Les 100 ans du « permis », une institution contestée 

Pour conduire un véhicule, il faut depuis le 31 décembre 1922 un certificat d'aptitude qui n'en est pas un, l'apprentissage réel débutant avec l'expérience.

Pour des générations, il reste ce fameux carton rose en trois volets. Passé depuis 2013 au format carte de crédit pour une harmonisation européenne, le permis de conduire français fête ses 100 ans. Ce document, qui donne l'autorisation, après réussite d'un examen (code + conduite), de conduire des véhicules à moteur sur route, voit formellement le jour dans le décret du 31 décembre 1922, dit « Code de la route ».

« Nul ne peut conduire un véhicule automobile s'il n'est porteur d'un certificat de capacité délivré par le préfet du département de sa résidence, sur l'avis favorable d'un expert accrédité par le ministère des Travaux publics », dispose alors la législation. Alors que la majorité est à cette époque fixée à 21 ans, toute personne peut passer ce permis à partir de 18 ans. Ce précieux sésame présente la particularité de ne préciser ni la nationalité ni le sexe du titulaire.

Avant l'instauration du permis de conduire, il existait déjà une réglementation pour contrôler la circulation des véhicules à moteur mis en service aux alentours de 1890. C'est au préfet de police de Paris Louis Lépine que l'on doit la création, en août 1893, d'un « certificat de capacité » pour circuler dans le périmètre de la préfecture de police de la capitale.

Véritable permis avant l'heure, il est étendu à l'ensemble du territoire français en mars 1899 mais a failli disparaître juste avant la Première Guerre mondiale. Les autorités songent sérieusement à l'abolir au profit d'une sanction des accidents imputables à la maladresse ou à l'incapacité des conducteurs par le jeu de la responsabilité civile et pénale... Mais, face à la forte hausse des accidents, l'opinion fait reculer le gouvernement en exigeant un contrôle plus rigoureux.

Dans la France de l'entre-deux-guerres, le parc automobile explose, passant de 157 000 véhicules de tourisme en 1920 à 1 800 000 en 1940, où l'on compte également 500 000 véhicules utilitaires. D'où la professionnalisation de l'enseignement de la conduite, l'instauration de sanctions pour faire respecter le Code de la route avec « le coup de sifflet du gendarme » (1923) et la suspension du permis (1927) ainsi que la mise en place d'un contrôle médical, étendu à tous les automobilistes en 1934.

C'est également à cette époque que voient le jour les premières voiturettes, ces petits véhicules dispensés de carte rose.
Le permis « peau de chagrin »

Tout au long de son histoire, le permis connaît des évolutions. Un décret de 1954 refond le Code de la route et crée six catégories de permis. En 1969, c'est l'autocollant rond avec le nombre « 90 » en caractères noirs sur fond blanc qui fait son apparition. Tous les nouveaux titulaires du permis doivent l'apposer pendant un an à l'arrière du véhicule et ne pas conduire à plus de 90 km/h durant cette période. Il sera ensuite remplacé par un disque « A ».

Mais la plus grande évolution – la mise en place d'un « permis à points, peau de chagrin » pour limiter les accidents de circulation (plus de 9 000 tués sur les routes en 1992) – est également la plus difficile tant la mesure est impopulaire. Mise en chantier dès 1974, elle n'est votée qu'en 1989 et appliquée à l'été 1992, accompagnée par un énorme blocage des routes du pays par les chauffeurs routiers mécontents. Un solde de points nuls entraîne l'invalidation du permis qui peut déjà faire l'objet d'une suspension ou d'une annulation.

Parmi les autres réformes figurent aussi la conduite accompagnée à 16 ans, probablement la mesure la plus intelligente pour vraiment aider les jeunes à assimiler sur le long terme et sous la houlette d'un mentor familial les subtilités de la conduite. Il y eut ensuite le « permis probatoire » de trois ans pour les jeunes conducteurs et le permis à un euro par jour pour lutter contre la cherté de cet examen de passage.

Pour une harmonisation européenne et pour lutter notamment contre les faux permis, le tryptique rose cède la place en 2013 à une carte plastifiée au format carte de crédit, un temps à puce biométrique. Ce nouveau permis est désormais valable pendant 15 ans, mais son renouvellement est purement administratif, sans visite médicale ni nouvel examen pratique associé.

Pendant longtemps, les femmes sont très minoritaires (3 % en 1920 !). Mais leur nombre ne cesse de croître, avec un premier pic en août 1939. Elles sont 80 000 à obtenir leur permis à ce moment-là, la plupart des hommes étant mobilisés au front. Elles dépassent un temps (53 %) les hommes au début des années 2000.

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