En difficulté, taxis et VTC se livrent une bataille rangée

"Numerus clausus", "baisse de la TVA", "concurrence déloyale": après le trou d'air du confinement, les professionnels franciliens du transport automobile de voyageurs, dans une situation économique délicate, demandent des mesures pour sauvegarder leurs professions respectives.

"Le Covid-19 ne nous a pas épargné. J'ai eu un chiffre d'affaire nul pendant deux mois", témoigne à Paris Ibrahim, chauffeur VTC et ancien cadre en assurance.

"J'ai travaillé à perte pendant 3 mois", confie Léa Buet, également au volant d'un VTC. Cette ancienne sportive de haut niveau n'écarte pas l'idée d'arrêter son activité.

Selon le secrétaire général de l'association VTC de France, Arnaud Desmettre, "30.000 personnes sont sur la sellette" en France.

Ils avaient été appelés à transporter des patients et des personnels soignants pendant la crise liée au Covid-19: les chauffeurs de VTC mais aussi de taxi ont aujourd'hui le sentiment que le gouvernement a oublié leur "effort de guerre".

Karim Asnour, secrétaire général de la CGT Taxi, rappelle que ces derniers "ont pris des risques pendant le confinement" mais se retrouvent "privés du fonds de solidarité de l'État, du fait de ne pas avoir subi 80% de perte sur leur chiffre d'affaires".

Les taxis ont été intégrés dans le plan national de sauvetage du secteur touristique, mais il voudrait "un geste fort comme la baisse de la TVA".

En attendant, après huit semaines de déconfinement, "on ne peut pas parler de reprise, c'est à peine un frémissement". Avec la lente réouverture des frontières, les chauffeurs sont privés des touristes, l'une de leur principale clientèle. "Les taxis marseillais sont très dépendants du port de croisière, et là il n'y a pas de croisière", ajoute M. Asnour.

 

"Concurrence déloyale"

Mais la crise a aiguisé encore les inimitiés entre taxis (détenteurs d'une licence) et VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur qui fonctionnent notamment avec des plateformes de mise en relation type Uber ou Kapten).

Des chauffeurs de taxis réclament davantage de contrôle de ces plateformes. Protestant contre un système de paiement qui n'est selon lui "pas équitable", Milan Dejanovic, secrétaire général des taxis locataires LUT, "demande l'abrogation du forfait horokilométrique" car "les VTC appliquent un prix libre".

Réponse côté VTC: Salah Kezdaoui, membre du syndicat de chauffeurs VTC INV affirme qu'ils font "un métier de service complètement différent". Son syndicat demande en revanche la mise en place d'un "tarif minimum" - qui existe pour les taxis. "Un chauffeur, quand il fait sa course, avec les charges et les frais, à la fin il lui reste 1,50 euros", témoigne-t-il.

Alors que des chauffeurs de taxis parlent de "concurrence déloyale des VTC", l'association des VTC de France affirme de son côté réclamer un numérus-clausus afin de réguler leur nombre.

Constatant une inflation de "faux chauffeurs", Ben Ali Brahim, secrétaire général d'INV, demande au gouvernement la mise en place de ce numerus clausus pour "limiter pendant un certain temps le nombre de chauffeurs".

Mais restreindre l'accès à la profession serait "compliqué", nuance Sayah Baaroun, secrétaire général du syndicat SCP-VTC. "Réguler l'accès à la profession reviendrait à créer des licences qui se vendront à des prix élevés. On crée un taxi-bis", résume-t-il.

Autre sujet de bisbille né au moment du déconfinement à Paris: la rue de Rivoli. Axe de circulation stratégique dans la capitale, elle est réservée depuis le 11 mai à la circulation des vélos, bus et véhicules d'artisans. Donc de fait autorisée aux taxis et interdite aux VTC.

Peinant à retrouver leurs clients, ces derniers accusent la ville de Paris de favoritisme envers les taxis. "Les VTC ont les mêmes obligations mais pas les mêmes droits que les taxis", s'étonnent-ils.

Plusieurs centaines de chauffeurs ont manifesté sous les fenêtres de l'Hôtel de ville le 22 juin, contre cette décision "inique", accusant la maire réélue de Paris, Anne Hidalgo, "de vouloir tuer (leur) profession".

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