Derek Bell, invité d'honneur aux Classic Days 2021

Recevoir une personnalité du rang de Derek BELL est tout simplement un honneur ! Le parcours exceptionnel de ce seigneur du sport automobile, et la classe naturelle que ce dernier dégage, relèvent des plus grands. Entre succès et désillusions, bonnes fortunes et revers, sa carrière multiple l'a mené à travers de multiples championnats, sous des cieux très divers. La richesse de ce parcours l'a conduit au plus haut et ses succès ont fait de lui l'un des plus grands du sport automobile mondial.

Un véritable gentleman qui a eu la chance d'être au volant des voitures les plus mythiques de l'histoire, de croiser les plus grands et avant d'en être lui même un.

Pour bien mesurer l'honneur qui nous est fait, il convient de revenir brièvement sur l'histoire automobile d'une des légendes mondiales que ce sport compte : Derek BELL ou le talent avec une très grande classe.

Pour bien comprendre ce parcours hors norme, il faut remonter au plus jeune age du jeune Derek : né en 1941, ses parents divorcent rapidement et à l'âge de neuf ans, sa mère s'installe avec Bernard Hender à Pagham dans le West Sussex, soit à peu près au milieu de nulle part. C'est à la détermination de ce dernier, surnommé le Colonel, que BELL devra ses premiers pas en compétition automobile. Le pilotage est devenu son quotidien dès l'age de neuf ans et jusqu'à plus de ses soixante ans, un peu comme une seconde nature, voire première... Dès neuf ans donc, avec ses performances au volant du tracteur familial, puis au volant des diverses voitures, Derek montre des prédispositions. Homme autoritaire, ne montrant que peu ses sentiments, leur relation fut complexe, notamment par le fait que le Colonel était si différent à la maison que sur un circuit. Il a tellement fait pour démarrer la carrière de Derek, que ce dernier lui en voue une reconnaissance éternelle.
C'est le Colonel qui, dès 1964, vu l'envie pressante et la démonstration de ses prédispositions, l'installe dans une Lotus Seven.

En 1965, elle fait place à une Lotus 31 ; dès l'année suivante, sur du talent de son protégé, ils passent sur Lotus 41 en Formule 3, allant même jusqu'à... Monaco ! Dès cette année 1966, il remporte sa première course à Goodwood ; années d'apprentissage de la monoplace, des réglages, de la course... L'année suivante il remporte sept victoires, toujours en monoplace, et fait ses débuts en Formule 2 avec une Brabham BT23C engagée par le Church Farm Racing de son beau père. C'est ce dernier qui finance tous les débuts de Derek, et qui s'implique dans la réalisation de ce rêve d'enfant. Il bataille avec les plus grands à travers l'Europe, dont un certain Henri Pescarolo déjà promis à une belle carrière. Il est alors repéré par Enzo Ferrari lui même, qui le fait débuter en essais en Formule 2 à Monza. Etant le plus rapide, il est conduit dès le lendemain à Maranello où il déjeune avec le Commendatore en personne.
Le dilemme intervient alors : choisir entre Cooper Grand Prix Team et Ferrari. Le manque de moyens et de perspectives fait pencher le coeur du jeune anglais naturellement vers l'Italie. Mais la Dino 166 F2 manque de puissance. Malgré tout il se qualifie pour son premier Grand Prix à Monza, aux côtés de Jackie Stewart. Le moteur cassa dans les premiers tours. Néanmoins il est invité par Enzo pour essayer la Ferrari F1 à Modene. Fort de cet essai concluant Ferrari propose à Derek de s'aligner pour la Gold Cup à Oulton Park, puis à Monza en fonction des résultats. Derek rejoint ainsi Chris Amon et déjà.. Jacky Ickx. Il participe à plusieurs courses en 1968 et 1969 en Formule 2 et deux courses en Formule 1 en 1968. La Scuderia est en difficulté à cette période, et des arbitrages doivent se faire au détriment de Derek.
Malgré les doutes, et toutes les peines à voir sa carrière en F1 prendre son envol, il persiste en monoplace notamment en championnat d'Europe de F2, et quelques rares apparitions en F1.

En 1970 il termine 2ème en F2 sur Brabham T30. Toute son énergie est focalisée sur la monoplace, ne regardant rien en dehors. Il continuera la F2 jusqu'en 1974, la F5000 jusqu'en 1975.

