Les "gilets jaunes" promettent une "France bloquée" samedi

Vont-ils paralyser la France ? Les "gilets jaunes" appellent samedi à bloquer routes et points stratégiques à travers le pays lors d'une "mobilisation générale" citoyenne contre la hausse des prix des carburants, qui inquiète le gouvernement.

Pris de vitesse par ce mouvement de défiance qui a essaimé en quelques semaines sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical ou politique, l'exécutif a tenté de le désamorcer.

"Que nos concitoyens, qui considèrent qu'aujourd'hui ils ne sont pas entendus, pas considérés, s'expriment et le disent: il faut le respecter, il faut l'entendre", a affirmé mercredi le président Emmanuel Macron, tout en disant "sa méfiance" face aux récupérations politiques.

Le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé des mesures "d'accompagnement" pour atténuer la hausse des prix de l'énergie, tandis que le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a, lui, joué la fermeté en assurant qu'aucun "blocage total" ne sera toléré.

Sans effet pour le moment: environ 1.500 actions sont attendues sur l'ensemble du pays et seulement "un peu plus d'une centaine" auraient été déclarées, selon une source policière. Des préfectures ont battu le rappel jeudi pour que les organisateurs déclarent leurs actions.

Celle-ci viseront à perturber ou bloquer notamment les accès aux villes, les rocades et grands axes routiers, des aéroports, des dépôts et raffineries de carburants. Une opération escargot doit également se déployer sur le périphérique parisien avant de rejoindre l'Elysée.

En fin d'après-midi jeudi, deux opérations escargots ont été menées dans la Nièvre sur l'A77 et la Saône-et-Loire sur la N80, provoquant plusieurs kilomètres de bouchons, tandis qu'à Nice une centaine de "gilets jaunes" ont formé une chaîne humaine sur la promenade des Anglais.

"On ne pense pas aux gens qui sont en périphérie, en province, en zone rurale (...). On leur dit de se déplacer autrement mais la réalité, c'est pas ça. Ils n'ont pas d'autre choix que de payer", explique Priscillia Ludosky, à l'origine d'une pétition pour une baisse des prix à la pompe qui avait recueilli jeudi plus de 850.000 signatures.

Au fil du temps, l'opposition à la hausse des prix du carburant, première des revendications, s'est élargie à une contestation plus large de la politique du gouvernement et notamment des taxes qui grèvent le pouvoir d'achat.

 

"La loi s'appliquera"

L'appel au "blocage national" lancé en octobre sur Facebook a été décliné en autant de groupes locaux, et les gilets jaunes fluo de sécurité routière ont fleuri sous les pare-brises en signe de ralliement à ce mouvement protéiforme.

L'ampleur soudaine prise par cette fronde, qui rappelle les "bonnets rouges" contre l'écotaxe en 2013, a déconcerté. "Même si (ce mouvement) est irrationnel, c'est réel", a reconnu Christophe Castaner.

S'il a réaffirmé "la liberté de manifester", le gouvernement a également multiplié les mises en garde. "La loi s'appliquera", a assuré Edouard Philippe et les forces de l'ordre interviendront pour lever les blocages, a prévenu M. Castaner, exhortant les organisateurs à la "responsabilité".

"Trente unités de forces mobiles (environ 3.000 hommes, NDLR) sont mises à disposition des préfets pour intervenir en renfort des effectifs normaux de police et de gendarmerie", précise-t-on au ministère de l'Intérieur, où une cellule de crise sera mise en place samedi en lien avec le ministère des Transports.

L'opposition a dû faire preuve d'équilibrisme pour clamer son soutien aux "gilets jaunes" sans être accusée de "récupérer" un mouvement qui se revendique "apolitique" et "citoyen", ni d'encourager à la paralysie du pays.

Le président des Républicains, Laurent Wauquiez, assure que "l'exécutif n'a pas entendu les Français" et participera à une manifestation dans son département de Haute-Loire. Mais il a bien souligné qu'il n'appelait pas au blocage.

La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a affiché son soutien pour les "gilets jaunes" mais ne prendra pas personnellement part à cette journée, laissant ses élus défiler "aux côtés des manifestants".

A La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon n'a pas appelé publiquement à prendre part aux blocages mais souhaité le "succès" de cette "auto-organisation populaire" émanant d'une "colère juste".

Anticipant les perturbations, l'usine Toyota d'Onnaing (Nord) fermera ses portes samedi et dans certaines régions, des rencontres sportives locales ont été reportées. Plusieurs associations de cyclistes ont également appelé à des contre-manifestations de "gilets jaunes" à vélo comme à Saint-Brieuc (Côtes d'Armor), Lons-le-Saunier (Jura), Tours et Nantes.

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