Diesel, essence ou électrique? Acheter vire au casse-tête

Le diesel? Décrié pour ses rejets polluants. L'essence? Taxée pour ses émissions de CO2. L'électrique? Trop cher. De nombreux automobilistes ne savent plus quelle voiture acheter, au point de retarder leur décision, voire de renoncer, une tendance qui inquiète la filière.

Dans une concession Hyundai à Chambourcy (Yvelines), un retraité scrute plusieurs modèles, à la recherche d'un remplaçant à son SUV (4x4 de loisir) diesel.

"J'hésite entre des véhicules style électrique ou hybride, ou bien de l'essence. Je cherche ma voie", explique à l'AFP Noël Freal. "J'ai eu beaucoup de diesel dans ma vie, pour moi c'était la motorisation idéale. Mais il faut veiller à protéger notre planète".

Le scandale des moteurs truqués a mis en lumière les rejets polluants, particules fines et oxydes d'azote, et jeté le discrédit sur cette technologie. En Europe de grandes villes, comme Paris, ont annoncé l'interdiction progressive du diesel. Le marché s'est effondré.

"Avant c'était simple, on avait essence ou diesel, maintenant on a aussi de l'hybride (essence-électrique), de l'électrique, de l'hybride rechargeable...", explique Quentin Barbier, chef des ventes dans cette concession Hyundai. "Le client sait ce qu'il veut comme gabarit de voiture, mais il est en difficulté pour choisir la motorisation. Il pose beaucoup plus de questions".

Le gazole ne représente plus qu'une immatriculation sur trois en France, contre les trois quarts à son apogée en 2012. Mais les hybrides essence-électrique (5% du marché) et les voitures électriques (2%), plus chères et pas adaptées à tous les usages, peinent à décoller. Les reports se font donc massivement vers l'essence.

Problème: ces moteurs consomment plus et émettent plus de CO2, l'un des principaux gaz responsables du réchauffement climatique. En France, ils sont aussi plus souvent pénalisés par un "malus", une taxe à l'achat qui sera encore alourdie au 1er janvier afin de favoriser les véhicules électrifiés.

 

"Les automobilistes sont perdus"

"J'ai décidé de passer à l'essence pour des raisons écologiques, mais j'ai été très surpris de me voir infliger un malus écologique de 80 euros sur mon véhicule, alors qu'il n'y en avait pas sur les modèles diesel de même puissance. Je pense qu'il y a plein de gens qui ne peuvent pas comprendre ça", témoigne auprès de l'AFP Alain Codron, un retraité rencontré à Orgeval (Yvelines) dans une concession Aramis Auto, société de vente en ligne d'automobiles neuves ou d'occasion.

Philippe Geffroy, président de Mazda France, dénonce la complexité et l'incohérence des politiques publiques actuelles. "On tient un discours anti-diesel qui tue le marché et en même temps le diesel est favorisé par le système de bonus/malus. Les gens sont perdus", explique ce responsable qui représente les constructeurs étrangers en France, en tant que président de la branche voitures particulières de la Chambre syndicale internationale de l'automobile et du motocycle (CSIAM).

Réclamant la "neutralité technologique", il s'étonne aussi que les vignettes "Crit'Air", qui classent les véhicules en fonction de leurs émissions polluantes, notent mieux "des véhicules hybrides rechargeables qui font 2 tonnes et consomment énormément" par rapport aux diesel de dernière génération, plus vertueux selon lui.

Complexités technologique et réglementaire se cumulent pour plonger les acheteurs dans le doute. "Il y a un phénomène d'attente. Les gens se disent: +je ne sais pas quoi acheter, donc je ne change pas mon véhicule et j'attends+. C'est probablement l'une des explications aujourd'hui à la baisse du marché européen", constatait cet été Jacques Aschenbroich, patron de l'équipementier Valeo, lors d'un déjeuner avec des journalistes.

A première vue, avec 2,1 millions d'immatriculations prévues cette année, le marché automobile français semble résister. "Mais quand on entre dans le détail des chiffres, on se rend compte que ce sont les ventes aux entreprises qui tirent le marché, alors que les ventes aux particuliers sont en léger recul", souligne Flavien Neuvy, directeur de l'Observatoire Cetelem.

"Les automobilistes sont un peu perdus et préfèrent attendre d'y voir plus clair avant de changer leur voiture", constate aussi cet expert. "Une des conséquences, c'est qu'ils se tournent davantage vers le marché de l'occasion. Du coup, le parc vieillit et ce n'est pas une bonne nouvelle, car les véhicules âgés sont aussi les plus polluants".

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