L'après Marchionne commence dans la difficulté pour FCA

Le constructeur automobile Fiat Chrysler (FCA), dont l'emblématique patron pendant 14 ans Sergio Marchionne vient de mourir, a débuté mercredi cette nouvelle ère dans la difficulté, contraint de revoir à la baisse ses objectifs pour 2018 après une chute vertigineuse de son bénéfice net.

Celui-ci a dévissé de 35% au deuxième trimestre, à 754 millions d'euros, nettement en-dessous des attentes des analystes, qui tablaient sur 1,299 milliard, selon le consensus Factset Estimates.

Dans la foulée, le groupe a revu à la baisse son objectif annuel de chiffre d'affaires, qui est désormais de 115-118 milliards, contre 125 milliards auparavant, d'Ebit ajusté, qui sera égal ou supérieur à 7,5-8 milliards, contre 8,7 milliards prévus précédemment, et de trésorerie industrielle nette, à quelque 3 milliards contre 4 milliards auparavant.

L'objectif de bénéfice net ajusté reste en revanche inchangé à quelque 5 milliards.

Ces mauvais chiffres sont une surprise. Le quotidien économique Il Sole 24 Ore, référence dans le pays, disait mardi s'attendre à des résultats "records".

Conséquence: l'action a fini en recul de 15,5%, à 13,99 euros à la Bourse de Milan, ce qui, selon l'agence économique Radiocor, représente une perte de capitalisation de 3,7 milliards d'euros.

Le 1er juin, lors de la présentation du plan stratégique 2018-2022, "Sergio Marchionne avait dit que ce serait un trimestre difficile et il l'a été", a souligné le nouveau directeur général, Mike Manley, lors d'une conférence téléphonique avec les analystes, au cours de laquelle une minute de silence a été observée.

M. Marchionne devait quitter FCA courant 2019 mais il a succombé après avoir subi la semaine dernière des complications à la suite d'une opération fin juin.

M. Manley a assuré qu'il y avait néanmoins des éléments "positifs" dans les résultats.

Le chiffre d'affaires a ainsi gagné 4% à 28,99 milliards d'euros, légèrement plus qu'attendu (28,82 milliards).

Et FCA peut s'enorgueillir d'avoir pour la première fois une trésorerie positive, à 500 millions d'euros.

Ceci représentait un immense défi --et le principal objectif de M. Marchionne-- puisque la dette s'élevait à 7,7 milliards fin 2014.

 

"Pas de script"

M. Manley a précisé que le groupe confirmait tous les objectifs pour 2022.

"La Chine est le principal défi que nous affrontons" et "ma priorité", a-t-il insisté.

Le Britannique dirigeait jusqu'alors Jeep, la pépite de FCA, et le constructeur de pick-up et vans Ram.

Pour les analystes, le choix de M. Manley pour diriger FCA est cohérent avec la stratégie définie par M. Marchionne, qui a redressé Fiat puis complètement remodelé le groupe durant ses 14 ans de "règne".

Jeep et Ram sont les "principaux relais de croissance du groupe pour les cinq prochaines années", a rappelé l'agence de notation S&P Global Ratings.

Cependant, certains experts relèvent que ce Britannique discret n'est peut-être pas aussi armé que M. Marchionne.

"Les qualités politiques et les capacités de conclure des marchés de Sergio manqueront au groupe alors que FCA fait face à l'incertitude liée aux droits de douanes, à une certaine agitation (dans ses usines) en Italie et à un paysage en constante évolution en Amérique latine", jugent les analystes de Barclays.

L'expert automobile allemand Ferdinand Dudenhoeffer estime de son côté que FCA, septième constructeur mondial, est une "entreprise faible, et maintenant avec le départ de Marchionne, elle l'est encore plus".

Le marché se demande si une fusion avec un autre constructeur, que M. Marchionne avait un temps appelée de ses voeux, finira par advenir, ou au moins un partenariat afin de partager les coûts et investissements technologiques, dans un marché en pleine révolution avec l'arrivée des véhicules électriques, autonomes et connectés.

Le PDG de PSA, Carlos Tavares, s'est dit "ouvert à toutes les propositions" de partenariats, y compris avec FCA, dans une interview au quotidien Les Echos.

Mais M. Manley a estimé mercredi que FCA était "dans les conditions pour continuer à être une société solide et indépendante": "Nous pouvons lancer des collaborations, mais sommes focalisés sur l'indépendance et la mise en oeuvre du plan" stratégique.

Malgré les assurances données par M. Marchionne par le passé, les syndicats s'inquiètent eux de l'avenir des sites italiens.

Dans un discours prophétique le 1er juin, M. Marchionne avait souligné qu'il ne laisserait "pas de script ou d'instruction. FCA est une culture de dirigeants et d'employés qui sont nés de l'adversité et qui opèrent sans partition. C'est la seule voie que nous connaissons".

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