L'insolente croissance du marché espagnol

L'industrie automobile est le symbole de la récupération de l'économie espagnole, principal argument de campagne de Mariano Rajoy, une réussite liée à la flexibilisation du marché de l'emploi et des efforts de recherche et développement.

"Même au pire de la crise, le secteur a réussi à surmonter les difficultés, et à être une source d'espoir et de croissance", se félicitait, en février, le chef du gouvernement espagnol.

Les données sont insolentes, avec une croissance de la production en 2015 de 11,1% contre 3,3% pour l'Allemagne et 4,4% pour la France. L'Espagne avec ses 14 usines d'assemblage arrive à la neuvième place mondiale dans un classement dominé par la Chine, les Etats-Unis et l'Allemagne.

Localement, tous les grands constructeurs sont présents, de Nissan à Ford, en passant par Volkswagen et Renault. L'industrie automobile pèse lourd, 10% du PIB, et constitue l'un des trois moteurs de l'économie avec l'agroalimentaire et le tourisme.

Après une descente aux enfers amorcée avec la crise de 2008, l'industrie automobile va mieux depuis 2013-2014, particulièrement dans le très dynamique secteur des composants automobiles.

"Nous revenons à des niveaux proches de l'avant-crise", témoigne Fernando Macías, directeur de la Division Europe du sud du géant des composants automobiles espagnol Gestamp, basé notamment en Galice, un des berceaux de l'automobile en Espagne.

La branche des composants, responsable de 75% de la valeur des voitures, a généré un chiffre d'affaires en 2014 de 29,7 milliards d'euros, selon l'association Sernauto, qui regroupe ses entreprises, contre 22,9 milliards en 2008-2009.

En termes d'emplois, le sinistre était cependant très grave avec presque 80.000 emplois perdus dans cette branche entre 2007 et 2009. Pour limiter la casse, les patrons ont demandé des concessions au personnel.

"C'est surtout la flexibilité qui s'est négociée, le gel des salaires, leur baisse pour les nouveaux salariés avec engagement de rattrapage à l'avenir, des départs à la retraite anticipés, et dans certains cas extrêmes, des licenciements", résume Isabel Fernández, du syndicat Comisiones obreras, le premier en Espagne.

Les syndicats prévoient d'ailleurs une hausse des revendications salariales avec la reprise de la croissance.

Le secteur a perdu 20% de ses employés contre 28% pour l'ensemble de l'industrie espagnole.

A Mos, à une quinzaine de kilomètres de Vigo, José Antonio Rodríguez Estévez, dirigeant de Copo, fabriquant des sièges de voiture, explique aussi que l'entreprise a notamment pu survivre grâce à un plan social, sans révéler le nombre de personnes touchées, la moitié des 400 salariés du site, selon la presse locale.

S'appuyant sur les exportations, les fabricants de composants ont repris le chemin de la croissance et Sernauto prévoit pour 2015 une hausse de 7% de son chiffre d'affaires, ce qui lui permettrait de se rapprocher des niveaux de 2007.

Gestamp, qui emploie 32.000 personnes dans une vingtaine de pays et qui a facturé pour deux milliards en 2009, espère ainsi passer au-dessus de la barre des sept milliards en 2015.

Avec Antolin, (28.000 employés), l'autre poids lourd du secteur, il est d'ailleurs devenu l'un des symboles de l'économie espagnole à l'étranger, avec le géant textile Inditex.

 

Innovation

Mais le renforcement de la compétitivité et de la productivité est aussi lié à l'innovation, disent tous les acteurs concernés.

Gestamp a ainsi investi sur la technologie de l'emboutissage à chaud ("hot stamping"), permettant la production de composants en acier 20% plus légers, allégeant la carrosserie et offrant également de meilleures performances en cas de collision. Il assure être leader dans ce domaine.

"Les projets de recherche et développement reprennent avec force, surtout sur des sujets aussi importants que la baisse des coûts" ou la réduction des émissions, note Chantal Millet, du Centre automobile de Galice (CETAG).

"La recherche et développement est la clef de notre positionnement" assure encore M. Macías.

Copo, une entreprise de taille moyenne avec 770 employés dans le monde, a pu s'y réinvestir: elle a récemment racheté 100% de sa filiale consacrée à l'innovation, qu'elle avait vendue en 2012 pour obtenir des liquidités.

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