Les concessionnaires bousculés par la crise

Le showroom est désert, mais les vendeurs s'activent au téléphone: les concessions automobiles, essorées par deux confinements, s'adaptent à marche forcée à des ventes plus numériques.

Pour ce deuxième confinement, les concessionnaires automobiles ont eu le droit de livrer des véhicules déjà commandés et d'assurer le service après-vente. Mais ils ne peuvent pas ouvrir leurs grands showrooms aux curieux.

Alors, dans cette concession historique de Vitry-sur-Seine, au Sud de Paris, des dizaines de Renault et Dacia, d'occasion ou flambant neuves, regardent passer les camions, tandis que leur valeur fond.

"On va se retrouver avec du stock. Je ne crois pas à une reprise en fanfare, il y aura une onde de choc au début de l'année", décrit François Pisters, qui dirige cette concession et d'autres via le pôle local du groupe Emil Frey, le N°1 du secteur en France.

Avec le reconfinement, les commandes ont baissé de 68,5% pour les véhicules neufs, et de 78% pour les occasions, selon le Conseil des professions de l'automobile (CNPA).

A l'étage de la concession de Vitry, l'atelier de carrosserie est déserté. Le confinement a calmé un mois de novembre d'ordinaire riche en collisions.

Au sous-sol cependant, dans l'atelier de réparation, l'activité n'a ralenti que de 20%. Faute de moyens, certains automobilistes remettent à plus tard les changements de boîte de vitesse et autres réparations à 2.000 euros. Mais le concessionnaire relance ses clients pour des révisions et ceux-ci continuent à prendre des rendez-vous. Et les professionnels font toujours entretenir leurs véhicules.

 

"Un modèle fragile"

Les concessionnaires attendent que le gouvernement annonce la réouverture de leurs spacieux showrooms, où ils assurent que les règles sanitaires ne peuvent qu'être respectées. Mais ils essaient aussi de rattraper leur retard à une époque où le marché est en pleine révolution, et leur métier bousculé.

"Le concessionnaire français d'aujourd'hui repose sur un modèle économique fragile qui, soumis aux pressions qui émergent, deviendra encore plus difficilement rentable", soulignait en octobre le cabinet ICDP dans une étude commandée par le CNPA.

Parmi les difficultés citées: les clients sont moins attachés à leur voiture, l'immobilier coûte cher pour les concessions, les plateformes en ligne se multiplient, et les marques tentent de reprendre le contrôle sur leurs ventes, qui étaient traditionnellement l'exclusivité des concessionnaires. Par ailleurs, les clients arrivent souvent parfaitement informés sur tous les modèles, offres, motorisations, couleurs et options.

"Cette période permet de démystifier l'outil digital. On a des vendeurs de toutes les générations, et certains considéraient qu'on ne pouvait pas vendre un véhicule en ligne", souligne François Pisters à Vitry. Désormais, on y présente les véhicules à distance, propose des offres de reprise en ligne ou la livraison de véhicules à domicile.

"C'est un peu la poule qui découvre le couteau. Et ils ont beaucoup de mal à recruter des experts du numérique", souligne un bon connaisseur du secteur, qui forme ces professionnels à la vente en ligne.

L'idée est dématérialiser au maximum la dizaine d'étapes du parcours d'un client, de la toute première réflexion sur l'achat, au paiement et à la livraison du véhicule. Reste un blocage majeur: l'essai. "Ca reste un achat important. Et il y a une relation sensorielle avec le véhicule", pour François Pisters. La "mise en mains" reste aussi un moment important, à fêter en concession.

Le financement, lui, pourrait se dématérialiser et révolutionner le rôle du concessionnaire. Selon l'étude du CNPA, le concessionnaire de demain livrera davantage de véhicules en location longue durée ou avec option d'achat, comme c'est le cas pour les flottes d'entreprises. Ils devraient compter pour 21% du parc automobile en 2025, contre 13% en 2017.

Cette dynamique pourrait être renforcée par le développement des véhicules électriques, qui ont besoin de moins d'entretien, mais de garagistes formés récemment.

tsz/pn/eb

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