La concentration des effectifs de Stellantis en région parisienne ne fait pas l'unanimité

"Projet purement financier" ou "vitrine" de la recherche et développement en France ? Le projet de "green campus" porté par Stellantis et visant à regrouper plus de 8.000 salariés sur un seul site en Ile-de-France soulève des inquiétudes.

C'est une réorganisation massive qui s'amorce. Avec son plan "ALTO", Stellantis veut concentrer la majorité de ses activités tertiaires, recherche et développement et ses moyens d'essai à Poissy, près de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

Le site devrait accueillir 8.200 salariés à horizon 2024. "On veut favoriser les synergies et l'efficience de nos sites dans un souci de réduire notre empreinte immobilière", explique un porte-parole du groupe.

L'immense majorité des salariés de Vélizy, à une trentaine de kilomètres plus au sud, vont donc être déménagés. Dès janvier 2023, ce sont 2.800 collaborateurs qui seront déplacés.

A Trappes, l'ancien siège France de feu FCA (qui a fusionné avec PSA pour fonder Stellantis) a déjà été vidé. Même vide bientôt à Satory aussi, près de Versailles, où les activités de sport automobile (Stellantis Motorsport) vont elles être basculées vers Vélizy.

Au total, 10.000 salariés du constructeur automobile sont concernés par cette réorganisation qui se justifie pour plusieurs raisons, assure Stellantis.

Premièrement, l'impératif écologique. Le groupe va réduire sa surface foncière mais aussi construire de nouveaux bâtiments, moins énergivores, à Poissy.

Ensuite, "on veut que ces bâtiments soient faits pour les nouveaux modes de travail", souligne un porte-parole de Stellantis avec "des zones de travail à taille humaine" et "30% d'espaces communs".

Depuis l'émergence de la pandémie de Covid-19, Stellantis a mis en place une organisation de travail qui s'appuie sur un recours massif au télétravail. "Les gens passent environ une journée et demie par semaine sur leur lieu de travail", indique la marque.

Ce paramètre a été pleinement intégré puisque le futur site de Poissy, malgré ses 60.000 m2 de bâtiments, ne sera conçu que pour accueillir 3.400 salariés (le projet initial était même de 3.000) sur 8.200.

 

Perte de compétences

"Pour nous, c'est un projet purement financier", s'indigne Sébastien Sidoli, responsable de la section CFDT à Vélizy. La vente de bâtiments à Satory, Vélizy et Trappes ainsi que le recours massif au télétravail ne sert qu'à "faire rentrer du cash dans l'entreprise", dit-il craindre.

Pour la CFDT, qui s'est opposée au projet mercredi en comité social et économique (CSE), ce plan constitue "un risque de pertes de compétences liées au déploiement de R&D hors de France et renvoie au second plan l'aspect social et humain", a-t-elle écrit dans un communiqué.

"Il y aura forcément un impact social parce qu'on se doute que certaines personnes, avec une heure de transport en plus par jour, ne vont pas tenir", explique Sébastien Sidoli.

Si le CSE s'est prononcé majoritairement en faveur de la création du campus, la CGT a elle émis un avis défavorable. "Pour certains salariés, il pourrait y avoir jusqu'à 600 euros de surcoût de transport par an", s'inquiète Jean-Pierre Mercier, délégué syndical central CGT.

Il souligne enfin l'abstention de la CFE-CGC, "un syndicat extrêmement bien représenté dans ces catégories de personnel" et qui a refusé de valider le projet, "signe que c'est très mal vécu par les salariés".

Les syndicats critiquent également l'absence de garanties quant aux indemnités de transport ou de déménagement réservées aux salariés touchés par la réorganisation.

La direction renvoie à des groupes de travail futurs pour discuter de ces questions et, surtout, insiste sur le fait que le projet ne comporte pas de suppressions de postes.

Au contraire, "il va y avoir un investissement de pas loin de 300 millions d'euros donc c'est plutôt rassurant pour l'avenir de la R&D en France", affirme Franck Don, délégué syndical central CFTC, dont le syndicat a voté pour le projet.

agu/tsz/pn/eb

© 2022AFP