Face à l'inflation, grève massive des transports prévue en Allemagne

Un mouvement de grève massif devrait paralyser le secteur des transports lundi en Allemagne à l'appel de syndicats qui font monter la pression pour obtenir des hausses de salaire face à l'inflation.

Les employés des aéroports, du rail, du fret maritime, des sociétés d'autoroutes, des transports locaux sont appelés à "une journée complète d'arrêt de travail", ont déclaré jeudi les syndicats Ver.di et EVG lors d'une conférence de presse à Berlin.

Cette mobilisation s'inscrit dans un contexte de forte mobilisation sociale au sein de la première économie européenne, où de nombreux mouvements de grève ont été organisés depuis le début de l'année dans différents secteurs, des écoles aux hôpitaux en passant par la poste et les administrations locales.

Le syndicats EVG représente 230.000 salariés des compagnies ferroviaires, tandis que Ver.di défend les employés des services publics.

Ce mouvement unitaire entre les deux syndicats est extrêmement rare en Allemagne, où les négociations tarifaires se déroulent branche par branche.

"Nous nous attendons à une large participation aux grèves", a déclaré le président de Ver.di, Frank Werneke.

L'aéroport de Berlin, le troisième du pays en nombre de passagers après Francfort et Munich, devrait être épargné car un accord a déjà été trouvé entre salariés et direction.

-"Plat de résistance"-

Cette "Mega-Streik" (méga-grève) -comme l'ont déjà baptisée les médias allemands- touche un pays où les prix se sont envolés depuis plus d'un an, avec une inflation qui a atteint 8,7% en février, dans la fourchette haute des autres Etats de l'UE.

La grève touche depuis mercredi le port de Hambourg, le premier d'Allemagne.

Les syndicats avaient promis d'intensifier le mouvement: "nous n'avons pas encore commencé le plat de résistance", avait assuré M. Werneke dans le journal Die Zeit en début de semaine.

Les négociations salariales en Allemagne restent marquées par la culture du consensus et l'organisation de "grèves d'avertissement" pour peser dans les discussions.

Toutefois, "il y a eu plus de grèves ces dix dernières années en Allemagne", observe Karl Brenke, expert de l'institut économique DIW interrogé par l'AFP. L'inflation des derniers mois et la pénurie de main d'oeuvre alimentent le rapport de force.

Les représentants des salariés demandent de fortes augmentations de salaires, respectivement 10,5% pour Ver.di et 12% pour EVG.

Ces revendications ont été rejetées lors de récentes séances de négociation avec les employeurs, essentiellement l'Etat et les communes.

Ces derniers proposent une augmentation de 5% avec deux versements uniques de 1.000 et 1.500 euros, respectivement en mai 2023 et janvier 2024.

La Deutsche Bahn, premier transporteur ferroviaire d'Allemagne, a d'ores et déjà qualifié la mobilisation de "sans motif et pas nécessaire".

L'entreprise publique "porte la responsabilité du risque de grève", a de son côté asséné EVG dans un communiqué.

-Manque de personnel-

La mobilisation s'accompagne depuis le début de l'année de manifestations régulières. A Berlin mercredi, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans la rue à l'appel des organisations de fonctionnaires.

"Tout est devenu trop cher, et c'est pourquoi nous demandons une adaptation de nos salaires", a expliqué à l'AFP Markus Weyh, 47 ans, un des manifestants.

Les négociations tarifaires reprennent la semaine prochaine pour l'ensemble de la branche des services.

Après la menace d'une "grève à durée indéterminée", les 160.000 salariés de la Deutsche Post, qui négocient à part, ont obtenu début mars une hausse de salaire moyenne de 11,5%.

Fin 2022, près de 4 millions de salariés allemands des secteurs industriels clés, comme l'automobile, avaient décroché une hausse de salaires de 8,5% sur deux ans, après des négociations jalonnées d'arrêts de travail.

La contestation dépasse le strict cadre des revenus.

Les syndicats se plaignent de conditions de travail détériorées, dans un contexte de manque structurel de main d'oeuvre. "Nous travaillons sur le fil, nous n'avons pas assez de personnel", a déclaré jeudi M. Werneke.

Une manifestation de professeurs de la ville de Berlin reflétait mercredi ces inquiétudes.

"Ce n'est pas qu'une question de salaire mais de moyens. Nous avons trop d'élèves pour trop peu de professeurs", a déclaré à l'AFP Jan Exner Konrad, 34 ans, professeur de sport et de politique.

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