Les plastiques de Bayer vont entrer en bourse en fanfare

Covestro, l'ancienne division de chimie plastique du laboratoire allemand Bayer, vole désormais de ses propres ailes et espère réaliser vendredi la plus grosse entrée en Bourse depuis 15 ans en Allemagne, malgré la grise mine du marché.

Précédemment connu sous le nom de "Bayer MaterialScience" et coeur de métier historique de Bayer, inventeur de l'aspirine, l'entreprise veut lever 2,5 milliards d'euros. Un ticket d'entrée jamais vu à la Bourse de Francfort depuis 2000 et la cotation de l'ancien monopole des postes, Deutsche Post.

En prenant son indépendance, Covestro devient le quatrième plus gros chimiste européen, derrière le numéro un mondial du secteur BASF, le néerlandais LyondellBasell et l'allemand Evonik. Un passage en pleine lumière pour une entreprise jusqu'ici discrète, qui a pourtant inventé le polycarbonate.

La production de ce plastique difficilement inflammable, et celle du polyuréthane, sous forme de mousse, sont les activités principales de Covestro. Ses plastiques servent à une myriade de produits quotidiens, des poignées de portes de voitures aux coques d'ordinateurs, en passant par l'isolation des fenêtres.

Les actions Covestro sont en vente depuis le 21 septembre, dans une fourchette de 26,50 à 35,50 euros. Bayer a indiqué vouloir moduler le nombre de titres émis afin d'être sûr de collecter 2,5 milliards, malgré la mauvaise humeur du marché.

L'indice vedette Dax a lâché plus de 2% depuis le début de la semaine, après avoir chuté de 2,30% la semaine dernière.

"L'environnement est loin d'être optimal", entre le scandale Volkswagen, le ralentissement de la Chine et l'incertitude entretenue par la Banque centrale américaine (Fed) sur la remontée de ses taux directeurs, relève pour l'AFP Robert Halver, économiste chez Baader Bank.

Mais "il n'y a pas eu tant d'introductions en Bourse cette année" et les investisseurs "ont visiblement une grosse envie de sauter sur l'occasion", ajoute-t-il.

Un appétit sur lequel mise aussi le patron de Covestro, Patrick Thomas, qui espère à terme intégrer le Dax.

"La plupart des IPO (introductions en Bourse) qui arrivent après une période de famine sont (...) les plus performantes", a lancé le Britannique devant la presse.

- "Très bien pour Bayer" -

D'autres candidats allemands à la Bourse bravent d'ailleurs la conjoncture. Scout 24 et ses portails Internet espèrent lever jusqu'à 1,4 milliard ce jeudi. L'armateur Hapag-Lloyd a annoncé vouloir se frotter au parquet d'ici fin 2015, et l'équipementier automobile Schaeffler a prévu de se lancer le 5 octobre. Il pourrait encore reculer à cause du scandale Volkswagen, selon la presse.

"Nous ne regardons pas tellement la volatilité actuelle du marché, mais plutôt notre activité", réagit M. Thomas, en pointant la rentabilité de Covestro, longtemps "machine à cash" de Bayer.

Le groupe de Leverkusen (ouest) a pourtant choisi de s'en défaire, pour dégager des marges de manoeuvre financières et investir les grosses sommes nécessaires au développement de nouveaux médicaments.

Avec ce divorce, Bayer devient un laboratoire tourné vers les "sciences de la vie", basé sur trois piliers: la pharmacie, l'automédication (médicaments sans ordonnance) et l'agrochimie (pesticides et engrais). Les 2,5 milliards levés par Covestro serviront en outre à réduire sa dette.

L'opération "est très bien pour Bayer, mais elle ne se fait pas non plus au détriment de Covestro", valorisé de manière juste, juge Florent Cespesdes, analyste chez Société Générale.

Bayer est coutumier du fait. Il avait mis en Bourse en 2004 Lanxess en 2004, son activité de chimie de spécialité. M. Thomas est prompt à pointer les différences de Covestro, qui promet selon lui une croissance durable, avec cette autre ancienne filiale à qui sa production de caoutchouc pose problème.

Covestro "opère dans des segments où il est leader de marché, est très international et a un bon potentiel de marge", juge aussi Daniel Wendorff, analyste chez Commerzbank.

Mais la chimie reste "très cyclique", nuance M. Cespesdes. Une inquiétude pour de nombreux analystes, alors que la croissance de la Chine ralentit nettement.

Chez Covestro, on préfère rappeler que la Chine pèse seulement 15,5% des ventes et que nombre de clients chinois sont des exportateurs. Et insister sur "de bons résultats en Amérique".

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