Ghosn, du gotha des affaires à la solitude d'une cellule

Il passait sa vie à sillonner la planète, de conseils d'administration en visites d'usines. Carlos Ghosn dort désormais dans une petite cellule, n'a droit qu'à deux douches par semaine, un morne quotidien émaillé de rares visites.

Dans l'imposant bâtiment de 12 étages qu'est le centre de détention de l'arrondissement de Katsushika à Tokyo, le puissant patron d'industrie de 64 ans, accusé de malversations financières, voisine avec des criminels et même des condamnés à mort, même s'ils ne sont évidemment pas en contact. Plus de 3.000 détenus y séjournent.

S'il est impossible de connaître les conditions exactes de détention de M. Ghosn, des avocats et anciens détenus brossent le portrait d'un établissement austère.

Ses occupants suivent une routine très stricte: réveil peu avant 07h00, extinction des lumières à 21h00, trois repas par jour et 30 minutes d'exercice.

"Vous pouvez porter vos propres habits mais les cravates, lacets et ceintures sont confisqués pour éviter toute tentative de suicide", explique Yoshiro Ito, un avocat chevronné qui a visité de nombreuses fois ce lieu.

Les détenus peuvent recevoir livres et lettres, mais ceux-ci doivent au préalable passer au crible des autorités.

Les célébrités sont tenues à l'écart, les cellules alentour restant inoccupées.

"Il y a des cellules uniques tout comme des pièces collectives, mais dans des cas spéciaux comme celui de M. Ghosn, il est sans aucun doute seul", selon l'avocat.

 

"Sentiment d'oppression"

Takafumi Horie, célèbre homme d'affaires japonais emprisonné en 2011 dans le même centre pour falsification de documents financiers, a décrit dans un livre l'épreuve endurée.

Le plus dur est "de ne pouvoir parler à personne", souligne-t-il, gardant le souvenir d'une "solitude extrême".

Dans sa cellule de la taille de trois tatamis, un lit, des toilettes, une fenêtre munie de barreaux et une porte sans poignée. "Ne pas pouvoir ouvrir la porte de l'intérieur me donnait un sentiment d'oppression", témoigne le fondateur du fournisseur de services internet Livedoor.

Carlos Ghosn, franco-libano-brésilien, a pu recevoir la visite de l'ambassadeur français et du consul du Brésil, Joao de Mendonça. Ce dernier a raconté à l'AFP que "l'entretien était très bref, à travers une vitre" mais qu'il l'avait trouvé "en bonne forme".

La vie est probablement "très dure" pour lui mais aussi pour les agents de la prison, estime pur sa part Toshio Sakamoto, qui a travaillé là-bas comme gardien pendant près de trois décennies.

"Il est extrêmement célèbre, riche et étranger. Il doit être difficile de l'avoir comme détenu en raison des barrières de langue et des différences entre le système judiciaire japonais et le système qu'il connaît", note-t-il.

"C'est un désastre pour le centre qui doit veiller à éviter tout incident, car cela pourrait très vite prendre une ampleur internationale. Je ne voudrais pas être à leur place", lâche M. Sakamoto.

Quant au bâtiment, construit en 1971, il parle de "monstre" quand il l'évoque, pas tant à cause de sa taille colossale mais parce que "vous ne savez jamais ce qui va s'y passer".

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