Kobe Steel, Nissan, Takata: le "made in Japan" ébranlé

Les récents scandales chez Kobe Steel et Nissan ternissent encore un peu plus la réputation de l'industrie japonaise, jadis encensée pour la qualité de ses produits et son inventivité, mais confrontée aujourd'hui à une concurrence accrue et des marges déclinantes.

L'image d'un grand patron se confondant en excuses en s'inclinant très bas devant les caméras s'est de nouveau invitée cette semaine à la Une des médias nippons.

Le PDG du sidérurgiste Kobe Steel, Hiroya Kawasaki, a reconnu que son groupe avait enjolivé les propriétés techniques de produits vendus à des centaines de clients dans le monde, dont le géant de l'automobile Toyota, des constructeurs aéronautiques et des groupes de défense.

Environ 500 entreprises du monde entier seraient touchées au total, a estimé vendredi la direction de Kobe Steel, qui évoquait précédemment 200 sociétés.

Certaines de ces malversations étaient par ailleurs connues de longue date par l'équipe dirigeante et avaient déjà donné lieu à des indemnisations de clients à l'amiable, mais de manière confidentielle, a précisé vendredi M. Kawasaki.

Cette affaire a éclaté peu après un autre scandale éclaboussant le constructeur automobile Nissan, contraint de rappeler plus d'un million de véhicules vendus au Japon, dont le contrôle final était réalisé par des inspecteurs non habilités à le faire pour le marché national.

"Il fut un temps où le modèle industriel japonais était vanté partout. Mais maintenant davantage d'emplois sont sous-traités et les usines sont délocalisées. Les choses ont changé", déplore Koji Morioka, professeur émérite de l'Université du Kansai (ouest), interrogé par l'AFP.

De façon générale, l'intensification de la concurrence mondiale et des objectifs d'économies constantes conduiraient à des mauvaises pratiques que les salariés n'osent pas dénoncer, de peur de perdre leur emploi.

Par ailleurs, pour réduire les frais fixes, les personnels expérimentés, plus onéreux, sont remplacés par des intérimaires, quand la production n'est pas tout simplement déplacée dans des pays émergents.

 

Une longue série de scandales

Le Japon n'est certes pas la seule économie mature concernée par ces problématiques et par de retentissants scandales d'entreprises.

En 2015 l'affaire du "dieselgate" du géant automobile Volkswagen a ainsi traumatisé l'Allemagne, tandis qu'aux Etats-Unis, General Motors avait dû rappeler en 2014 des millions de véhicules en raison d'un problème de commutateur d'allumage, que le groupe avait minimisé des années durant, malgré une centaine d'accidents mortels liés.

Cependant au Japon, les plaintes et les enquêtes judiciaires contre les entreprises sont rares, et il n'existe pas de dispositif efficace protégeant les lanceurs d'alerte. Encore plus qu'ailleurs, il est mal vu au Japon d'aller contre le sens du courant au sein de son entreprise.

Et la liste des scandales de grandes firmes nippones est particulièrement longue.

Avant Kobe Steel et Nissan, l'équipementier automobile Takata a fait faillite cette année après avoir longtemps camouflé un défaut majeur dans ses airbags, responsables d'au moins 16 décès dans le monde. Toshiba et Olympus ont maquillé leurs comptes pour embellir leurs performances financières pendant des années, tandis que Mitsubishi Motors a avoué l'an dernier avoir manipulé des tests de consommation énergétique de divers modèles de voitures.

 

Des normes trop sévères

"La confiance dans l'industrie japonaise reposait sur une qualité inégalée par les autres pays", a rappelé lors d'une conférence de presse Sadayuki Sakakibara, président de la fédération patronale Keidanren. Les derniers scandales en date risquent d'affecter cette confiance, a-t-il ajouté.

Pour certains observateurs, une partie du problème au Japon pourrait paradoxalement provenir de normes de qualité plus exigeantes qu'ailleurs.

Nobuo Gohara, un avocat spécialiste des bonnes pratiques dans les entreprises, pense ainsi que beaucoup de scandales industriels au Japon surviennent en raison de ces exigences trop élevées en termes de sécurité et de qualité.

Les mauvaises pratiques commencent quand les employés estiment que remplir ces critères n'est qu'une formalité. Une telle approche, passée sous silence lors des audits internes, peut ensuite se répandre "comme un germe" au sein de toute l'organisation, dit M. Gohara à l'AFP.

"Si vous n'affrontez pas ces situations, l'organisation toute entière (de l'entreprise) devient insensible à la réglementation", prévient-il, estimant que de "nombreuses petites entorses surviennent dans beaucoup d'entreprises".

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