"Les erreurs que j'ai faites, je les assume", a-t-il concédé. Il a également reconnu qu'il n'était "pas spécialisé dans les recherches financières".
Ex-militaire - il fut capitaine à la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DSPD) - reconverti dans la sécurité privée et recruté par Renault au sein de la direction de protection du groupe (DPG), M. Gevrey, 65 ans, se définit comme "une tête de cochon".
Il admet "avec certitude aujourd'hui" que les données fournies à la direction de Renault sur plusieurs cadres supérieurs étaient "fausses". "Je me suis fait berner" par une mystérieuse source, soutient-il à la barre.
L'affaire avait commencé par une lettre anonyme adressée le 17 août 2010 au constructeur, dénonçant le versement de pots-de-vin à des salariés qui occupaient des postes-clé en échange d'informations sensibles.
Pour Renault, les soupçons d'espionnage concernaient des informations économiques et techniques sur les équipements de voitures électriques.
A l'époque, la DPG de Renault s'était saisie du dossier et avait confié une enquête interne à deux membres de son équipe, Marc Tixador, ancien policier (également sur le banc des prévenus) et Dominique Gevrey.
Pour l'accusation, l'ancien militaire a usé de "manoeuvres frauduleuses" et "trompé" Renault pour lui soutirer un total de 318.640 euros sur la base de fausses factures en règlement de prestations "inexistantes".
Qui a été l'auteur de la lettre anonyme qui a mis le feu au poudre ? La question reste ouverte.
Mais la pseudo enquête confiée à la DPG va mettre en avant "des flux financiers importants et anormaux" sur des comptes bancaires au Liechtenstein et en Suisse, via des société écrans, notamment depuis des entreprises chinoises, au profit des salariés suspectés.
"Pas d'huile dans les rouages"
La machine s'emballe avec des soupçons d'espionnage industriel autour du programme phare de voitures électriques que développe Renault, et des rumeurs d'une implication de la Chine, qui se défend alors d'accusations "inacceptables".
Le ministre de l'Industrie d'alors, Eric Besson, parle de "guerre économique", le numéro 2 du constructeur, Patrick Pélata, assure que son entreprise est "victime d'une filière organisée internationale".
En fait, tout est faux. Mais la carrière de plusieurs hauts cadres de Renault, jusqu'alors considérés comme des salariés modèles, est laminée.
Comme lors de l'enquête, Dominique Gevrey a affirmé à l'audience, souvent de façon véhémente, avoir été "abusé" par son "informateur", en Belgique, qui lui aurait fourni des informations bancaires erronées visant plusieurs hauts cadres de Renault.
Dominique Gevrey communique à la direction du constructeur automobile des "notes blanches" censées mettre en évidence les flux financiers, sur des comptes ouverts dans des pays étrangers, des cadres dans le viseur de la DPG.
Ces cadres sont convoqués par la direction le 3 janvier 2011, cinq mois à peine après la réception de la lettre anonyme. Ils sont immédiatement licenciés.
"Je n'ai pas mis d'huile dans les rouages", concède M. Gevrey, grassement payé par Renault pour ses fausses infos, pour justifier ses accusations péremptoires.
Il faudra attendre l'enquête de la police, enfin saisie, pour démontrer que les accusations de la DPG avaient été montées de toutes pièces.
Interpellé en mars 2011 alors qu'il s'apprêtait à s'envoler pour la Guinée, Dominique Gevrey a passé huit mois en détention provisoire. En prison, il révélera enfin l'identité de sa source: Pascal Baudrey, un adjudant de l'armée belge. Interrogé, ce dernier, qui n'a pas été convoqué devant le tribunal, a nié toute implication.
Les plaidoiries des parties civiles et les réquisitions sont prévues vendredi.
aje/pa/