La direction du Mans commence à se prendre seulement au printemps 1970, lorsque Jacques Swaters, l'importateur belge de Ferrari, l'invite à participer aux 1000 km de Spa sur une Ferrari 512M, avec Hugues de Fierlandt. Ils terminent 4ème. Ferrari saute sur l'occasion et lui propose de faire cette même année ses premières 24h du Mans sur 512M. La rancœur encore vive de l'échec en F1 le pousse à refuser la proposition de l'usine, préférant rouler avec Swaters. Ce dernier parvient à le convaincre et Derek rejoint Ronnie Peterson pour sa première édition de la course mancelle. Ils abandonneront sur casse moteur.


Immédiatement il fut marqué par la violence et la rudesse de la course. Ce côté brutal, authentique et dépouillé, ou tout peu advenir à chaque instant, surtout le pire. Il ressent un immense contraste avec le monde coloré de la monoplace, et surtout celui de la Formule 1.
Mais l'histoire de Derek Bell prend ici toute sa forme, et les étapes suivantes de sa carrière vont prendre une saveur toute différente.


Dès l'année suivante, 1971, il se représente au Mans dans l'écurie de John Wyer, devenu célèbre notamment par la livrée de ses voitures bleu ciel et orange et de son partenaire Gulf. Il prend place au volant de la 917 LH, longue queue, avec Joe Siffert. Cette expérience diffère de la précédente car Porsche a envoyé en soutien toute une délégation d'ingénieurs, tant et si bien que cela ressemble au team usine. Abandon sur problème moteur après 18h. C'est le premier contact du pilote avec le constructeur de Stuttgart. C'est aussi à cette occasion qu'il découvre l'Hôtel de France à la Chartre sur le Loir, villégiature de John Wyer et de ses équipes, qui reste aujourd'hui encore l'hôtel de Derek, de Jacky Ickx et consorts.

 

Une parenthèse s'ouvre alors suite à cette édition qui attachera définitivement Derek à l'histoire du Mans : Steve Mc Queen commence le tournage de son film LE MANS dirigé par John Sturges. Basé sur la course de 1970, et la bataille entre Porsche et la Ferrari 512 S, il est donc demandé à Swaters de prêter sa Ferrari, et à Derek d'être l'une des doublures d'acteur. Et c'est ainsi que démarre le mythique tournage avec le grand Steve, et la belle relation que les deux hommes ont noué durant ce tournage et les années qui ont suivi. Instants magiques de côtoyer la star internationale dans cette aventure incroyable, partager ce quotidien, et en même temps devenir l'un des conseillers sportifs sur la réalisation des scènes dont la reproduction à l'identique des scènes en piste, avec la météo et la lumière concordante... a rapidement tourné au cauchemar. Néanmoins les souvenirs de ces mois restent gravés à tout jamais chez Derek, conscient d'avoir été l'un des protagonistes majeurs d'une aventure légendaire.

En 1972, il retrouve Jacques Swaters et l'Ecurie Francorchamps avec une voiture non moins fabuleuse, la Ferrari 365 GTB/4 Daytona. En trois participations, trois voitures mythiques, mais ce n'est que le début. Ils termineront 8ème.

En 1973, il rejoint le team GULF de Wyer et la Mirage M6 à moteur Ford, malheureusement celui-ci est trop juste face au V12 Matra, et au delà l'abandon intervient rapidement après le début de la course. L'édition qui suivit connu le succès écrasant des Matra qui n'avaient que peu de résistance, Ferrari ayant préféré la Formule 1 ; la Mirage GR7 Ford ne pu rien faire mais ils s'adjugent avec Mike Hailwood, une belle quatrième place.

Puis arrive l'année 1975 ! Derek roule sur toute la saison d'endurance chez Willi Kauhsen, sur Alfa Romeo 33 TT 12, avec le grand Henri Pescarolo ; ils gagnent trois courses sur la saison dont les 1000 km de Spa, et remportent le Championnat du monde des voitures de sport après une superbe saison. Alfa Romeo ne voulait pas s'inscrire pour les 24 Heures du Mans, et donc pour cette course Bell a spécifié qu'il roulerait chez Wyer. A ce moment, Jacky Ickx a déjà gagné avec l'écurie de Wyer en 1969 avec la Ford GT40 MKI, lorsqu'il prend le départ en marchant et gagne avec seulement 120 mètres d'avance ; il demande à John de l'intégrer à l'écurie mais spécifiquement avec Derek. Malgré un moteur fragile, ils finissent par s'imposer devant la Ligier JS2. Première victoire sur les 26 participations qu'il compte au Mans. Consécration mondiale sur la plus grande course du monde. Car Derek a remporté déjà plusieurs courses en Championnat des Voitures de Sport (championnat mondial d'endurance) notamment aux 1000 km de Paris, Spa (à trois reprises), 6h d'Imola... Mais jamais sur une course de cette dimension. Derek Bell met un pied dans la cour des grands.

