GM&S obtient une prolongation, J-J. Frey intéressé

L'équipementier automobile en difficulté GM&S Industry, un des premiers dossiers sociaux chauds du gouvernement, a obtenu mercredi un répit du tribunal de commerce de Poitiers qui a prolongé jusqu'au 30 juin la période d'observation de l'entreprise, le temps d'examiner les options de reprise.

Dans la foulée, à l'issue d'une assemblée générale tenue à l'usine de La Souterraine (Creuse), les salariés ont annoncé que le site, qu'ils affirmaient avoir "piégé" depuis le 11 mai, serait "déminé" dès mercredi après-midi, avant une reprise du travail lundi.

Peu avant, une immense clameur avait salué l'annonce de la prolongation par le tribunal de la période d'observation de l'emboutisseur creusois, en redressement judiciaire depuis décembre.

Pour le tribunal, qui avait tenu son audience mardi, "le renouvellement de la période d'observation peut être justifié pour une courte durée permettant de favoriser la finalisation et l'examen d'une ou plusieurs offres de reprises". Il devait statuer sur la liquidation pure et simple du site ou sur la prolongation du redressement.

Une condition a toutefois été posée : "Le redémarrage de la production (...) qui seule permettra de générer les liquidités nécessaires à la marche courante de l'entreprise." Le tribunal a fixé "au 7 juin à 17H00, la date limite de remise des offres" et tiendra une nouvelle audience le 23 juin.

Dans l'après-midi, les salariés s'affairaient à nettoyer l'usine, marquée par treize jours d'occupation. Des monte-charges démontaient les barricades de palettes, l'énorme robot de soudure cassé en deux, qui tronait dans la cour d'entrée, était enlevé, a constaté un journaliste de l'AFP.

 

Entrepreneur franco-suisse

Entre autres candidats à la reprise de l'usine, deuxième employeur privé du département avec 279 salariés, l'homme d'affaires franco-suisse Jean-Jacques Frey a déposé récemment "une lettre d'intention" pour le rachat de l'équipementier, selon une source syndicale.

Dès mardi soir, l'avocat des salariés, Jean-Louis Borie, avait évoqué le dépôt d'une "nouvelle lettre d'intention d'un éventuel repreneur, d'une surface financière considérable", ne venant pas du secteur automobile, "mais prêt à s'associer avec ce secteur" et à reprendre "une grosse partie du personnel, pratiquement 240" personnes.

Jean-Jacques Frey s'est enrichi dans l'immobilier commercial, a bâti au début des années 2000 un empire viticole dont les fleurons sont le Château La Lagune dans le Bordelais, Corton-André en Bourgogne, le domaine Jaboulet Aîné dans les Côtes-du-Rhône. Il est actionnaire minoritaire de Billecart-Salmon en Champagne.

Un autre candidat à la reprise, le groupe stéphanois GMD (Groupe Mécanique Découpage), spécialiste de plasturgie, fonderie, emboutissage, avait déjà transmis une lettre d'intention pour la reprise. Le nom de l'emboutisseur Magnetto, filiale basée à Aulnay-sous-Bois de l'italien CLN Group, a été évoqué.

 

Stratégie industrielle claire

Le dossier GM&S a entraîné le week-end dernier l'intervention directe du ministre de l'Économie Bruno Le Maire auprès des constructeurs automobiles PSA et Renault, pour obtenir une hausse des commandes (passant au total de 15 à 22 millions d'euros).

La méfiance restait néanmoins de mise au sein du personnel dont le site, héritier d'un fabricant de patinettes en 1962, a changé de mains à trois reprises en huit ans. La faute à la crise de 2008, à la hausse du coût des matières premières, mais aussi à des repreneurs qui se sont comportés comme des "rustres", fustigeait récemment le président PS de la région Aquitaine Alain Rousset, qui a exprimé mercredi son "soulagement".

La "suspension" du mouvement des salariés "n'enlève rien à (leur) détermination", a prévenu Denis Bréant, syndicaliste CGT Auto-Métallurgie. Ce mouvement "peut être beaucoup plus dur si on n'arrive pas à nos fins, et nos fins, c'est que le site de La Souterraine vive. Pas six mois ou un an, mais avec une stratégie industrielle claire, nette et précise", a-t-il ajouté, évoquant à propos de la lettre d'intention de M. Frey "quelque chose de réfléchi et déjà d'étudié puisqu'il serait associé à un acteur de la filière automobile."

Résultat d'un nouvel alignement de planètes politiques? D'une mobilisation et médiatisation accrues, comme le soulignent les salariés? Ce qui est sûr, c'est "qu'il y a un mois, on ne voyait pas comment on pourrait échapper à la liquidation", indiquait mardi à l'AFP le maire PS de La Souterraine, Jean-François Muguay.

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