Fin des sanctions en Iran: la France auto à l'affût

Dans la perspective d'une levée prochaine des sanctions contre l'Iran, les entreprises françaises ne cachent pas leur intérêt pour ce marché de près de 80 millions d'habitants, mais elles savent que la concurrence sera rude en dépit de leurs liens historiques avec le pays.

L'Iran et les grandes puissances sont parvenus à finaliser mardi à Vienne un accord historique sur le nucléaire iranien, dont l'objectif est de garantir que le programme nucléaire iranien ne peut avoir de débouchés militaires en échange d'une levée des sanctions internationales.

Une perspective à laquelle se préparent activement les sociétés françaises, en particulier dans l'énergie et des transports.

Appliquées depuis 2007, avec des restrictions commerciales sur les biens et technologies liées à l'armement et au nucléaire, les sanctions européennes ont ensuite été étendues aux transactions financières, au commerce de métaux précieux, aux transports et aux hydrocarbures.

Résultat, la France a vu ses échanges commerciaux avec le pays chuter de 4 milliards d'euros en 2004 à 500 millions en 2013, selon un rapport du Sénat. D'un côté, la France importe quelques produits agro-alimentaires (pistaches) et textiles (tapis) et exporte des "préparations pharmaceutiques", des équipements industriels et des pièces détachées automobile.

Selon le FMI, la Chine et la Corée du Sud sont désormais les premiers fournisseurs du pays, la France se classant 7e, derrière l'Allemagne et l'Italie.

Dans les hydrocarbures, Total, dernière "major" à quitter le pays, en 2008, a maintenu un bureau et affirme vouloir revenir quand les conditions le permettront. Ils seront toutefois nombreux en lice, car l'Iran, avec les deuxièmes réserves mondiales de gaz et les troisièmes pour le pétrole, représente un potentiel rare.

Total "a une longue histoire avec l'Iran, un pays qui a la culture de l'histoire, donc je sais que Total sera bien accueilli", estimait son directeur général Patrick Pouyanné le mois dernier.

Le pays, dont la production de pétrole a chuté de 4 millions de barils par jour en 2008 à 2,81 millions l'an dernier, vise un million de barils supplémentaires dans les six mois qui suivront la levée des sanctions, selon son ministre du Pétrole.

Pour réussir, il doit faire appel aux technologies et aux investissements des compagnies étrangères.

Avant les sanctions, l'Iran privilégiait des contrats de "buy-back", qui rémunéraient les compagnies pour les investissements réalisés, la production revenant à la compagnie nationale NIOC. Un système "trop risqué pour les compagnies internationales", selon Bertrand Hodée, analyste chez le courtier Raymond James.

 

'Reconquérir la confiance'

Selon Arnaud Breuillac, directeur de l'exploration-production chez Total, les Iraniens ont "une volonté de ramener les compagnies étrangères dans le pays et de proposer des contrats qui tirent les leçons à la fois des contrats +buy-back+ des années 1990 et des contrats de services irakiens", eux aussi décevants.

Côté industrie automobile, les Français préparent aussi leur retour sur un marché où le taux de motorisation est six fois inférieur à l'Europe occidentale, avec une classe moyenne solvable et avide de mobilité.

Sous l'effet des sanctions, la production automobile iranienne a été divisée par deux, de 1,6 million d'unités en 2011 à 800.000 en 2013. Le gouvernement de la République islamique ambitionne de produire 3 millions de voitures d'ici à 2020.

Les constructeurs tricolores, qui ont détenu jusqu'à un quart du marché iranien, bénéficient d'une bonne image de marque, selon des experts du marché.

L'accord conclu à Vienne devrait "permettre une avancée significative" des négociations en cours entre PSA Peugeot Citroën, qui avait dû quitter l'Iran en 2012, et son partenaire historique IranKhodro pour créer une nouvelle co-entreprise, a estimé Jean-Christophe Quémard, directeur de la région Afrique Moyen Orient, mardi dans un communiqué.

Actuellement, IranKhodro produit 350.000 voitures par an sous la marque Peugeot, mais PSA ne les comptabilise pas car fabriquées en "système D" avec des pièces locales et chinoises.

"Le rétablissement des relations financières permettra d'ouvrir des flux réguliers d'approvisionnement de pièces détachées", a souligné M. Quémard.

Mais le retour de PSA en Iran ne sera pas facile. "On est malheureusement assez attaqués dans la société iranienne par le fait qu'on les a abandonnés pendant la période difficile", déplorait, il y a peu, le patron du groupe, Carlos Tavares.

Côté concurrents, les constructeurs chinois "sont tous à la porte, également des Américains", ajoute M. Tavares.

Renault est pour sa part resté en Iran, où il importe des pièces détachées assemblées dans son usine de Téhéran pour la "Tondar", version locale de la Dacia Logan. Mais avec une production réduite.

Le constructeur s'efforcera d'"être prêt, le cas échéant, à redémarrer à un rythme normal", indiquait récemment une porte-parole.

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Par Amélie BAUBEAU, Tangi QUEMENER

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