L'industrie auto espagnole à plein régime

L'industrie automobile espagnole tourne à plein régime, profitant de la plus grande flexibilité de ses salariés depuis la crise et gagnant du terrain par rapport à ses voisins européens.

Après avoir dégringolé de plus de 40% entre 2007 et 2012, la production repart et a bondi de 11% en 2014 à 2,4 millions de véhicules. L'Espagne fait figure de petit miracle par rapport aux autres grandes nations automobiles européennes, l'Allemagne et la France, où la reprise est plus poussive. Même si la production n'a pas retrouvé le niveau de 2,9 millions d'avant la crise.

L'Espagne profite du redémarrage des immatriculations depuis le début de l'année en Europe, principal cliente de son industrie tournée à 80% vers l'exportation, et de la diversification de ses débouchés, de la Turquie à la Corée du sud.

Mais ceci n'explique pas tout. Sous la menace de voir se multiplier les plans sociaux, "les salariés ont accepté des concessions salariales et sur leurs horaires", explique Yann Lacroix, analyste chez Euler Hermes.

En 2012, année où le gouvernement a adopté une réforme du travail assouplissant les règles de licenciement et plafonnant les indemnités chômage, l'industrie automobile est allée encore plus loin.

Les syndicats ont accepté le principe du travail sept jours sur sept, d'une modération salariale, de salaires plus faibles pour les nouveaux embauchés ou une diminution de leur prime de nuit. Les coûts salariaux, déjà bien inférieurs à ceux de la France et de l'Allemagne, ont encore reculé de 5%, calcule Yann Lacroix.

"L'écart continue de se creuser en terme de coûts" en faveur de l'Espagne, confirme Thierry Bolloré, directeur délégué à la compétitivité chez Renault.

En contre-partie, les constructeurs ont embauché 20.000 personnes en 2014, selon leur fédération Anfac.

- des voyants au vert -

Ces accords ont évité d'en arriver "à une solution dramatique" avec la fermeture de sites, contrairement à ce qui s'est passé en France, avec l'usine de PSA Peugeot Citroën à Aulnay-sous-Bois, ou en Belgique, se défend Maximo Blanco, du syndicat Commissions ouvrières.

La perte d'emplois a été limitée pendant la crise à 8%, contre une chute de 29% dans le reste de l'industrie, selon le syndicat UGT. 300.000 salariés travaillent dans les usines des fabricants et de leurs sous-traitants.

Parmi les 17 usines espagnoles, plusieurs ont aussi décroché l'attribution de nouveaux modèles et des investissements importants. A lui seul, le géant allemand Volkswagen va mettre 3,3 milliards d'euros d'ici 2019 dans les installations de sa marque Seat en Catalogne. Le français PSA Peugeot Citroën a annoncé en avril son choix de Vigo, en Galice, pour construire des véhicules en commun avec l'américain General Motors.

Avec tous les voyants revenus au vert et une nouvelle hausse de la production attendue cette année, "le moment est arrivé d'augmenter les salaires", réclame le syndicaliste Maximo Blanco.

"A un moment où un autre, il sera difficile de maintenir une pression aussi forte sur les salariés", estime aussi Yann Lacroix. Mais il n'est pas certain pour l'analyste que les syndicats parviennent à décrocher des hausses substantielles, dans un contexte de chômage toujours très élevé en Espagne, malgré la reprise économique.

La concurrence exacerbée que font jouer les groupes automobiles entre leurs usines dans différents pays ne plaide pas non plus en faveur d'une amélioration, avertit Tommaso Pardi, sociologue et co-directeur de l'institut de recherche Gerpisa sur l'automobile.

"On va dire aux Espagnols qu'ils ne sont pas compétitifs par rapport aux Roumains, aux Français qu'ils ne le sont pas par rapport aux Espagnols et ainsi de suite. C'est un jeu où presque tout le monde est perdant", dénonce-t-il.

Les pays d'Europe de l'Est, qui servent comme l'Espagne de base de production à Volkswagen, PSA Peugeot Citroën, Renault, ou encore l'allemand Daimler, offrent des coûts horaires bas, environ 13 euros pour la Slovaquie, contre 30 euros en Espagne.

Mais l'Espagne a d'autres atouts à faire valoir: un tissu de sous-traitants dense, des salariés bien formés et la possibilité d'alimenter non seulement l'Europe, mais aussi l'Afrique via ses ports, selon les analystes.

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