Le nouveau patron de Volkswagen face au chantier de la voiture connectée

Le furtur patron de Volkswagen, Oliver Blume, doit achever plusieurs chantiers de taille, à commencer par celui d'apaiser le climat en interne après le règne de son bouillant prédécesseur Herbert Diess, mais aussi introduire Porsche en Bourse et s'armer pour la bataille des logiciels.

"Le défi numéro un porte clairement sur les logiciels", résume Matthias Schmidt, analyste du secteur. Autrement dit : la transformation des voitures en sorte d'ordinateurs sur roues, deuxième grande étape en plus de l'électrification.

L'actuel PDG Herbert Diess a déjà lancé le groupe aux douze marques dans un virage électrique sans équivalent dans le monde des "vieux" constructeurs - bien placé pour devenir leader du marché d'ici 2025.

Mais pour rattraper Tesla, érigé en modèle, la programmation des véhicules s'avère plus complexe.

Des difficultés dans la filiale Cariad, chargée de mettre au point ces systèmes, ont retardé plusieurs projets phares. Elles ont précipité la fin du mandat de Herbert Diess, qui comptait transformer Volkswagen en géant de tech.

L'objectif ambitieux : programmer un maximum du code en interne, sans s'appuyer sur des logiciels achetés ailleurs, et garder ainsi la main sur le centre névralgique de la voiture du futur et les bénéfices financiers qui en découlent.

Oliver Blume "doit décider s'il continue à suivre la projet de Herbert Diess (...) de le faire en interne ou s'il réalise un changement stratégique majeur" en s'appuyant sur des fournisseurs "en vivant avec les conséquences de voir disparaitre ces sources de bénéfices", note M. Schmidt à l'AFP.

"Le plan de tout faire de manière centralisée sera probablement repensé", estime l'expert Ferdinand Dudenhöffer.

 Confrontation nuisible 

Autre chantier : réparer les relations houleuses entre direction et syndicats, qui ont fragilisé depuis des mois M. Diess.

La personnalité clivante de l'Autrichien et l'accumulation de conflits internes sont la principale raison sous-jascente du départ expéditif, confirme une source au sein du groupe.

L'annonce a surpris pour le moment choisi. Mais l'avenir du patron de VW semblait compromis depuis un moment déjà. Une partie de ses prérogatives avaient déjà été réduites dans le passé.

M. Diess "avait des ennemis" et "n'était aimé ni des politiques, ni du comité d'entreprise", note M. Dudenhöffer.

Signe du désaveu : le conseil de surveillance a unanimement approuvé son départ.

Pour tourner la page du scandale "dieselgate" des moteurs truqués et lancer l'électrification, "il était très important d'aller vers la confrontation car le groupe devait être transformé", note M. Dudenhöffer.

Mais à présent, "il s'agit d'appliquer" les décisions.

"Pour ça, la confrontation est nuisible", juge l'expert. Même si, avec M. Diess, "une bouffée d'air frais disparait à Wolfsburg", M. Diess ayant eu "le courage d'essayer", rétorque M. Schmidt.

Proche des familles Porsche-Piëch qui contrôlent le groupe, Oliver Blume est - contrairement à M. Diess arrivé de BMW - un pur produit de Volkswagen : "probablement pas ce dont Volkswagen a besoin actuellement", tranche l'analyste.

Continuité 

Réputé plus "coopératif", selon M. Dudenhöffer, M. Blume prendra la tête du géant allemand le 1er septembre.

"Il poursuivra les grands projets stratégiques de Herbert Diess", estime l'expert, notamment les investissements dans la fabrication de cellules de batteries électriques, la construction d'une nouvelle usine à proximité du siège historique et le développement des services de mobilité avec Europcar.

Signe d'une certaine continuité: le directeur financier Arno Antlitz accèdera en plus aux fonctions de directeur des opérations (COO).

Herbert Diess continuera, selon une source proche du conseil de surveillance, à travailler pour Volkswagen jusqu'à la fin de son contrat en 2025 - en tant que "conseiller".

Gardant pour l'instant la direction de Porsche, Oliver Blume devra finalement mener à bon port l'introduction en Bourse (IPO) de la filiale à bolides, envisagée au 4e trimestre dans un contexte de marché déjà frileux.

"Je pense qu'il restera chez Porsche" jusqu'à l'IPO, note M. Schmidt, avant de "se concentrer à gérer le groupe et ses multiples tentacules".

Le futur patron "sera jugé sur le succès de VW en Chine" et aux États-Unis, deux marchés clés où VW a faibli, rappelle M. Dudenhöffer.

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