Hydrogène : les transporteurs conquis par la technologie, refroidis par les coûts

"C'est une technologie d'avenir, il n'y a qu'un problème de coût...", lance un transporteur routier au terme de deux journées d'essais d'un camion à hydrogène à l'invitation de plusieurs collectivités territoriales d'Occitanie.

Près d'une centaine de professionnels de 55 entreprises ont répondu fin septembre à la sollicitation de la ville d'Albi -qui compte développer des transports urbains avec cette technologie et qui abrite Safra, un acteur majeur de la filière- du département du Tarn et de la région Occitanie, qui a lancé en 2019 un ambitieux programme "hydrogène vert" doté de 150 millions d'euros.

Après avoir bouclé quelques tours sur le circuit d'Albi à bord d'un "petit" poids lourd de 19 tonnes, les professionnels se disent conquis par les performances du camion H2 (hydrogène) présenté par la filiale néerlandaise du groupe américain Hyzon Motors.

"Ils nous disent tous +l'accélération est formidable, on apprécie le confort et le silence+", rapporte André Lagendijk, le directeur des ventes de cette marque, nouvelle sur le Vieux Continent, qui équipe des châssis Daf avec sa propre solution de pile à combustible.

 

Trop cher ?

Reste qu'être vertueux à un coût: le véhicule d'Hyzon Motors est proposé à "350.000 et 450.000 euros" pour un "petit camion porteur de 19 tonnes", précise le commercial.

"Pour un tracteur de semi-remorque", un véhicule super lourd pesant jusqu'à 44 tonnes, "il faut compter autour de 600.000 euros, soit six fois plus cher qu'un camion diesel Euro 6", la norme d'émissions de polluants la plus récente, déplorent les frères Maurel, des transporteurs intéressés par la technologie.

Ces trentenaires, "troisième génération à la tête de l'entreprise familiale" de transport tarnaise de pondéreux pour le BTP, ne sont pas complètement dissuadés par le prix, mais disent être à la recherche "de solutions" pour rentabiliser une "motorisation propre".

"Aujourd'hui, en tant que transporteur, on a un rôle sociétal à jouer en allant vers les énergies vertes, mais pour ça la filière à besoin d'aide", souligne Romaric Maurel, le directeur commercial.

Outre le matériel, le carburant vert "est actuellement deux fois plus cher que le gasoil", relèvee Olivier Menu responsable du développement d'Hynamics, la filiale Hydrogène du groupe EDF, qui est candidate pour s'associer au projet pilote de la région Occitanie, "Corridor H2", pour équiper des stations-service de cette future route entre "la Méditerranée et la mer du Nord".

"Un kilo d'H2, l'équivalent de 6 litres de gasoil, vaut autour de 10-12 euros", explique l'énergéticien, qui pense pouvoir descendre ce prix à 7 euros d'ici trois à cinq ans.

 

"Donner une impulsion"

Par ailleurs, certains chargeurs (donneurs d'ordre) ont bien compris qu'ils devaient accompagner les transporteurs routiers dans cette transition. Parmi eux, le cimentier Lafarge a fait le déplacement à Albi.

Dans le cadre d'une démarche globale en faveur de l'environnement, le cimentier propose à ses transporteurs "des contrats pluriannuels" pour sécuriser leurs investissements pour l'achat de véhicules H2, indique Thomas de Charette, le directeur des approvisionnements du groupe Lafarge.

"Si tout le monde attend, ça ne donnera rien. Il faut donner une impulsion", affirme ce cadre dirigeant.

Kevin Jimenez, directeur technique dans l'entreprise de messagerie du même nom fondée par son père, qui compte aujourd'hui pas moins de 400 camions, assure que la technologie H2 arrive "à maturité" et combine les avantages de l'électrique et du thermique: "zéro émission, un temps de recharge court et une bonne autonomie".

"L'électrique, c'est très bien pour les véhicules légers, mais l'hydrogène ça sera la solution pour le transport lourd", estime ce patron de 32 ans.

Selon le consortium H2Accelerate -réunissant plusieurs acteurs de la filière H2: IVECO, Daimler Truck, Volvo, Shell, OMV et TotalEnergies- le développement du marché des camions à pile à combustible entrera dans une la phase de "croissance durable" à partir de 2028.

Défendu par ses promoteurs comme une réponse aux impératifs de décarbonation, l'hydrogène est aujourd'hui majoritairement un "hydrogène gris" produit à partir d'hydrocarbures.

La filière "hydrogène vert", produit à partir d'énergies renouvelables, se développe à peine: en Occitanie, les premières unités de production d'hydrogène décarbonée, issue du plan lancé par la région, doivent voir le jour dans le courant de l'année. En Vendée, un industriel vient d'inaugurer une usine pour élaborer le précieux carburant à partir d'énergie éolienne.

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