GM et Ford frustrés par la valeur boursière de Tesla

Que faire de plus pour se faire entendre ? General Motors et Ford ne cachent plus leur frustration face à la flambée boursière de Tesla, qui n'a jamais été rentable depuis sa création en 2003 et construit 20 fois moins de voitures qu'eux.

Les dirigeants des deux constructeurs automobiles ont mis à profit la publication de leurs résultats annuels 2019, mardi et mercredi, pour réitérer qu'ils sont les mieux placés, au vu de la transformation qu'ils ont engagée, pour jouer les premiers rôles dans l'avenir de l'automobile, qui sera dicté par les technologies autonome et électrique.

Mais le coeur de l'automobile américaine s'est déplacé lors des dernières semaines de Detroit vers la Silicon Valley: la valeur boursière de Tesla, le constructeur californien de véhicules électriques, s'est en effet envolée, atteignant mardi soir les 160 milliards de dollars. Plus de quatre fois la capitalisation de Ford et plus de trois fois celle de GM. Un déséquilibre que n'a pas compensé la chute du titre Tesla mercredi -jusqu'à -20% en séance-, tiré vers le bas par des craintes de bulle et l'impact du coronavirus sur sa production en Chine, premier marché automobile mondial.

 

Ford à fond dans l'électrique

"Ford dispose d'un portefeuille de produits pour tous les consommateurs", a défendu le PDG, Jim Hackett, lors d'une conférence téléphonique mardi avec des analystes. Ajoutant que l'offre du groupe était "plus large" que celle de Tesla, M. Hackett a répété avoir lancé une vaste restructuration comprenant des fermetures de sites, des suppressions d'emplois et l'abandon de la production de citadines et berlines aux marges faibles.

Il a mis en avant l'offensive dans l'électrique, avec le lancement de la très attendue Mach-E, version électrique de la Mustang et des camionnettes à plateau (pickups) électriques de son populaire modèle F-150. Les versions électriques de la Ford Escape et de la Ford Kuga sont également attendues.Sa marque premium Lincoln vient de son côté de s'associer avec la startup Rivian, soutenue par Amazon, pour produire des véhicules électriques. "La société devait changer, elle est en train de le faire", a souligné M. Hackett.

Ford a toutefois déçu les marchés mardi en annonçant une lourde perte trimestrielle et en se montrant pessimiste pour l'année 2020 en raison des investissements et des coûts liés à la main d'oeuvre.

Au total, Ford, distancé par Tesla et même par General Motors, prévoit d'investir 11 milliards de dollars dans la technologie électrique, considérée avec la voiture autonome, comme le mode de transport de l'avenir sur fond de nouvelles lois environnementales.

Sur l'ensemble de l'année 2019, Ford, dont les ventes de voitures ont diminué de 3,2% en Amérique du Nord et chuté en Chine, a gagné 47 millions de dollars pour un chiffre d'affaires de 155,9 milliards, en baisse de 2,80%.

 

GM a "le vent dans le dos"

Dans le même temps, l'action GM a pris à peine 5% comparé à son cours d'introduction de 33 dollars lors du retour du groupe à Wall Street en 2010.

Les investisseurs estiment de façon générale que Tesla, qui a représenté 78,5% des 245.000 véhicules électriques vendus en 2019 aux Etats-Unis, a pris une avance quasi irrattrapable dans l'électrique et le véhicule autonome.

Une conclusion que conteste GM, qui dispose d'un modèle, la Bolt, capable de rivaliser avec le Model 3 de Tesla, le véhicule électrique le plus vendu l'an dernier aux Etats-Unis.

La PDG, Mary Barra, et ses lieutenants sont passés à l'offensive mercredi, lors d'une journée de présentation de l'entreprise à New York. Ils ont affirmé que la transition de GM vers un "zéro émissions de CO2, zéro accident, zéro bouchons" était en bonne voie.

"Etant donné notre taille, nous sommes persuadés que nous allons gagner cette bataille", a asséné Mark Reuss, le numéro 2 de GM. "Nous avons fait d'énormes avancées", avait clamé peu avant lui Mme Barra.

Le géant de Detroit investit des dizaines de milliards de dollars dans le développement des voitures électriques, dont la construction d'une usine de batteries, en partenariat avec le sud-coréen LG Chem, dans l'Etat de l'Ohio.

Cette usine devrait avoir une capacité de production annuelle de plus de 30 gigawatts par heure (GWh/an) de packs de batterie, ce qui serait davantage que la production de la méga usine 1 de Tesla dans le Nevada (ouest). Cette dernière avait produit 20 GWh/an en 2018, un niveau de production qualifié alors par le groupe d'Elon Musk de "plus gros volume de production d'une usine de batteries dans le monde".

GM prévoit de commercialiser également prochainement des camionnettes à plateau (pickup) et des SUV électriques. Il est même allé jusqu'à ramener à la vie le 4X4 à tout faire de l'armée américaine Hummer, symbole de tous les excès automobiles américains. Une version civile et électrique du Hummer sera commercialisée à partir de 2021.

En parallèle, la filiale de technologie autonome Cruise est en train de construire le Cruise origin, sa nouvelle navette autonome, sans pédale ni volant.

Le gros des ventes et des bénéfices de GM et Ford repose encore toutefois sur les gros 4X4 de ville et les pickup, gros consommateurs de carburant aux émissions polluantes élevées, vendus aux Etats-Unis. Une situation qui ne devrait pas changer au moins jusqu'en 2030.

 

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