Didier Leroy, le Nordiste devenu N°2 de Toyota ! (Vidéo)

Récemment promu numéro deux de Toyota, le français Didier Leroy est le premier "gaijin" (étranger) à accéder à un tel titre au sein du géant japonais, une des vedettes du salon de Detroit. La recette de ce Nordiste enthousiaste: ne "pas chercher à s'intégrer" à tout prix.

                                        Vidéo réalisée avec Didier Leroy, alors Président de Toyota Europe,
                                               dans les rues de Bruxelles (Vidéo en anglais et français)

"Bien sûr, vous vous dites que peut-être un jour on vous le proposera, mais la première fois qu'Akio Toyoda (PDG et descendant de la famille fondatrice) m'en a parlé, ça m'a fait un gros choc!", raconte-t-il dans un entretien accordé à l'AFP dans la ville de Toyota, fief du constructeur automobile situé dans la région de Nagoya (centre).

Officiellement nommé en juin à l'un des six postes de vice-président exécutif, Didier Leroy chapeaute les activités du groupe en Amérique du Nord, Europe et Afrique, ainsi que la partie ventes et marketing au Japon. Une promotion rare dans le monde des affaires japonais, réticent à choisir des dirigeants non issus du sérail.

 

Avions, foot et voitures

Son ascension, cet ingénieur de 58 ans né à Dechy (Nord) ne la doit pas au hasard.

"La première clé, c'est la réussite du site de Valenciennes-Onnaing qui a étonné" au sein de l'entreprise où certains ne cachaient pas leur "scepticisme", explique M. Leroy, débauché de Renault en 1998 pour mettre sur pied ce projet. "Passage aux 35 heures, (pouvoir des) organisations syndicales et coût du travail en France: ces trois éléments pouvaient inquiéter".

Ensuite, "la performance en Europe", région de 56 pays dont il a pris la présidence en 2010, "a plus que largement étonné". "On sortait de l'onde de choc Lehman, d'une grosse crise de rappels chez Toyota, et puis il y a eu le tsunami". Les pronostics étaient alarmistes mais, loin de céder au fatalisme, "on a reconstruit un plan de conquête" qui a fini par payer, relate-t-il.

Petit, M. Leroy avait "trois passions": "les avions, le foot et les voitures".

"L'avion maintenant, j'en ai un peu ras-le-bol", plaisante le Français, qui se rend "18 à 20 fois par an" au Japon, sans compter les nombreux déplacements dans les autres zones de son ressort.

Le foot, c'était du sérieux. Il avait été "repéré par le Losc", le club professionnel de Lille, avant qu'une fracture de la cheville ne bouscule ses plans. S'il a désormais troqué le ballon rond pour la course à pied qu'il pratique dans la région lilloise où sa famille vit, il dit avoir gardé de cette expérience "un esprit combatif".

 

'Je m'en fous de détonner'

Les voitures enfin et surtout, il s'y est plongé dès sa sortie de l'Ecole supérieure des sciences et technologies de l'ingénieur de Nancy (ESSTIN), en 1982.

Le jeune homme fait ses armes chez Renault comme ouvrier sur ligne, où il apprend à "monter des voitures", deux années extrêmement formatrices qui ont façonné, dit-il, "sa vision future du management".

Après ces débuts, il gravit vite les échelons, accédant à de hautes responsabilités dans les usines de Douai (Nord) et du Mans (Sarthe) avant de rejoindre Carlos Ghosn à la direction générale à Paris. "J'avais d'excellentes relations avec lui, sauf qu'à l'été 1998 Toyota m'a contacté", et le curieux quadragénaire, qui ne brillait pas par son niveau d'anglais, a eu envie de connaître de près le "mythe du Toyota Production System".

Son parcours, il dit l'avoir construit "dans la durée", en insufflant à ses troupes "motivation", "énergie", "plaisir". L'homme, bavard, sourire avenant et regard bleu, tient un discours enflammé qui détonne dans le feutré environnement nippon.

"Je m'en fous de détonner", rétorque-t-il. "Je n'ai pas cherché à m'intégrer, je ne m'occupe pas des tabous. Beaucoup de non-Japonais passent leur temps à essayer de décoder ce qui va faire plaisir à leurs collègues, mais ce qu'on attend de vous, c'est d'apporter quelque chose de différent!".

"Parfois on me dit: mais tu vois comment tu parles à Akio Toyoda?", s'amuse Didier Leroy.

Et de sortir de la poche de son veston une petite fiche, d'un côté "les dix commandements du jeune ingénieur", de l'autre "les dix dimensions du leadership", avec comme première et dernière règles: "Don't work to please your boss" (ne travaillez pas pour faire plaisir à votre patron) et "be passionate" (soyez passionné).

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