Lyft jette un froid sur les projets d'entrées en Bourse de géants de la tech

Les débuts poussifs de Lyft à Wall Street, victime de montagnes russes durant sa première semaine en Bourse, sont venus refroidir les ardeurs des acteurs du marché sur les autres grosses entrées en Bourse prévues cette année, au premier rang desquelles son principal concurrent, Uber.

Le groupe de mise en relation entre chauffeurs et particuliers a clôturé à 72 dollars jeudi soir, précisément au niveau de son prix d'introduction précédant ses débuts en grande pompe vendredi dernier sur le Nasdaq.

Il a toutefois été soumis à rude épreuve dès le deuxième jour d'échanges, perdant 12% soit davantage que ses gains de 8,7% enregistrés vendredi lors de ses débuts largement commentés, avant de progressivement reprendre du terrain sur le restant de la semaine.

Le plongeon de lundi a déclenché de nombreuses spéculations sur de potentiels ratés lors de cette méga-opération, supposée donner le "la" aux prochaines entrées à Wall Street de "licornes" américaines, ces entreprises privées valorisées au-delà d'un milliard de dollar parmi lesquelles Uber, Pinterest et Slack.

Car après l'énorme coup de projecteur dont a bénéficié cette introduction technologique ultra-moderne, des questions se sont posées sur un potentiel aveuglement des investisseurs.

"Il est assez inhabituel pour une opération de cette taille, qui revoit à la hausse son prix d'introduction sur le marché, de susciter autant d'optimisme et de décevoir dès le deuxième jour", a réagi Matt Kennedy, stratégiste pour Renaissance Capital, une société gérant des produits financiers adossés aux entrées en Bourse.

L'appétit démontré lors de la tournée des investisseurs, une tradition qui précède les premiers pas d'entreprises en Bourse, a en effet été tel que le prix d'introduction a rapidement été revu fortement en hausse.

 

Messages alarmistes

"Cette opération a été entourée d'un phénomène d'euphorie et je pense qu'une partie s'est reflétée au moment de l'introduction", affirme Matt Kennedy.

De source bancaire, de nombreux paris baissiers et des volumes d'échanges très élevés entre vendredi et mardi ont fait pression sur le cours et compliqué la mission de JPMorgan Chase, la banque américaine chargée par Lyft de piloter son arrivée à Wall Street, de le stabiliser.

Sous cette pression, "il n'y avait pas grand chose à faire pour tenter de stabiliser le cours", a affirmé cette source, ajoutant que 40 millions d'actions ont changé de main lundi.

Signe du parfum de panique qui a entouré Lyft, les messages alarmistes de courtiers se sont multipliés dès le début de semaine, la société d'investissement Guggenheim s'interrogeant sur la "faible visibilité des perspectives de profits" de l'entreprise qui n'est pas rentable, tandis que Seaport Global a appelé à vendre le titre car il risquait selon elle de tomber à 42 dollars.

La première séance de Lyft, dès vendredi, a également fait l'objet d'un examen de la part de Renaissance Capital. Le groupe a calculé que dans l'histoire des entrées en Bourse d'entreprises milliardaires américaines, la performance moyenne lors de leur première séance a été de 26%, soit bien davantage que Lyft. Ce chiffre cache toutefois de fortes disparités, entre la hausse de 0,6% de Facebook et l'envolée de 72% de Twitter.

 

Atterrissage 

Après cette semaine plutôt sportive pour Lyft, les investisseurs semblent se préparer de manière moins euphorique aux débuts d'autres mastodontes de la tech américaine qui se bousculent au portillon du New York Stock Exchange et du Nasdaq.

Dans leur viseur, le concurrent direct de Lyft, Uber, qui prévoit une arrivée sur les marchés dans les prochaines semaines.

Jusqu'en fin d'année dernière, plusieurs banques évaluaient l'entreprise californienne, dont le service est déployé dans plus de 700 villes du monde, à 120 milliards de dollars d'après la presse américaine, soit plus que General Motors, Ford et Fiat Chrysler réunis. Mais l'heure est à l'atterrissage.

"Uber a certainement déjà revu ses attentes à la baisse avec ce qui est arrivé à Lyft", estime Matt Kennedy, anticipant une valorisation autour de 100 milliards de dollars.

Il juge par ailleurs que les grosses licornes devraient "devenir plus réalistes" à l'image de Pinterest, qui peine à monétiser ses contenus, c'est-à-dire à gagner de l'argent avec son trafic.

Cependant, l'arrivée des dizaines d'autres entreprises de taille plus modeste, et souvent avec des modèles économiques et des perspectives de croissance plus sains, suscitent beaucoup moins de craintes.

Jeudi par exemple, la plateforme Tradeweb Markets spécialisée dans le courtage en ligne a bondi de 33% pour ses débuts, après avoir suscité un très fort engouement des investisseurs quelques jours auparavant.

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