Diesel: l'Europe adapte ses normes... à la réalité

L'UE a établi mercredi des seuils de tolérance dans les nouvelles mesures de gaz polluant des moteurs diesel pour les prochaines procédures de tests en condition de conduite réelle, par rapport aux normes actuelles en laboratoire, sans satisfaire les défenseurs de l'environnement galvanisés par le scandale Volkswagen.

La décision, prise à Bruxelles au sein d'un comité technique, prend en compte "les limitations techniques" dans l'amélioration des moteurs diesel, par une industrie qui représente 12 millions d'emplois dans l'UE, explique la Commission dans un communiqué. L'application est programmée en deux étapes au cours des six prochaines années.

A partir de septembre 2017, les constructeurs vont bénéficier d'une marge de tolérance pour les émissions d'oxyde d'azote de 110% pour les nouveaux modèles mis en circulation (en 2019 pour les nouvelles voitures), soit deux fois plus que le seuil de 80mg/km stipulé actuellement par la législation européenne pour les tests en laboratoire.

Puis à partir de janvier 2020, la différence sera ramenée à 1,5 fois (50%) pour tous les nouveaux modèles --un an plus tard pour les nouvelles voitures-- et ce de façon permanente, pour prendre en compte les contraintes de la conduite réelle.

L'accord réduit significativement les écarts observés entre les tests en laboratoire et les mesures en condition réelle, qui pouvaient être jusqu'à quatre fois supérieurs, souligne la Commission, des écarts notés dès 2010.

La mise en place des tests en condition réelle dès janvier 2016 avait été votée au printemps, mais il restait à établir leur caractère contraignant.

A la suite du scandale des moteurs truqués de Volkswagen, qui permettaient au constructeur de passer les tests aux Etats-Unis, ce nouveau paquet législatif est venu sous le feu des projecteurs, forçant la Commission à une communication peu courante pour ce type de procédure décisionnelle prise entre experts.

Pour être homologué, un véhicule devra passer les deux tests, en laboratoire et sur route, le second étant plus efficace contre tout dispositif destiné à contourner les épreuves.

 

Une procédure inédite

"Le seuil n'est pas doublé. On a établi un test qui n'existait pas auparavant", s'est félicitée une source proche des négociations, qui a souligné que la plupart des représentants des Etats membres étaient arrivés au rendez-vous sans avoir l'intention de voter dès mercredi. "L'affaire Volkswagen a accéléré l'adoption", a-t-elle reconnu.

La commissaire européenne en charge de l'Industrie a promis de revoir également le cadre réglementaire sur les autorités de certification et la surveillance du marché automobile.

"L'UE est la première et la seule région au monde à promouvoir des méthodes énergiques de tests", a vanté Elzbieta Bienkowska.

"L'industrie automobile soutient l'adoption rapide d'une législation complète sur les tests en condition réelle de conduite", a réagi de son côté l'ACEA, l'Association des constructeurs européens, tout en précisant qu'elle allait maintenant "examiner le contenu et les implications de l'accord".

 

Coup monté

Les chiffres présentés à l'issue du comité technique ont toutefois soulevé la colère des Verts et d'associations de protection de l'environnement.

"Les citoyens vont se demander pourquoi leurs gouvernements préfèrent aider les constructeurs automobiles qui trichent lors des tests plutôt que de leur fournir un air propre à respirer", s'est indigné Greg Archer, de l'ONG Transport & Environment, basée à Bruxelles et Londres.

Les eurodéputés libéraux et Verts, qui ont voté la limite de 80 mg/km, sont aussi montés au créneau.

"C'est un honteux coup monté qui une fois de plus place les intérêts des constructeurs automobiles devant la santé des gens", a tonné la libérale-démocrate Catherine Bearder dans un communiqué.

"Les Etats-membres complotent dans le dos des citoyens pour autoriser les dépassements des plafonds autorisés", lui a fait écho l'écologiste Karima Delli, alors que son collègue néerlandais des Verts Bas Eickhout a souligné que les plafonds étaient "technologiquement possibles" à atteindre.

"Certains constructeurs se plient déjà aux normes de l'UE, ainsi qu'aux normes américaines, plus strictes", a-t-il observé.

mla/agr/mr

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