter l’excès de confiance dans ces systèmes : 

  • Méfiance par rapport à la communication sur les performances annoncées et sur-promesses de ces systèmes (« autopilote », « système de conduite autonome », ...) 
  • En mode ACC (Active Cruise Control) ou AP (assistance au pilotage) privilégier un réglage inter-véhiculaire long avec la voiture qui précède
  • Des situations simples ne sont pas toujours gérées avec sécurité par les systèmes
  • Des comportements différents selon les véhicules et les constructeurs (philosophie volontariste ou prudente) 
  • Malgré leur complexité, les notices de bord sont importantes et doivent être lues par les usagers
  • D’une manière générale, sur ces véhicules « dits autonomes » de niveau 2, le maintien d’une supervision attentive par le conducteur reste indispensable