Fausse affaire d'espionnage Renault: 4 prévenus

Début 2011, trois cadres de Renault avaient été mis à pied sur la foi de rapports d'enquête fictifs: six ans après la retentissante fausse affaire d'espionnage, quatre protagonistes ont été renvoyés devant le tribunal pour leur participation à des degrés divers à cette escroquerie au renseignement.

Deux ex-cadres du groupe sont notamment appelés à comparaître sur le banc des prévenus. Parmi eux, un personnage "central" de ce scénario aux allures de polar, Dominique Gevrey, est renvoyé pour "escroqueries" et "tentatives d'escroqueries". Il a toujours clamé sa bonne foi.

La justice le soupçonne d'avoir employé des "manoeuvres frauduleuses" et d'avoir "trompé" Renault pour lui soutirer des fonds à hauteur de 318.640 euros en lui présentant des fausses factures en règlement de prestations "inexistantes", selon l'ordonnance des juges dont a eu connaissance l'AFP.

L'affaire avait commencé par une lettre anonyme adressée le 17 août 2010 au constructeur dénonçant l'acceptation de pots-de-vin par des salariés occupant des postes clés en échange d'informations sensibles.

A l'époque, contrairement aux procédures habituelles pour ce type d'affaire, la direction de protection du groupe (DPG) s'était saisie du dossier et avait confié une enquête interne à deux membres de son équipe, Marc Tixador, ancien policier, et Dominique Gevrey, ex-militaire.

Les travaux des deux enquêteurs avaient mis en évidence "des flux financiers importants et anormaux" sur des comptes ouverts dans des pays étrangers, de quoi corroborer les soupçons contre trois cadres bientôt licenciés.

Pour Renault, les soupçons d'espionnage concernaient des informations économiques et techniques sur les équipements de voitures électriques.

Renault avait porté plainte et une enquête avaient été confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, devenue DGSI).

Mais très vite, les investigations ont révélé que les accusations avaient été montées de toutes pièces à partir de rapports prétendument confidentiels alimentés par une mystérieuse source de Dominique Gevrey.

 

Renault visé au civil

Trois autres personnes seront appelées à être jugées à ses côtés. Guy Louvel, inspecteur des impôts, est notamment poursuivi pour "détournement de données à caractère personnel". Il est soupçonné d'avoir consulté illégalement le fichier confidentiel Ficoba permettant d'identifier les comptes bancaires, sur demande de Marc Tixador, qui, lui, sera jugé pour "complicité et recel de violation du secret professionnel". Un consultant en sécurité, Michel Luc, est renvoyé pour faux et complicité d'escroquerie, pour avoir émis des fausses factures à Renault et avoir remis des espèces et des virements à Dominique Gevrey.

Dans cette affaire, les enquêteurs ont notamment pointé du doigt l'amateurisme de la DPG pour étayer les accusations à l'encontre des trois salariés, mais le groupe Renault n'a jamais été mis en cause. "Les enquêtes de la DPG étaient construites sur des comptes et des flux fictifs", identifiés à partir d'informations obtenues "sur la simple base d'une identité et d'une date de naissance", relevait le parquet de Paris dans ses réquisitions, dont le sens a été suivi par les juges d'instruction.

L'enquête a révélé des agissements similaires au sein de Renault dès 2009. Quatre autres salariés, soupçonnés d'enrichissement personnel, avaient été mis en cause sur la base d'informations "fantaisistes", selon une source proche du dossier. Dans cette première affaire, planait déjà l'ombre de Dominique Gevrey et de sa "source". "La société Renault que je ferai citer comme civilement responsable à l'audience, n'est pas dans cette affaire une victime mais l'organisateur d'un système qui a fini par lui exploser au visage", a déclaré à l'AFP l'avocat de trois de ces salariés, Alexandre Varaut.

L'affaire qui jetait une lumière crue sur les dysfonctionnements au sein de l'une des directions de Renault avait entraîné la démission du numéro 2 de Renault, Patrick Pélata, le débarquement de responsables et l'indemnisation de cadres licenciés à tort.

Au lendemain d'accusations de tromperie sur ces moteurs pour fausser les tests d'homologation antipollution, le groupe automobile n'a pas souhaité réagir.

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