Diesel: le parc mettra du temps à évoluer

Les annonces gouvernementales devraient faire baisser rapidement les ventes de voitures au gazole, mais il faudra du temps pour que les effets de cette nouvelle politique se fassent sentir sur un parc aux deux tiers "diésélisé".

De plus de la moitié des immatriculations neuves en France aujourd'hui, le diesel devrait descendre rapidement à un tiers, ont indiqué plusieurs experts à l'AFP, avec des conséquences sur les constructeurs, les émissions de CO2, et les propriétaires qui vont perdre de la valeur à la revente.

Le futur resserrement graduel de l'écart entre fiscalité de l'essence et du gazole, actuellement d'environ 20 centimes d'euro, constitue un tournant majeur après des années de soutien au gazole.

Matignon a noté mercredi soir que cet écart a "induit une diésélisation massive du parc automobile, qui suscite une préoccupation légitime de nombreux Français quant à son impact sur la qualité de l'air". L'annonce intervient moins d'un mois après le début du scandale de tricherie aux émissions d'oxydes d'azote (NOx) par Volkswagen sur ses diesels.

Ces moteurs étaient déjà sur une trajectoire négative en France: ils équipaient 55,7% des voitures mises en circulation en septembre, contre 64% pendant toute l'année 2014 et un pic de 77,3% en 2008.

La décrue "va s'accélérer de façon considérable", prédit à l'AFP Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem de l'automobile. Pour lui, à prix identique de l'essence et du gazole, "en dehors des très gros rouleurs (...) il y aura très peu de gens qui auront intérêt à acheter" des diesel à l'avenir. Et les acheteurs vont changer très vite de comportement.

"A terme, on va se retrouver à peu près au niveau du début des années 1990 où on avait 33% de ventes diesel", assure M. Neuvy, un ordre de grandeur également évoqué par l'agence de notation Standard and Poor's. Son analyste du marché automobile, Eric Tanguy, prévoit que la part du diesel en Europe, actuellement à plus de 50%, va descendre graduellement "à 35% à l'horizon 2022, et peut-être un peu plus vite, dès 2020".

 

Remise en cause fondamentale du mythe

"On pourrait inverser la tendance, passer à 40% de diesel et 60% d'essence sur un ou deux ans" en France, confirme Sébastien Amichi, du cabinet Roland Berger qui évoque "une remise en cause fondamentale du mythe marketing du diesel, l'efficience et l'économie".

Toutefois, note M. Neuvy, "il va se passer beaucoup, beaucoup de temps" avant que le parc automobile existant évolue. En France, il était composé à 62,4% de diesel début 2015. L'âge moyen des voitures était de 8,7 ans.

Selon l'association "Diéséliste de France", 61% des voitures diesel dans l'Hexagone ont été mises en circulation avant que les filtres à particules aient été rendus obligatoires en 2009. "Il y a tout un parc de voitures diesel de plus de six ans qui crachent des particules", relève M. Amichi, et le réduire rapidement nécessiterait de coûteuses primes à la casse.

Le changement de politique vis-à-vis du diesel va bouleverser tout un écosystème. Cette inflexion peut "mettre en danger une filière sur laquelle les constructeurs notamment européens et particulièrement français ont bâti leur stratégie et leur légitimité ces 20 dernières années", prévient Meissa Tall, expert du secteur au cabinet Kurt Salmon, pour qui "on est à un tournant plus politique que rationnel".

"Nous sommes tout à fait conscients de l'importance de l'industrie du diesel aujourd'hui en France, mais il faut en même temps que notre industrie se transforme, se modernise pour prendre en compte l'ensemble des priorités", a jugé jeudi le ministre de l'Economie Emmanuel Macron.

Les pouvoirs publics, il y a 20 ans, avaient favorisé le diesel au nom de la réduction de la dépendance vis-à-vis des hydrocarbures d'importation. Aujourd'hui, en période de pétrole moins cher, l'industrie automobile est aussi confrontée à la problématique du réchauffement climatique.

"Or, qui dit essence, dit plus de consommation d'énergie fossile et plus d'émissions de CO2", résume M. Neuvy. Dès juin dernier, l'Association des constructeurs automobiles européens (ACEA) avait prévenu qu'il serait difficile d'atteindre les objectifs de 95 grammes de CO2 par km au sein de leurs gammes à l'horizon 2020 sans une importante contribution du diesel.

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