Diesel: l'Allemagne valide l'interdiction en ville (+vidéo)

La justice allemande a ouvert la voie mardi à des interdictions de circulation des vieux diesels dans les villes, une perspective qui plonge des millions d'automobilistes dans l'incertitude et que Berlin s'efforce encore d'éviter. La Cour administrative fédérale, installée à Leipzig, a confirmé deux décisions de justice contraignant les autorités régionales à interdire les véhicules diesels les plus anciens à Stuttgart et Düsseldorf pour assainir l'air.

Dans le détail, la Cour précise que les diesels ne pourront être que "progressivement" bannis de ces deux villes, en commençant par les plus anciens et en prévoyant des exceptions "pour les artisans ou certains groupes d'habitants". Mais les magistrats balaient nettement l'argument des régions concernées qui affirmaient ne pas pouvoir agir sans loi nationale: ils lèvent ainsi l'obstacle planant sur de telles mesures dans d'autres villes tout aussi polluées.

Hambourg, deuxième ville du pays avec 1,8 million d'habitants, devrait être la première à installer, "probablement fin avril", des panneaux interdisant le passage à certains véhicules diesel, selon la municipalité. "C'est un grand jour pour l'air pur", s'est réjoui Jürgen Resch, le chef de l'association de protection de l'environnement DUH, à l'origine de cette procédure.

Les véhicules roulant au gazole sont en effet considérés comme majoritairement responsables de la pollution aux oxydes d'azote (NOx), qui favorisent les maladies respiratoires et cardiovasculaires.

 

Manquements

Soucieux depuis des mois d'éviter de telles interdictions impopulaires, le gouvernement s'est efforcé de minimiser la portée de l'arrêt.

La chancelière Angela Merkel a rappelé que la décision ne visait pas "tout le territoire" ni "tous les automobilistes", tandis que sa ministre de l'Environnement Barbara Hendricks a jugé que les interdictions de circulation restaient "évitables".

Le président de la fédération allemande de l'automobile VDA a, lui, martelé que les véhicules diesels de norme Euro 6, actuellement commercialisés, n'étaient "pas concernés".

Reste que les propriétaires de véhicules diesels les plus anciens "ne peuvent plus être certains de pouvoir circuler dans les villes à tout moment, 365 jours par an", a relevé le cabinet de conseil EY dans une note.

Selon ses calculs, plus de 10 millions de voitures roulant en Allemagne sont potentiellement concernées, même si l'étendue des interdictions à venir reste difficile à prédire.

La DUH a poursuivi plusieurs villes pour leurs manquements en termes de qualité de l'air et Berlin, réticente jusqu'ici à édicter des interdictions de circulation, est menacé de poursuites par la Commission européenne.

Quelque 70 villes allemandes présentaient encore en 2017 des taux de dioxyde d'azote supérieurs au seuil annuel moyen de 40 microgrammes par mètre cube édicté par l'Union européenne, d'après l'Office fédéral de l'environnement. Munich, Stuttgart et Cologne sont les plus touchées.

 

Lobby

"Avec la décision d'aujourd'hui, la pression sur l'industrie automobile s'accroît pour qu'elle rende les véhicules diesels plus propres", a estimé Markus Lewe, président de la Fédération des communes allemandes (Städtetag).

"Les villes ne veulent pas d'interdictions de circulation", a-t-il rappelé.

Les constructeurs tels que Volkswagen, Daimler et BMW ont entamé une mise à jour logicielle de millions de véhicules roulant au gazole pour en réduire les émissions polluantes, dans le sillage du scandale des moteurs truqués de VW, et ont mis en place des primes à l'achat de véhicules plus propres.

Associations de protection de l'environnement et communes les appellent désormais à aller plus loin en acceptant une intervention mécanique sur le système de filtration des gaz d'échappement.

La pression sur Berlin, souvent décrié pour sa proximité avec le lobby de l'industrie automobile, monte également d'un cran.

"Nous appelons instamment l'Etat Fédéral à abandonner ses réserves à l'égard de l'industrie automobile et à instaurer rapidement" une "vignette bleue", explique M. Lewe.

Cette vignette valable nationalement est "indispensable pour éviter les patchworks communaux et permettre un contrôle efficace", a renchéri Winfried Kretschmann, chef du gouvernement du Bade-Wurtemberg.

Berlin s'y est toujours opposé, pariant sur des mesures aux effets moins immédiats, comme la mise en place d'un fonds d'un milliard d'euros pour aider les villes à développer leur réseau de transports publics ou encore leur flotte de véhicules électriques.

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