Ford donne une "culture start-up" à ses activités électriques

Pour accompagner la fin des moteurs thermiques et ferrailler avec les start-up, Ford chamboule son organisation avec une nouvelle entité consacrée aux voitures électriques et prévoit désormais d'y consacrer 50 milliards de dollars.

"Notre mode d'organisation traditionnel nous freinait. Nous devions changer", a justifié mercredi le PDG du constructeur américain Jim Farley, lors d'une conférence de presse.

La nouvelle entité, baptisée Ford Model e, "cultivera le talent, la culture et l'intensité d'une start-up", a-t-il dit en ne cachant pas son objectif de dépasser les constructeurs 100% électriques.

Elle doit développer les plateformes et modèles électriques du groupe, ainsi que ses logiciels et services connectés.

Les véhicules à moteur thermique seront rassemblés sous l'étiquette Ford Blue.

S'appuyant sur le succès des Mustang, des Bronco ou du pick-up F-150, "Blue sera une machine à liquidités" pour l'ensemble de l'entreprise, a assuré M. Farley.

Ford prévoit parallèlement de consacrer 50 milliards de dollars aux véhicules électriques entre 2022 et 2026, là où il anticipait auparavant d'y dédier 30 milliards de 2021 à 2025.

Bousculés par les start-up comme Tesla ou Nio, les constructeurs automobiles traditionnels ont accéléré l'électrification de leurs gammes et cherchent à retrouver la confiance des investisseurs.

Mercedes s'est séparé de ses activités dans les poids lourds. Volkswagen va lancer en Bourse sa marque Porsche pour financer l'électrification du groupe.

Renault a également annoncé qu'il présenterait à l'automne une séparation semblable, avec une organisation électrique en France et une autre à l'étranger consacrée aux thermiques.

 

"La rapidité d'une start-up"

Ford assure que la demande pour la Mustang Mach-E et la version électrique de son populaire pick-up F-150, qui sortira au printemps, est déjà solide.

Mais le groupe, qui retire encore l'immense majorité de ses profits des véhicules à essence et diesel, veut accélérer sa transformation.

"Nous nous lançons à fond, en créant des entreprises séparées mais complémentaires", a avancé M. Farley.

D'un côté "la rapidité d'une start-up et le sens de l'innovation débridé" avec Model e, de l'autre "le savoir-faire industriel, des volumes de vente et des marques iconiques comme Bronco" avec Blue.

Début février, Jim Farley avait expliqué combien les activités électriques et thermiques étaient différentes à gérer, et la rumeur d'une scission en deux entreprises cotées séparément en Bourse courait depuis des semaines.

Cela aurait pu permettre d'attirer les investisseurs qui se sont emballés ces dernières années pour les véhicules électriques, donnant parfois à des start-up produisant à peine quelques voitures une valorisation plus élevée que celle de Ford.

Si Tesla reste une star à Wall Street, l'engouement initial pour plusieurs start-up est toutefois retombé face à leurs difficultés à augmenter leurs volumes de production.

Et Ford a suffisamment de capital, a assuré M. Farley. "Nous n'avons pas besoin de faire appel au marché."

La décision de Ford est à la fois "radicale et rationnelle", estime Jessica Caldwell, du cabinet spécialisé Edmunds. "C'est compliqué pour une entreprise de se concentrer, et dominer, sur plusieurs produits et objectifs à la fois", rappelle-t-elle.

Tesla a mis du temps à devenir rentable, mais a désormais l'avantage de n'avoir à se focaliser que sur une gamme de produits.

La nouvelle stratégie de Ford sera d'autant plus scrutée que le groupe a décidé que chaque entité rapportera ses résultats séparément, a souligné de son côté Karl Brauer du site spécialisé iseecars.

En attendant, l'annonce était bien accueillie à Wall Street où Ford prenait 8,5% en fin de séance.

Le groupe a aussi relevé certains objectifs mercredi.

Il compte fabriquer deux millions de véhicules électriques par an d'ici à 2026, soit un tiers de sa production mondiale, pour atteindre la moitié en 2030.

L'entreprise cible une marge opérationnelle à 10% d'ici à 2026, avec de meilleures ventes, une "amélioration" du coût des électriques, et une baisse des dépenses dans la filière thermique allant jusqu'à 3 milliards de dollars.

Interrogé sur de possibles suppressions de postes, le responsable de la nouvelle entité Ford Blue, Kumar Galhotra, a souligné que "tout était sur la table".

Jim Farley reste à la tête de l'entreprise et dirigera Model e, accompagné par Doug Field, ancien d'Apple et de Tesla.

Une troisième entité, Ford Pro, doit rassembler les services de productivité proposés aux entreprises.

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