La renégociation de l'Aléna officiellement lancée

Les Etats-Unis ont officiellement lancé jeudi le processus de renégociation de l'accord de libre-échange Aléna, maintes fois attaqué par le président Donald Trump, augurant de difficiles tractations avec le Canada et le Mexique.

Négocié par George Bush père et signé en 1994 par Bill Clinton, cet accord a créé l'une des plus grandes zones de libre-échange au monde et a permis, selon ses promoteurs, de dynamiser l'emploi et l'investissement entre les trois pays d'Amérique du Nord.

Pendant la campagne présidentielle, M. Trump avait toutefois défendu une toute autre vision, partagée à gauche de l'échiquier politique: l'Aléna serait le "pire accord" jamais signé et aurait précipité les délocalisations d'emplois vers le Mexique où le coût de la main d'oeuvre est bien moins élevé.

Adversaire déclaré du libre-échange, le président américain avait promis une renégociation rapide et menaçait même de se retirer de l'Aléna.

Après quelques semaines de flottement, son administration a formellement rouvert jeudi ce colossal chantier, qui concerne près de 500 millions de consommateurs, en envoyant une notification officielle aux responsables du Congrès.

Une période de 90 jours est désormais ouverte, après laquelle les discussions pourront commencer, soit au plus tôt le 16 août, a indiqué le nouveau représentant spécial au Commerce extérieur américain (USTR), Robert Lighthizer.

"Pendant des années, les politiciens ont appelé à une renégociation de cet accord, mais le président Trump est le premier à respecter cet engagement", a commenté M. Lighthizer.

L'administration Trump assure désormais vouloir obtenir rapidement des résultats "significatifs" pour les consommateurs, les entreprises et les agriculteurs américains, affirme le communiqué de l'USTR.

"Depuis la signature de Nafta (sigle américain de l'Aléna), nos industries ont été décimées, nos usines fermées et d'innombrables travailleurs se sont retrouvés sans emplois. Le président Trump va changer ça", a promis le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross.

L'administration Trump a notamment en ligne de mire l'industrie automobile américaine qui a utilisé en masse la possibilité d'implanter des usines au Mexique, puis d'écouler ses véhicules aux Etats-Unis sans avoir à s'acquitter de droits de douane.

 

Bataille

Une épique bataille s'annonce désormais entre les Etats-Unis et ses voisins, qui ont pris acte jeudi de la prochaine ouverture des négociations.

Les Canadiens ont ainsi assuré qu'ils feraient entendre leur voix et défendraient leurs intérêts.

"Nous sommes fermement résolus à favoriser le libre-échange sur le continent nord-américain et à faire en sorte que toute la population canadienne bénéficie des avantages du commerce", a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland.

Déjà plombé par plusieurs contentieux commerciaux, le climat entre les deux pays s'est encore assombri jeudi avec l'annonce par le département américain du Commerce d'une enquête visant le constructeur canadien Bombardier, accusé de vendre à perte ses avions aux Etats-Unis et de bénéficier de subventions publiques illégales.

De son côté, le Mexique, qui a sans doute le plus à perdre, a réagi plus modérément en saluant la renégociation et en affirmant sa volonté de faire de l'Aléna un accord "à même de faire face aux défis du XXIe siècle".

Son ministre des Affaires étrangères, Luis Videgaray, s'est toutefois inquiété du flou entretenu par Washington sur le fait de savoir si les prochaines discussions associeraient les trois pays simultanément.

"L'Aléna est un accord trilatéral et les discussions doivent être par nature trilatérales", a-t-il déclaré lors d'un déplacement à Washington.

 

Bienveillance

Sur le front intérieur américain, électrisé par la controverse sur la Russie, le président Trump devrait paradoxalement pouvoir compter sur une certaine bienveillance des démocrates, dont beaucoup sont très hostiles à l'Aléna.

Pourtant prompts à critiquer le pensionnaire de la Maison Blanche, leur chef de file au Sénat Chuck Schumer a ainsi salué "un premier pas" dans la bonne direction tout en assurant que le "diable serait dans les détails".

Le grand syndicat américain AFL-CIO, pourtant très critique vis-à-vis de M. Trump, a lui aussi estimé que la renégociation de l'Aléna était potentiellement "porteuse de progrès".

"Mais un résultat positif est loin d'être acquis" et "quelques-uns des aspects les plus problématiques de l'Aléna pourraient être conservés", a toutefois prévenu Richard Trumka, président du syndicat.

De son côté, le sénateur républicain John McCain a mis en garde l'administration Trump contre de potentielles "conséquences désastreuses" pour l'Arizona, l'Etat qu'il représente, et l'ensemble des Etats-Unis.

Dans un communiqué, il a appelé à "renforcer et à moderniser ce traité commercial vital pour les travailleurs et les consommateurs américains".

Avec ce nouveau chantier, le président Trump confirme en tout cas ses réserves à l'égard des grands accords de libre-échange, quelques mois après avoir formalisé le retrait des Etats-Unis du partenariat Transpacifique (TPP) qui venait d'être conclu avec onze pays.

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