La rémunération de Carlos Ghosn contestée ?

Les actionnaires de Renault, dont l'Etat, vont-ils infliger un nouveau camouflet à l'emblématique PDG Carlos Ghosn au sujet de sa rémunération ? Réponse jeudi lors de l'assemblée générale du groupe automobile français.

M. Ghosn, à la tête de Renault depuis 12 ans, a touché 7 millions d'euros de la société en 2016 dont 1,23 million de salaire fixe, le solde - en numéraire ou en actions récupérables à terme - étant calculé sur des critères de performance de l'entreprise qui a publié des résultats "record" pour l'année dernière.

Les actionnaires sont invités à donner un avis consultatif sur ces montants et à se prononcer sur les éléments de rémunération du PDG pour 2017. Un vote devenu contraignant cette année, conformément à la loi "Sapin 2".

Or, c'est à la suite de l'assemblée générale de Renault l'année dernière que le gouvernement avait décidé de durcir l'arsenal législatif en matière de traitements des dirigeants. Les actionnaires avaient rejeté la rémunération de M. Ghosn pour 2015, à 54%, mais le conseil d'administration était passé outre.

Parmi les politiques ayant critiqué ce passage en force figurait le président Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie. Lui et M. Ghosn s'étaient déjà opposés sur la question de l'influence de l'Etat au sein de l'ex-Régie nationale, crise tranchée par un "accord de stabilisation" fin 2015.

Le premier actionnaire de Renault est en effet l'Etat (19,74%), suivi de Nissan (15%). Mais l'entreprise nippone ne dispose pas de droits de vote en raison des règles sur "l'autocontrôle", Renault détenant 43,4% du capital de son partenaire industriel. Daimler contrôle 3,1% des actions de Renault et les salariés de l'entreprise 2,09%, le reste étant flottant (surtout des investisseurs institutionnels).

Or, confirme-t-on à Bercy, les représentants de l'Etat voteront, cette année encore, contre la rémunération de M. Ghosn, jugée excessive.

Il faudra que Renault convainque une forte majorité des autres actionnaires représentés pour éviter à son PDG un affront qui serait toutefois symbolique, la loi prévoyant qu'en cas de rejet, les règles de 2016 s'appliqueront pour 2017.

A deux jours du vote, son issue restait très incertaine, selon une source proche du dossier.

 

Du mieux dans la transparence

L'entreprise a fait oeuvre de pédagogie en détaillant le mode de calcul de la part variable du traitement du PDG, dont le plafond a été abaissé.

Un effort salué par le cabinet de conseil aux actionnaires Proxinvest, pourtant critique récurrent de la gouvernance de Renault: "ils se retrouvent comme l'un des meilleurs élèves du CAC 40" en matière de transparence, explique à l'AFP Charles Pinel, associé de la société.

Mais le conseil d'administration a fixé des objectifs d'indicateurs financiers trop bas, ce qui "permet pratiquement un variable garanti", estime M. Pinel, dont le cabinet affirme que le constructeur n'apporte "pas de réponse adéquate au mécontentement (des) actionnaires" et préconise de voter contre le salaire de M. Ghosn.

Proxinvest fait aussi remarquer que M. Ghosn a touché en 2016 8,37 millions d'euros en tant que PDG de Nissan. Depuis fin mars, il n'est plus que président du conseil d'administration du constructeur, mais a entretemps pris la tête du nouvel arrivant dans l'alliance franco-japonaise, Mitsubishi.

Les 15,4 millions d'euros de salaire cumulé, hors Mitsubishi, font de M. Ghosn, "le président le mieux rémunéré du CAC 40 en 2016", selon le cabinet, qui juge cette somme "totalement excessive tant au regard de la taille du groupe, que de ses pairs européens ou français".

L'alliance Renault-Nissan a par ailleurs réagi mardi à des informations de presse selon lesquelles elle réfléchirait à un système de bonus supplémentaires pour ses dirigeants, dont M. Ghosn, à travers une société dédiée aux Pays-Bas.

"Cet article n'est pas fondé sur des informations fournies par l'alliance ou ses entreprises membres, et aucune décision de ce genre n'a été prise", a déclaré un porte-parole de la structure.

La CGT a dénoncé un tel projet qui constituerait selon elle "un nouveau moyen d'amasser les fruits du travail des salariés" et a indiqué dans un communiqué avoir "interpellé dès cet après-midi (mardi) Carlos Ghosn afin qu'il s'explique".

L'actuel mandat chez Renault de M. Ghosn, 63 ans, expire à l'assemblée générale 2018.

Le constructeur a bouclé 2016 sur des résultats financiers "record", dégageant 3,54 milliards d'euros de bénéfice net.

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