L'explosion de la pratique du vélo fait des vagues

Une croissance à digérer, un espace public à partager: la crise sanitaire a entraîné l'explosion du nombre de cyclistes au quotidien dans les grandes villes où la cohabitation avec les piétons et les voitures n'est pas simple. "Inquiète", la Sécurité routière vient donc de lancer vendredi une grande campagne de sensibilisation, baptisée "Attention à vélo, attention aux vélos".

Elle cible autant les automobilistes, appelés à faire attention aux cyclistes, que ces derniers, dont le nombre en France a fortement augmenté depuis fin 2019, à la faveur des grèves puis de la crise sanitaire, qui ont détourné certains usagers des transports en commun, sur fond de préoccupations écologiques croissantes.

La fréquentation cyclable a ainsi progressé de 30% du 11 mai, début du déconfinement, au 13 septembre par rapport à la même période l'année dernière, selon l'association Vélo et Territoires, qui regroupe des collectivités.

La hausse concerne tous les milieux (+34% en milieu urbain, +20% en périurbain et +19% en milieu rural), est particulièrement marquée dans certaines grandes villes, comme Paris (+72%), et prolonge un mouvement de fond plus ancien: entre 2013 et 2018, le nombre de cyclistes a cru de 20%.

"On est sur un changement d'échelle et sur un phénomène de masse critique. Il y a un phénomène vélo, qui va s'inscrire dans le temps et la durée", estime Camille Thomé, de Vélo et Territoires.

Outre les mouvements sociaux et la crise sanitaire, le vélo électrique a joué un rôle moteur puisqu'il a "aplani les côtes et raccourci les distances", selon elle. "Tout le monde s'est dit: finalement pourquoi pas moi, y compris des usagers qu'on ne voyait pas hier, comme des personnes âgées."

Cette hausse de la fréquentation s'est accompagnée d'une augmentation de la mortalité et de l'accidentalité: 123 cyclistes sont décédés depuis le début de l'année, soit seulement 29 de moins que sur la même période en 2019, alors que la France a été confinée pendant deux mois, selon des chiffres de la Sécurité routière.

Et depuis 2010, la mortalité des cyclistes a cru de 27%, quand celle de tous les usagers de la route confondus a baissé de 19%.

Par ailleurs, 1.566 personnes ont été blessées à vélo de juin à août 2020, contre 1.362 en 2019. Et chaque année plus de 60.000 cyclistes arrivent aux urgences des hôpitaux.

Sans compter les accrochages et accidents légers qui passent sous les radars statistiques.

 

"Pas l'ADN du danger"

La corrélation entre hausse de la fréquentation et des accidents est mécanique sous l'effet du nombre, mais s'explique aussi par certaines "mauvaises pratiques" des adeptes de la petite reine, souligne le Pr Olivier Langeron, chef de service d'anesthésie et des réanimations chirurgicales aux hôpitaux universitaires Henri-Mondor (Val-de Marne et Essonne).

Il cite notamment par exemple "la transgression absolue du feu rouge".

La campagne de la Sécurité routière rappelle donc aux cyclistes qu'ils ne peuvent "s'exonérer du code de la route, là pour les protéger", explique Marie Gautier-Melleray, déléguée interministérielle à la sécurité routière.

Cette oeuvre de pédagogie est d'autant plus nécessaire que, selon le Pr Olivier Langeron, les cyclistes n'ont "pas forcément l'ADN du danger" en eux comme les motards.

C'est particulièrement le cas, d'après Camille Thomé, de "beaucoup de néo-cyclistes (qui) se sentent en sécurité sur les aménagement cyclables mais n'ont pas internalisé tous les codes (de conduite), et n'ont pas forcément le permis de conduire".

En ville, on doit laisser la priorité au piéton, qui "doit être sacralisé", rappelle Camille Thomé. "Il faut faire régner la loi du plus faible: (d'abord) le piéton, puis le cycliste, les transports en commun, et enfin l'auto. Cela implique un réaménagement de l'espace" public.

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