Les stations-service prises d'assaut en région parisienne

Files d'attente de plusieurs dizaines de mètres, voire plus, dans certaines rues de Paris ou en banlieue, et des stations service à sec faute de ravitaillement: souvent résignés, parfois énervés, les automobilistes franciliens ont dû à leur tour apprendre la patience devant des stations-services à sec ou prises d'assaut.

Paris, 7h, et déjà plus une goutte de carburant dans les pompes de Total, Porte d'Orléans. La livraison était prévue pour la fin de la nuit mais mercredi en début de matinée, toujours rien.

Garés le long de l'avenue, une dizaine de conducteurs attendent patiemment. C'est le cas d'Hervé Pois, qui stationne "depuis deux heures" pour faire "un plein de précaution". Las, il finit par reprendre la route pour un rendez-vous à 8h00 dans le centre de Paris.

Porte de la Chapelle, la file d'attente à la station BP n'était pas plus longue que d'ordinaire. Mais à la hauteur de Fontenay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), une cinquantaine de véhicules débordaient dangereusement sur la file de droite de l'autoroute A3 pour accéder à une autre station BP, a constaté une journaliste de l'AFP.

Idem porte de Saint-Ouen, où une queue réglementaire d'une vingtaine de minutes s'imposait pour pomper les dernières gouttes d'une station Total. "Les grévistes ont raison de se défendre mais pas en nous pénalisant, nous", soupire Guillaume, 22 ans, livreur pour de moquettes et tapis, qui attend depuis une demi-heure au volant de sa Peugeot "Partner".

Un chauffeur Uber avait lui "fait cinq stations-service ce matin sans trouver de diesel". Uber a d'ailleurs invité ses chauffeurs à "télécharger, en ouvrant leur interface, des applications qui donnent en temps réel la façon dont sont approvisionnées les stations".

 

"Mouvements de panique"

"Les gens vont de station en station", témoigne Jean-Baptiste, 51 ans, qui gère deux stations Total à Paris. "On a eu une livraison hier soir à 19h car c'était vide à 13h, et ce matin à 11h30 plus une goutte", souligne-t-il, même s'il dit avoir vu "pire que ça en 2010" lors du conflit contre la réforme des retraites.

"Le phénomène tend à se déplacer vers l'Ile-de-France", reconnaît Christian Scholly, directeur général de l'Automobile Club Association (ACA), qui rappelle que "83% des déplacements des Français aujourd'hui se font par l'automobile".

"Les mouvements de panique sont compréhensibles pour certaines personnes qui travaillent avec leur voiture, par exemple une infirmière à domicile. Tous ces métiers qui font le quotidien des Français risquent de ne plus pouvoir assumer leur mission", redoute-t-il.

C'est le cas de Marie, avocate, qui plaide souvent dans les tribunaux de banlieue. "Il me reste un quart de réservoir, je pourrais encore tenir quelques jours mais j'ai peur que le conflit ne se durcisse et que tout soit bloqué", explique-t-elle à l'AFP.

Les pleins de précaution auxquels certains automobilistes procèdent n'arrangent pas la situation.

Aux Invalides, la gérante d'une station Total a assuré à l'AFP "être livrée tous les jours" mais c'est "l'affluence des gens qui change".

"Il y a une petite inquiétude par rapport à la psychose qu'ont les consommateurs qui surconsomment. Ils sont pessimistes et font la queue pour une dizaine de litres", confie Christophe Van Lierde, vice-président de la Fédération nationale du Taxi (FNDT).

Parmi les automobilistes, les avis divergent sur la légitimité de la forme que prend le mouvement social. "Si ça peut aider le plus grand nombre de bloquer les raffineries... je suis pour", a déclaré Adrien, 26 ans, coursier en scooter. Mais Valérie, 46 ans, commerciale dans la presse, ne soutient "pas du tout le mouvement".

"La CGT ne représente même pas 5% des salariés en France, ce n'est donc pas normal qu'une minorité prenne tout le monde en otage", argumente-t-elle.

Pour tenter de limiter la razzia, certains gérants de stations-service ont imposé des restrictions. "Près de Montparnasse, on ne m'a autorisé à prendre que 20 litres d'essence", rapporte ainsi Alexis, ascensoriste chez ThyssenKrupp. Une décision du magasin que Christian Van Lierde, de la FNDT, qualifie de "complètement arbitraire".

ede-tq-hdu/fpo/jpr

© 2016AFP