Luca de Meo prend le volant de Renault en pleine crise

Expert en marketing crédité du redressement de la marque automobile Seat, Luca de Meo, un Italien francophone, prend mercredi le volant de Renault pour tenter de sortir le constructeur de l'ornière. "Dans l'automobile, lorsque les choses sont bien faites (...), les situations peuvent se retourner très, très vite", déclarait il y a une dizaine de jours aux actionnaires du constructeur au losange ce dirigeant auréolé de ses succès récents.

Arrivé il y a quatre ans à la tête d'une marque en perte de vitesse, Luca de Meo a conduit Seat vers les sommets. En 2019, pour la deuxième année consécutive, cette filiale espagnole de Volkswagen a battu un record de ventes, avec plus de 574.000 véhicules écoulés.

"Je suis tout à fait conscient de la difficulté de la situation dans laquelle se trouve (Renault), aggravée par un contexte économique adverse", a déclaré M. de Meo lors de l'assemblée générale des actionnaires du 19 juin. Mais il s'est dit "optimiste et confiant".

Plombé par des surcapacités de production, Renault, qui était en difficulté financière avant même la crise du Covid-19, a récemment annoncé la suppression de 15.000 emplois dans le monde, dont 4.600 en France.

M. de Meo est le premier étranger à diriger cette icône du capitalisme français en plus de 120 ans d'existence.

Le Libano-brésilien Carlos Ghosn, déchu de ses fonctions de PDG et réfugié au Liban après avoir été poursuivi au Japon pour des malversations, avait en effet été naturalisé français avant de diriger le groupe à partir de 2005.

Le profil de ce manager de 53 ans correspond au "nouveau souffle" que veut porter le président du groupe, Jean-Dominique Senard, après avoir limogé en octobre le directeur général Thierry Bolloré, victime de ses mauvaises relations avec Nissan, le partenaire japonais.

Luca de Meo s'est taillé une réputation de visionnaire en portant de nouveaux concepts de mobilités et des innovations dans la connectivité des véhicules. Il n'a cependant jamais dirigé de groupe de la dimension de Renault (environ six fois la taille de Seat).

Il arrive dans une entreprise traumatisée par plus d'un an de crise dans le sillage de l'affaire Ghosn: ventes en chute, cadres dépités qui ont claqué la porte, alliance avec Nissan et Mitsubishi à reconstruire.

Il devra notamment relancer les ventes du losange en Europe, en faisant monter en gamme la marque par rapport à la filiale roumaine à bas coût Dacia. M. De Meo doit présenter début 2021 un nouveau plan stratégique.

 

"Un côté charmeur"

"Il n'a rien d'un dictateur. Il a énormément d'éducation, c'est un manager qui ne hurle pas", dit de lui un ancien collaborateur de Seat. "Il a un côté charmeur mais en même temps il sait garder ses distances". Il a "un côté artiste" tout en travaillant ses sujets de façon "quasi-scientifique", ajoute ce cadre, sous couvert d'anonymat.

Fils d'un banquier d'affaires, Luca de Meo a vécu dans 12 pays, passant une partie de son enfance au Brésil, en Côte d'Ivoire et au Nigeria.

Francophone quasi-parfait, il a été scolarisé en français jusqu'à 14 ans mais a conservé un accent italien. Il s'exprime couramment dans cinq langues, dont l'allemand et l'anglais.

Ce quinquagénaire souriant à l'allure bonhomme, vêtu de costumes élégants, à la chevelure grisonnante bien rangée, avait démarré sa carrière chez Renault. Il a "un sens inné du marketing", affirme un ancien cadre du groupe qui l'a côtoyé dans les années 1990.

"J'avais voulu le recruter dans mon service, mais sa mutation n'a pas été acceptée. Il a eu le sentiment qu'on ne lui faisait pas assez confiance. C'est pour ça qu'il a quitté Renault et, 20 ans après, il revient comme patron".

M. de Meo est décrit comme impatient, jusqu'à en être pénible quand il a une idée en tête. "C'est son principal défaut", reconnaît un collaborateur.

En 25 ans de carrière, il s'est adapté à différentes cultures. Après Renault, il avait rejoint Toyota, puis Fiat, où il a orchestré la renaissance de la Fiat 500, et enfin Volkswagen en 2009, où il a notamment dirigé le marketing d'Audi.

Marié, il est père de deux jumeaux d'une vingtaine d'années, également scolarisés en français, langue dans laquelle ils échangent à la maison.

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