Inflation : négociations "difficiles" entre équipementiers et constructeurs

Dans un contexte défavorable marqué par la hausse des prix des matières premières et de l'énergie, les sous-traitants automobiles français tentent de renégocier leurs contrats pour rentrer dans leurs frais, au prix de tensions avec les constructeurs et sans garantie de succès.

"On a déjà récupéré 400 millions d'euros" sur "un surcoût" total lié à l'inflation estimé à 500 millions d'euros, s'est félicité lundi Patrick Koller, le directeur général de l'équipementier automobile français Faurecia.

Lors d'une conférence de presse, M. Koller s'est réjoui "d'avoir des clauses d'indexation" prévues "sur les principales matières premières" utilisées par le groupe dans sa production.

Dans le cas des sous-traitants automobiles, ces fameuses clauses d'indexation prévoient la variation automatique du prix de vente du produit au constructeur en cas de hausse du coût à l'achat de la matière première utilisée.

Chez Plastic Omnium, la direction a, de son côté, déjà renégocié "au coup par coup avec les clients" pour compenser une somme de "30 millions d'euros" liée à la hausse des prix, principalement "sur les résines".

"Ca aurait été trois fois plus (cher) si on n'avait pas négocié", a chiffré lundi le directeur général du leader mondial des pare-chocs et des réservoirs, Laurent Favre, lors d'une rencontre avec des journalistes. "C'est une situation assez unique depuis 30 ans", a-t-il souligné.

Même son de cloche pour Christophe Périllat, le DG de Valeo, un des poids lourds de l'industrie française, pour qui "le monde est (devenu) trop incertain" ces derniers mois pour ne pas renégocier selon lui "l'indexation à 100%" du cuivre, de l'aluminium ou encore de l'acier, des matières largement utilisées au quotidien par l'équipementier.

"Partout où on n'était pas indexés, on essaie de le faire", a-t-il lancé, sans donner plus de précisions toutefois sur l'avancée des discussions avec les grandes marques.

 

Rapport "déséquilibré"

"Le contexte est très compliqué", rappelle Laurence Cherillat, déléguée générale du syndicat Artema et également chargée de l'animation du comité mécanique-automobiles au titre de la Fédération des industries mécaniques (FIM).

"Et la situation contractuelle reste très différente selon les entreprises et les secteurs de la mécanique", note-t-elle encore auprès de l'AFP. "Il y a parfois des clauses d'indexation automatiques, mais avec un léger décalage dans le temps".

Ainsi, face à "des prix qui ont augmenté de 60% au minimum" notamment "sur l'acier, l'inox, l'aluminium", "en plus d'une augmentation des prix de l'énergie, utilisée notamment dans le traitement thermique des pièces de sécurité", les sous-traitants n'ont souvent pas d'autres options que de demander des ajustements sur les contrats, argue Mme Cherillat.

Mais l'issue des discussions avec les grandes marques, qui se déroulent de gré à gré, est rarement en faveur des sous-traitants.

"Elles sont souvent difficiles, longues et la rétroactivité n'est pas toujours garantie", dit Mme Cherillat, qui affirme que les "réponses sont très variées", notamment sur les prix de l'énergie.

Plusieurs acteurs du secteur ont par ailleurs décrit à l'AFP des relations "tendues" ces dernières semaines.

"Les sous-traitants ne sont pas historiquement en situation de force pour pouvoir négocier leurs marges et leur prix", rappelle à l'AFP Vincent Charlet, économiste et délégué général du centre de réflexion La Fabrique de l'industrie.

Ce rapport "déséquilibré" s'inscrit également ces derniers mois dans un marché de l'automobile français "en plein virage vers l'électrique", "un bouleversement pour tous les acteurs", selon M. Charlet.

De quoi l'inciter à penser que dans un futur proche, "les sous-traitants vont avoir intérêt à jouer plus collectif, en se regroupant en partie, pour être plus compétitifs, notamment à l'export". Au risque de connaître des situations financières encore plus compliquées.

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