Iran: le retrait de PSA montre la faiblesse de l'Europe

L'annonce du retrait de PSA d'Iran constitue un revers pour la stratégie internationale du constructeur automobile mais elle pose également plus largement la question de la confiance des entreprises envers la capacité politique de l'Europe à résister aux injonctions américaines.

Lundi soir, en annonçant préparer un retrait d'Iran, son premier marché étranger en volume avec 12,4% de ses ventes unitaires en 2017, le groupe (marques Peugeot, Citroën, DS et Opel) a immédiatement tenté de minimiser l'ampleur de cette décision, parlant de "moins de 1% de son chiffre d'affaires".

"Cette affirmation est à relativiser, au regard du fait que l'activité en Iran est réalisée au travers de JV (co-entreprises, ndlr)", tempère une note d'Invest Securities.

"PSA admet cependant aujourd'hui être très exposé à un marché automobile iranien où le groupe a vendu 444.600 véhicules en 2017 sur un marché qui pourrait, selon Business France, tripler de taille d'ici 2030 à 3 millions d'unités par an, dépassant ainsi le marché français", poursuit Invest Securities.

En octobre 2016, le patron de PSA Carlos Tavares avait affirmé que l'Iran était voué à jouer un rôle "central" dans le développement de son groupe dans la région, stratégique pour lui, du Moyen-Orient. Au sein de PSA, "l'Iran sera le premier producteur" de la région et sa "première base d'approvisionnement", avait-il ajouté.

Mais début mai, Washington a annoncé son retrait de l'accord nucléaire iranien et décidé de rétablir ses sanctions vis-à-vis de Téhéran ainsi que de toutes les entreprises ayant des liens avec la République islamique, leur donnant de 90 à 180 jours pour se retirer du pays.

En se conformant à ces exigences, PSA fait donc face à un obstacle de plus dans sa stratégie internationale déjà parsemée de difficultés, avec l'effondrement de ses ventes en Chine en 2016-2017 et des objectifs loin d'être atteints en Russie. Le groupe, qui a multiplié les têtes de pont en Asie et en Afrique, est aussi en train de jeter les premières bases d'un plan sur dix ans de retour aux Etats-Unis.

"PSA est un constructeur automobile qui dépend beaucoup du marché européen. On sait que pour les dix prochaines années l'essentiel de la croissance se fera non pas aux Etats-Unis, non pas en Europe, mais plutôt dans les pays émergents", pointe Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile, qui souligne néanmoins le "potentiel de PSA à rebondir en Chine".

 

Marge de manoeuvre restreinte

Mais l'épineuse question iranienne dépasse largement les simples questions de stratégie d'entreprise. PSA n'est d'ailleurs pas la première société française à envisager la suspension de ses activités en Iran.

La semaine dernière, le PDG de Total Patrick Pouyanné avait estimé qu'il était très peu probable que son groupe obtienne une exemption américaine lui permettant de poursuivre son projet gazier géant.

Renault qui détient 43% de Nissan, très présent outre-Atlantique ne s'est de son côté pas encore prononcé. En 2012, contrairement à PSA, il avait décidé de rester en Iran lors de l'imposition de sanctions américaines et y a vu bondir ses ventes ces deux dernières années.

"Pour les entreprises françaises qui ont une taille mondiale, forcément le risque d'aller au bras de fer avec les autorités américaines sur l'Iran est considérable car vous avez besoin du dollar pour travailler. Vous ne pouvez pas faire comme si les Etats-Unis n'avaient rien dit", note Flavien Neuvy.

Mardi, le ministre de l'Economie Bruno le Maire a estimé qu'il y avait "urgence à obtenir" des réponses des Etats-Unis sur les demandes européennes "d'exemptions et de délais supplémentaires".

Mais à l'image de Total ou PSA, il n'est pas certain que les entreprises attendent une éventuelle réponse politique européenne.

"Sur l'Iran, les Etats-Unis veulent un changement de régime et entendent y parvenir en asphyxiant l'économie", note un spécialiste du commerce international.

"La question est de savoir si les autres partenaires vont parvenir à mettre en oeuvre des canaux commerciaux qui vont convaincre l'Iran de rester dans l'accord. A ce moment-là, ce serait un échec pour les Etats-Unis, car l'accord continuerait d'exister et l'économie iranienne ne serait pas asphyxiée. Mais cela va être très difficile, car leur système de sanctions est très efficace", conclut cette même source.

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