Lithium: les constructeurs vont-ils devoir devenir mineurs ?

Le prix du lithium est si "insensé que nous devrons peut-être entrer dans la mine et le raffinage" avec Tesla: d'un tweet, Elon Musk a indiqué sa volonté d'investir dans les métaux stratégiques, secouant toute l'industrie automobile mais aussi le secteur minier.

"Jusqu'à maintenant les constructeurs automobiles achetaient directement les produits comme les pièces dont ils ont besoin. Aujourd'hui, ils se rendent compte que cela ne suffit pas et qu'il faut qu'ils reprennent la main la partie ressources, en particulier pour les batteries", détaille à l'AFP Christophe Poinssot, directeur général délégué du Bureau de Recherche Géologique et Minier (BRGM).

En 2035, les véhicules électriques sont appelés à remplacer les moteurs à essence en Europe.

Et au milieu de tous les métaux stratégiques pour fabriquer les batteries automobiles, lithium, nickel, cobalt notamment, "il y a tout simplement un élément incontournable sur les dix prochaines années, c'est le lithium" souligne Yves Jegourel, professeur titulaire de la chaire Économie des matières premières au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et co-directeur du guide annuel des matières premières CyclOpe, paru mercredi.

La production minière de cet élément indispensable, aujourd'hui concentrée en Australie et en Amérique Latine, n'arrive pas à suivre l'envol spectaculaire de la demande mondiale.

Des dizaines d'énormes usines de batteries ont été annoncées un peu partout sur la planète, et chaque batterie a besoin d'environ 5 kilos de lithium.

En 2021, le prix du carbonate de lithium pour des contrats au comptant aux États-Unis a doublé à 16,72 dollars le kilo, indique le CyclOpe.

De même, pour les hydroxydes de lithium, de plus en plus demandés pour les batteries automobiles, les prix ont presque doublé (+97%) à 18,82 USD le kg.

Selon différents scénarios, la demande en lithium pourrait quadrupler voire multipliée par six en 2030 par rapport à 2021, à plus de 500 kilotonnes par an, selon un rapport de l'Agence internationale de l'énergie.

 

Stocks stratégiques

Au-delà des constructeurs, les Etats eux-mêmes sont engagés dans des logiques de sécurisation de ces métaux stratégiques pour la transition énergétique en cours.

A Luxembourg, le conseil européen consacré à la compétitivité sous présidence française doit notamment aborder le sujet ce jeudi, en évoquant la possibilité de créer des stocks stratégiques, ou en préparant le terrain au recyclage des batteries afin de "garder" les matières sur le vieux continent.

Pour les constructeurs, la déclaration du patron du fabricant américain Tesla, Elon Musk le 8 avril dernier "ne veut pas dire pour autant qu'ils vont devenir eux mêmes exploitants de la mine", juge M. Poinssot.

"Cela veut dire que d'un point de vue capitalistique, peut-être vont-ils monter au capital d'une mine ou d'un exploitant minier, pour sécuriser leur filière d'approvisionnement. Il y a déjà Tesla qui est en train de regarder", analyse-t-il.

Volkswagen et BMW sont ainsi entrés au capital de Northvolt, le groupe suédois de batteries électriques.

Outre plusieurs usines de batteries à travers l'Europe, le nouveau géant européen prévoit de construire près de Lisbonne une grande usine de raffinage de lithium, avec le pétrolier Galp.

Le groupe Stellantis (né de la fusion de Fiat-Chrysler et Peugeot-Citroën) mais aussi Renault et Volkswagen ont signé des contrats avec le projet de mine allemande Vulcan, pour s'approvisionner en lithium.

Volkswagen prévoit également de créer une coentreprise avec le groupe belge Umicore, spécialiste des matériaux pour la mobilité propre, pour fournir des matériaux de cathode (un des éléments des batteries) aux usines européennes du groupe.

Renault a aussi rejoint en mars le consortium de Veolia et Solvay qui a construit une usine pilote pour améliorer le recyclage des métaux utilisés dans les cellules de batteries, comme le nickel, le lithium ou le cobalt, une alternative essentielle à l'extraction.

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