L'hydrogène, explosive bulle boursière?

L'hydrogène est une promesse qui n'engage que ceux qui achètent: 2020 a consacré la montée en puissance des entreprises autour de cette source d'énergie, mais de nombreux investisseurs pointent le risque de bulles.

C'est l'histoire d'une entreprise qui a valu près de 30 milliards de dollars un peu après son introduction à la Bourse américaine en juin 2020, sans même avoir vendu un seul de ses produits.

Le conte a tourné court: Nikola est aujourd'hui dans la tourmente sur fond d'accusations de fraude, qui ont poussé à la démission son président et fondateur Trevor Milton.

La fabricant est notamment spécialisé dans les camions roulant à l'hydrogène et avait noué un partenariat avec General Motors.

L'hydrogène, dont la combustion ne dégage que de la vapeur d'eau, est en effet perçu comme un complément à l'électricité dans bien des cas, comme le transport.

"On peut s'en servir pour des camions, et laisser l'électricité aux voitures. Il est aussi utile pour stocker de l'énergie pendant une longue durée", à expliqué au cours d'une réunion d'investisseurs Xavier Chollet, gérant du fonds Pictet-clean energy, dédié à la transition énergétique.

Problème pour Nikola, l'entreprise a notamment été accusée par une société d'investissement d'avoir présenté dans une de ses vidéos promotionnelles en 2017 un camion qui ne faisait en fait que descendre une pente, après y été tracté pour arriver au sommet.

 

Forte attente

S'il le montre à l'extrême, l'exemple de Nikola illustre l'attente dans le secteur de l'hydrogène, notamment de la part des investisseurs qui rêvent de dénicher l'entreprise qui s'imposera sur ce nouveau marché.

"Le sujet intéresse beaucoup nos clients-investisseurs professionnels. Ils sont très au fait, y compris à un niveau personnel. Depuis quelques années, ils nous font part de leur frustration" du manque d'investissement dans ce domaine, relate à l'AFP Nicolas Beneton, spécialiste de l'investissement durable chez RobecoSAM.

En France, l'entreprise McPhy, spécialiste des équipements de production et distribution d'hydrogène, a ainsi vu sa valorisation - encore faible - multipliée par six depuis le début de l'année sur la place parisienne, bondissant à l'annonce de chaque nouveau contrat.

Longtemps une chimère, l'hydrogène est revenu au centre des efforts dans les plans de relance comme en France, qui va consacrer sept milliards d'euros au développement de la filière d'ici à 2030.

"Je le compare un peu à la mode du cannabis en 2018-2019", pointe à l'AFP Steven Vermander, analyste de KBC Asset Management. "Tout le monde a soudainement voulu des actions d'entreprises autour du cannabis au moment des espoirs de la légalisation. Il suffisait de mettre +cannabis+ dans son nom pour que l'action monte, même si l'entreprise n'était presque pas sur le marché".

"Aujourd'hui, la plupart des titres ont abandonné leurs gains", pointe-t-il.

 

Pas encore vert

Technologiquement, de nombreux obstacles n'ont pas été franchis pour envisager un déploiement rapide. Pour la voiture à hydrogène, il reste encore "le coût, le rendement insuffisant, la dangerosité du ravitaillement", énumère M. Beneton.

Surtout, cette énergie n'est pas encore durable. "Pour l'instant, investir dans l'hydrogène n'est pas extraordinaire pour la planète", lance M. Chollet, recourant à l'euphémisme.

"L'hydrogène dont on parle est produit par des énergies fossiles. On a l'espoir d'avoir un hydrogène vert, fabriqué à partir d'électricité, qui lui serait peu polluant. Pour l'instant, il est dix fois plus cher", rappelle-t-il.

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