Diesel : la justice de l'UE estime les normes trop laxistes

La justice européenne a donné raison jeudi aux villes de Paris, Madrid et Bruxelles en estimant "trop élevées" les nouvelles limites d'émissions de gaz polluants pour les moteurs diesel, une victoire pour ceux qui luttent contre la pollution de l'air.

"Victoire historique pour l'environnement, les consommateurs et la démocratie européenne", s'est exclamée sur Twitter la maire de Paris Anne Hidalgo, partie en guerre avec Bruxelles et Madrid contre le "permis de polluer accordé aux constructeurs automobiles".

Le Tribunal de l'Union européenne, établi à Luxembourg, a décidé d'annuler partiellement le règlement Euro 6 qui fixe les nouvelles normes d'émissions d'oxydes d'azote (NOx) pour les essais d'homologation de voitures neuves en condition réelle de conduite.

Hasard du calendrier, ces limites avaient été votées quelques semaines après le scandale des moteurs truqués de Volkswagen, à l'automne 2015, qui avait placé sous le feu des projecteurs ces gaz polluants étouffant les villes.

La législation contestée prévoit d'appliquer aux normes qui existent déjà pour les tests en laboratoire des coefficients de correction (ou "facteurs de conformité" selon le vocabulaire européen).

Depuis septembre 2017, les constructeurs automobiles bénéficient ainsi d'une marge de tolérance de 110% pour les émissions d'oxyde d'azote des nouveaux modèles de véhicules mis en circulation (en 2019 pour les nouvelles voitures) lors des tests de conduite sur route. Soit deux fois plus que le seuil de 80mg/km en vigueur pour les tests en laboratoire.

Pour les législateurs, ces marges sont justifiées par la prise en compte des aléas de la conduite sur route.

Or selon le Tribunal de l'UE, "même si l'on devait admettre que des contraintes techniques peuvent justifier une certaine adaptation", l'écart prévu par le règlement européen rend "impossible de savoir si la norme Euro 6 est respectée lors de ces essais", est-il expliqué dans un communiqué.

Le Tribunal estime donc que la disposition fixant les limites d'émissions d'oxydes d'azote doit être annulée, tout en confirmant le reste du règlement portant sur les conditions dans lesquelles les essais doivent être effectués.

La Commission "prend note du jugement" et "va l'analyser en détail pour voir comment procéder", a indiqué une porte-parole à l'AFP. Elle a deux mois pour éventuellement former un pourvoi devant la justice européenne.

 

Un moment charnière

"On vient de marquer un bon point", s'est félicité l'eurodéputé Verts français Yannick Jadot, dont le groupe politique avait tenté, en vain, de s'opposer à cette nouvelle législation au Parlement européen.

"Un mois après le dieselgate, les gouvernements européens, sous l'impulsion de l'Allemagne et de la France, avaient donné aux constructeurs automobiles une autorisation de tuer proprement scandaleuse", a déploré M. Jadot. Il a appelé le gouvernement français à exiger des constructeurs un plan de rappel des véhicules diesel "frauduleux".

Même satisfaction du côté des ONG de défense de l'environnement.

"Cette décision contribuera à assainir l'air dans l'ensemble de l'UE. C'est également un moment charnière pour l'accès à la justice dans l'UE, car cela signifie que les villes ont le droit de traduire les institutions européennes en justice lorsqu'elles enfreignent le droit de l'environnement", a souligné Ugo Taddei, juriste pour ClientEarth.

Contacté par l'AFP, l'Association européenne des constructeurs automobiles (ACEA) a indiqué attendre de pouvoir consulter l'intégralité du jugement avant de réagir.

Afin d'éviter toute incertitude juridique en attendant une nouvelle règlementation, le Tribunal maintient les effets de la disposition "pour le passé et pour une période raisonnable pour permettre de modifier la règlementation en la matière, limitée à douze mois".

Dans le même jugement, le Tribunal reconnaît en préalable la recevabilité du recours déposé par les villes de Paris, Madrid et Bruxelles, qui ont "déjà adopté des mesures de restriction de la circulation automobile afin de lutter contre la pollution avérée de l'air sur leur territoire".

Les trois métropoles sont légitimes à contester les limites définies car les véhicules ayant passé les tests de mise en circulation ne pourraient pas être inclus dans le périmètre d'une mesure de restriction de la circulation fondée sur les niveau des émissions polluantes, note encore le Tribunal.

mla/fmi/jul

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