L'industrie française déjà remise de la crise?

Un an après le début de la crise sanitaire, l'industrie française semble avoir surmonté les perturbations engendrées par l'épidémie de Covid-19, et devrait même profiter du plan de relance, même si des nuages assombrissent toujours l'avenir de certains secteurs, dont l'automobile.

Si le secteur des services --en particulier les commerces, le tourisme ou la culture-- souffre toujours des restrictions imposées pour lutter contre l'épidémie, la grande majorité des branches industrielles sont bien reparties.

Dans l'industrie, le moral des chefs d'entreprises a ainsi retrouvé en avril son niveau d'avant la crise, selon l'Insee, s'améliorant dans toutes les principales branches industrielles.

En mars, l'activité et l'emploi manufacturier avaient connu leur plus forte croissance depuis plus de 20 ans, selon une autre estimation du cabinet IHS Markit.

"Il y a aussi eu en mars un record d'embauches de contrats de plus d'un mois dans l'industrie, ce qui est un signe d'une bonne activité industrielle", souligne Denis Ferrand, directeur général du cabinet Rexecode.

Selon la Banque de France, le taux global d'utilisation des capacités de production était même supérieur en mars à son niveau d'avant crise, même s'il "reste dégradé" dans l'aéronautique et la métallurgie.

Cette santé retrouvée tient à l'adaptation des entreprises industrielles face aux mesures sanitaires, mais aussi à un retour de la demande, notamment internationale avec la reprise de l'économie en Asie et même aux Etats-Unis.

"L'industrie est dynamique parce que la consommation des ménages a changé de nature. Elle s'est déportée vers plus de produits industriels", comme les biens d'équipements du foyer, puisqu'ils ne pouvaient plus consommer des loisirs ou d'autres services, explique aussi Denis Ferrand. Un phénomène qui sera toutefois, selon lui, "temporaire".

Plusieurs branches affichent ainsi un certain optimisme pour cette année.

"Nous anticipons un rebond significatif des volumes de production de la chimie en France, de 6% à 7%", après une chute de 8% de l'activité l'an dernier et un début d'année 2021 encore difficile, indiquait jeudi Luc Benoit-Cattin, président de la fédération France Chimie.

Du côté de la mécanique, on table sur une reprise de 6% à 9% cette année, après une chute de 10,8% en 2020.

"Les carnets de commandes se remplissent, l'activité industrielle fonctionne relativement bien en France", observe le directeur général de la Fédération des industries mécaniques (FIM), Philippe Contet. "Mais ce serait surprenant, eu égard au contexte global, que nous réatteignions le niveau de 2019", tempère-t-il, tablant plutôt sur 2022.

M. Contet pointe "un sujet de préoccupation majeure sur lequel on ne voit pas le bout du tunnel, c'est la problématique de la disponibilité de matières". Il évoque ainsi des délais d'approvisionnement de 10 à 16 semaines, voire plus, pour certaines qualités de métaux, entraînant des arrêts ponctuels de production.

 

Encore des "turbulences"

Dans un deuxième temps, l'argent public du plan de relance, dont un tiers est dédié à l'industrie, devrait soutenir plusieurs branches, comme la pharmacie, les technologies numériques ou l'automobile.

"Il a une composante de transformation de l'économie qui est importante et qui est plutôt un vecteur de soutien de la demande de produits industriels", souligne Denis Ferrand.

La FIM salue aussi les aides à la transition vers "l'industrie du futur" (numérique, robotisation) particulièrement pour les PME, qui constituent 95% du tissu industriel de la mécanique et qui souhaitent "moderniser l'outil de production".

Au 30 mars, près de 1,3 milliard d'euros de soutien à l'investissement ont été accordés à plus de 1.200 projets industriels, selon le décompte de Bercy.

Toutefois, le ciel ne s'est pas encore totalement éclairci. Certains secteurs souffrent encore beaucoup, comme l'automobile qui fait face à des problèmes d'approvisionnement en semi-conducteurs.

Des difficultés qui pourraient expliquer en partie la baisse surprise de la production industrielle en France en février (-4,7%).

Et l'aéronautique, segment majeur de l'industrie française, "va rester dans les turbulences en 2021-2022", jugeait récemment Eric Trappier, président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas).

"Je crains plus les défaillances (d'entreprises) à venir que celles que nous avons connues", a-t-il prévenu.

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