Genève 2019 : les Chinois parient sur l'électrique

Des groupes chinois s'exposent au salon automobile de Genève, qui ouvre ses portes au public jeudi: une présence discrète, mais qui reflète leur ambition de percer à l'international en misant sur l'électrique, à l'heure où les ventes trébuchent sur leur marché intérieur.

Le géant étatique BAIC (Beijing Automotive), cinquième constructeur chinois, a fait le déplacement en Suisse via sa modeste filiale de voitures électriques et hybrides BJEV, créée en 2009.

Sur son stand, deux concepts de voitures électriques aux lignes futuristes, un SUV (4x4 urbain) et une sportive, préfigurent des véhicules de série de la marque Arcfox, encore très peu commercialisée en Chine -- malgré la présence de l'allemand Daimler au capital de BJEV.

Plus loin dans les allées, la start-up chinoise Aiways, fondée en 2017 et confidentielle, expose un SUV entièrement électrique et hyper-connecté, avec l'ambition d'en faire une alternative meilleur marché aux 4x4 urbains des marques haut de gamme allemandes.

Si Aiways n'emploie pour l'heure qu'un millier de personnes, il entend jouer dans la cour des grands: il s'est adjoint comme chef de produit Roland Gumpert, le concepteur allemand de l'Audi Quattro, vedette des rallyes dans les années 1980, et a conclu des coopérations avec Siemens et Bosch.

"La commercialisation commencera en Chine fin 2019 et en Europe en 2020", a expliqué à l'AFP M. Gumpert à Genève. Le groupe dispose en Chine d'une usine d'une capacité de 150.000 véhicules par an, et pouvant monter jusqu'à 300.000 unités.

 

"Tester le terrain"

"Pour ces constructeurs, être présent sur les salons en Europe ou aux Etats-Unis permet de promouvoir leur marque", observe Cui Dongshu, secrétaire général de la fédération chinoise des constructeurs de voitures individuelles (CPCA).

Cela leur donne "une bonne occasion de tester le terrain, l'impression faite par leurs modèles", mais également "de mieux comprendre" les stratégies des constructeurs historiques, explique-t-il.

Un rôle d'éclaireurs, donc, à l'heure où certains constructeurs chinois martèlent leurs ambitions à l'international.

Au printemps 2018, Lynk&Co, marque créée en 2016 par le chinois Geely (propriétaire du suédois Volvo), confirmait vouloir proposer en 2020 en Europe des modèles électriques, conçus en Chine mais fabriqués... en Belgique. Avec dans le viseur le Graal du marché américain.

L'audacieuse start-up shanghaïenne NIO, rival revendiqué de Tesla, a même fait son entrée à Wall Street en septembre: après le lancement en Chine d'un 4x4 urbain électrique, NIO s'était donné pour objectif de commercialiser dès 2020 aux Etats-Unis ses voitures ultra-sophistiquées.

De son côté, BYD, expert chinois de l'électrique, a déjà une roue en Europe, où circulent ses bus à énergie propre: le groupe a achevé l'an dernier la construction dans le nord de la France d'une usine d'assemblage d'autobus électriques et entend se lancer également, des deux côtés de l'Atlantique, sur le créneau des voitures particulières.

 

Pari de l'électrique

Pour tous, l'électrification est l'incontournable passeport pour espérer percer en Occident, et contrer la morosité du marché chinois.

Les ventes automobiles en Chine ont reculé en 2018 de 2,8% (à 28,1 millions de véhicules), leur premier repli en vingt ans. Mais les ventes de véhicules électriques et hybrides ont continué de s'envoler (+62%), bien qu'elles pèsent seulement 4% du premier marché mondial.

Avec une politique favorable de Pékin, les groupes chinois ont pris une avance considérable par rapport aux constructeurs historiques: derrière le leader incontesté Tesla, trois marques chinoises figurent au top 5 mondial des ventes électriques (BAIC, BYD et Zotye), selon Jato Dynamics.

Pour autant, de l'avis des experts, le chemin reste semé d'embuches avant une commercialisation en Europe ou aux Etats-Unis, où les réglementations techniques restent draconiennes, sans compter de potentielles barrières douanières.

"Pour l'heure, il paraît bien difficile de voir des constructeurs de voitures électriques chinois indépendants percer sur ces marchés" en dépit "de bonnes opportunités, notamment le créneau des mini-voitures électriques" à prix accessible, reconnaît M. Cui.

Aiways, néanmoins, y croit ferme: M. Gumpert, qui apporte l'expertise de ses bureaux d'étude allemands, affiche l'objectif ambitieux de vendre en Europe plusieurs milliers de voitures par an, "peut-être 10.000".

A contrario, les déboires de NIO font figure d'avertissement: après des pertes doublées l'an dernier en raison de ventes chinoises décevantes, il a annoncé mercredi l'abandon d'un projet d'usine shanghaïenne pour produire lui-même ses véhicules --actuellement assemblés par le constructeur étatique JAC.

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