Le "drame" d'un Brexit dur pour l'automobile

Le patron de PSA Carlos Tavares a mis en garde mercredi contre le drame que représenterait un Brexit dur pour l'industrie automobile, au moment où le marché européen semble se retourner après cinq années de hausse.

Une sortie du Royaume-Uni de l'UE sans accord "serait extrêmement dramatique pour l'industrie automobile européenne", a prévenu M. Tavares, s'exprimant à Paris en tant que président de l'Association des constructeurs européens d'automobiles (ACEA).

"Nous pouvons tous sentir que quelque chose se prépare pour le pire (...). Tout le monde se prépare à un résultat négatif", a déclaré M. Tavares, appelant l'Union européenne et le Royaume-Uni "à conclure un accord".

En cas de Brexit dur, la livre sterling "s'effondrera et très probablement de nombreux constructeurs automobiles devront augmenter leurs prix pour protéger leurs marges, ce qui provoquera un effondrement du marché britannique", a affirmé M. Tavares lors d'une conférence de presse où l'ACEA présentait ses prévisions pour le marché automobile européen en 2019.

En outre, la possible instauration de barrières douanières entre le Royaume-Uni et l'Europe pourrait fortement réduire la compétitivité des usines automobiles britanniques qui exportent vers l'UE, remettant en cause des milliards d'investissements des constructeurs présents dans le pays.

Le Royaume-Uni, censé quitter l'Union européenne le 29 mars, est toujours en plein flou quant à la forme que prendra ce divorce historique, les députés britanniques ayant massivement rejeté le 15 janvier l'accord négocié pendant de longs mois avec Bruxelles par la Première ministre Theresa May.

 

Pression de Ford

Ford, qui emploie 13.000 personnes au Royaume-Uni, a aussi mis la pression sur Mme May pour éviter un Brexit sans accord, a indiqué mercredi à l'AFP une source proche du dossier.

Le constructeur automobile américain lui a présenté récemment les mesures qu'il envisage de prendre en cas de Brexit dur, a affirmé cette source, précisant que toutes les options sont sur la table, y compris un transfert de la production du Royaume-Uni vers le continent.

Un divorce sans accord serait "catastrophique pour l'industrie automobile britannique et pour les opérations de production de Ford dans le pays", a-t-elle ajouté.

Début février, le constructeur japonais Nissan avait déjà annoncé qu'il revenait sur sa décision, dévoilée en octobre 2016, d'assembler son crossover X-Trail pour le marché européen dans sa gigantesque usine britannique de Sunderland, la plus grande d'Europe.

"De plus en plus de gens opérant au Royaume-Uni prennent des décisions pour se préparer à un résultat négatif des négociations" entre Londres et Bruxelles, a souligné M. Tavares.

"Les constructeurs sont poussés à prendre des mesures d'urgence. Certains cherchent des entrepôts pour stocker des pièces, d'autres prévoient un arrêt temporaire de production pour l'après Brexit, et certaines compagnies réduisent même leurs investissements au Royaume-Uni", a résumé l'ACEA dans un communiqué.

L'organisation, qui représente les 15 grands constructeurs automobiles basés en Europe, anticipe en outre un marché européen plus difficile après cinq années de croissance. Il devrait être "au mieux stable" en 2019, avec "un taux de croissance de moins de 1%". Mais un léger recul n'est pas exclu, a reconnu M. Tavares, évoquant le signe d'un possible retournement de cycle.

Les inquiétudes autour du Brexit dur s'ajoutent à celles de la poursuite d'une guerre commerciale entre Washington et Pékin et à la faiblesse récente du premier marché automobile mondial, la Chine.

La baisse des importations en provenance de l'Union Européenne vers le Royaume-Uni en cas de "Brexit dur" menacerait à elle seule plus de 600.000 emplois dans le monde, estime une étude allemande publiée lundi.

En Allemagne, l'industrie automobile, dont le Royaume-Uni représente le premier marché d'exportation en volume, serait particulièrement touchée, avec 15.000 emplois, selon ces calculs effectués par les chercheurs de l'institut IWH.

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