Ford change de patron

Le constructeur automobile américain Ford, engagé dans une vaste restructuration qui peine encore à convaincre les investisseurs, a annoncé mardi le remplacement en octobre de son directeur général Jim Hackett par l'actuel directeur des opérations, Jim Farley, un fin connaisseur du secteur. M. Hackett, âgé de 65 ans, n'était pas du sérail automobile quand il est arrivé à la tête de l'entreprise en 2017.

Il a rapidement engagé une cure d'austérité visant à économiser 11 milliards de dollars. Pour espérer être aux avant-postes d'un paysage automobile bousculé par la Silicon Valley et Tesla, il a dans le même temps poussé les investissements dans les véhicules autonomes et électriques.

Il a aussi repositionné la gamme de Ford pour répondre aux demandes des Américains pour de plus gros véhicules, concentrant les efforts de l'entreprise sur les pick-up, 4X4 de ville et utilitaires et délaissant peu à peu les citadines et les berlines.

Mais le groupe a aussi souffert de problèmes lors des lancements de nouveaux modèles Ford Explorer ou Lincoln Aviator.

Et les investisseurs semblent peiner à comprendre la stratégie du groupe à long terme.

A Wall Street, l'action Ford a perdu environ la moitié de sa valeur sur les cinq dernières années au moment même où un groupe comme le fabricant de véhicules électriques Tesla s'envolait en Bourse. Le prédécesseur de M. Hackett, Mark Fields, avait déjà été poussé vers la sortie en raison du mécontentement des marchés.

Sous la houlette de M. Hackett, les bénéfices de Ford ont aussi progressivement fondu.

Le groupe a toutefois résisté mieux que prévu à la pandémie de Covid-19, qui a fait chuter au deuxième trimestre les ventes de voitures et conduit à la fermeture temporaire de certaines de ses usines.

Ford, qui contrairement à General Motors et Chrysler n'avait pas fait faillite lors de la crise financière de 2008, a assuré avoir suffisamment de liquidités pour faire face à une baisse de la demande mondiale de voitures ou à une nouvelle vague de fermeture des usines.

 

'Redresser le navire'

"Même si la nouvelle offre de véhicules de Ford montre des produits prometteurs avec la Mustang Mach-E et les Bronco, Farley va avoir du boulot pour +redresser le navire+ dans la mesure où Ford est encore en pleine restructuration et que les ventes des véhicules ne vont pas retourner de sitôt aux niveaux d'avant le Covid", a estimé mardi Garrett Nelson du cabinet CRFA.

"La route à suivre pour M. Farley et Ford sera tout sauf facile dans la mesure où l'industrie peine à adopter de nouvelles technologies, de nouvelles réglementations mondiales et à répondre aux attentes élevées des clients", a aussi remarqué Michelle Krebs, analyste chez Cox Automotive.

"En période de transformation, les leaders qui rêvent grand et mènent avec des émotions montent souvent au sommet. Et cela semble certainement être le cas en ce moment avec Jim Farley", a-t-elle toutefois ajouté.

Après plusieurs années chez Toyota, M. Farley, âgé de 58 ans, est arrivé chez Ford en 2007 en tant que responsable des ventes mondiales et a ensuite dirigé la gamme Lincoln, les régions Amérique du Sud puis Europe, avant de superviser l'ensemble des marchés du groupe.

Il avait été choisi en avril 2019 pour diriger l'équipe en charge des nouvelles activités, technologies et de la stratégie avant d'être nommé directeur des opérations en février, une promotion le plaçant en bonne position pour prendre la tête de l'entreprise.

Le président du conseil d'administration Bill Ford, arrière petit-fils du fondateur Henry Ford, a souligné mardi que le nouveau patron était un réel expert des voitures, qui aimait à ses heures perdues piloter des voitures anciennes. Son grand-père travaillait d'ailleurs dans une usine Ford.

Lors d'une conférence téléphonique, M. Farley a assuré qu'il n'y aurait pas de différences stratégiques majeures avec son prédécesseur et qu'il était "complètement d'accord" avec la décision de concentrer le design des nouvelles voitures autour des fonctionnalités numériques.

La direction a bien réfléchi à faire venir une personne extérieure pour le remplacer, a souligné M. Ford. Mais M. Farley a gagné des points avec sa gestion des perturbations causées par la pandémie.

"Le choix de la continuité peut être une grande force, surtout si vous sentez que vous êtes sur la bonne voie", a-t-il assuré.

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