 

En 1976, malgré le retrait de Gulf, il reste sur Mirage avec John Wyer, et parviennent miraculeusement à arracher une cinquième place malgré les nombreux problèmes techniques.

L'année suivante, Renault Sport, fraichement créé, et son directeur, Gérard Larrousse qui connait bien la valeur de notre invité, lui proposent de se joindre à la conquête du titre. C'est ainsi qu'en 1977 et 1978, il est associé successivement à Jean Pierre Jabouille puis à Jean Pierre Jarier sur l'A442; à deux reprises ils seront contraints à l'abandon, alors que Renault s'impose en 1978 avec la voiture de Jaussaud et Pironi, avant de quitter Le Mans pour la F1.

En 1979, dernière expérience avec le Team de John Wyer au Mans sur la Mirage M10 Ford, avant de retrouver Porsche sur 924, choix de carrière : il préfère la 924 de l'écurie officielle à la 935 plus performante mais d'une écurie privée.

Les résultats ne sont pas là, mais bien lui en a pris puisqu'en 1981, c'est un véritable tournant dans sa carrière : il est toujours pilote officiel Porsche et retrouve Jacky Ickx et la Porsche 936 dite Jules du fait du nom de son sponsor. C'est le deuxième titre de Derek, troisième de Jacky.

En 1982, naissance de la Porsche 956 Rothmans, mythe absolu.
Porsche reforme le duo gagnant, aligne trois Porsche officielles et remporte les trois premières places de la course et dans l'ordre des numéros de voitures, la numéro 1, étant celle de nos deux amis. Troisième titre pour Derek Bell. La reconnaissance est mondiale et sans équivoque. Les succès à l'international vont bon train dans ce qui s'appelle désormais le Championnat du monde d'endurance. La 956, surnage dans cette nouvelle catégorie : le Groupe C.

En 1983, Porsche surfe sur la vague du succès : on prend les mêmes et on recommence. Un léger problème technique leur coute la victoire, ils terminent deuxième.

En 1984, la règlementation change notamment sur la consommation de carburant : Porsche a beaucoup investit sur la 956, et cette décision tardive ne convient pas à la firme allemande qui, ne s'estimant pas prête et pour marquer sa désapprobation, décide de se retirer des 24h cette année là.

Mais le retour de Porsche va être triomphal en 1985 avec l'arrivée de la 962 C. Pour cette édition Derek a un nouvel équipier : Hans Joachim Stuck, fils de Hans Stuck célèbre pilote allemand notamment sur les Auto Union type C et D avant guerre. Ils terminent troisième, mais vont truster les succès en championnat du monde et Derek remporte le titre cette année là, comme l'année suivante d'ailleurs.

En 1986, les Jaguar font leur apparition dans le championnat du monde d'endurance ; mais l'expérience de Porsche est trop importante. Al Holbert rejoint Derek et Hans, et le trio s'impose dans la Sarthe sur la 962 C. Et il en sera de même en 1987, avec cet équipage.
Soit cinq victoires aux 24 Heures du Mans pour Derek Bell, faisant de lui à l'époque le deuxième pilote le plus titré de l'épreuve (le troisième aujourd'hui, derrière Tom Kristensen et Jacky Ickx).

En 1988, il manque de peu le record de Jacky Ickx du sixième titre et termine deuxième toujours sur cette 962 C. Jaguar faisant des progrès certains, la supériorité de Porsche s'estompe peu à peu, et la firme britannique prend le lead sur Le Mans.

En 1992, une nouvelle saveur est donnée à sa participation aux 24 Heures, puisqu'il s'aligne au départ avec son fils Justin, sur Porsche 962 C GTi chez ADA Engineering. Ils finissent douzième, mais le plaisir du partage est immense et surclasse tous les podiums.

Il faudra attendre 1995 pour que l'expérience se renouvelle grace au David Price Racing, sur une McLaren F1 GTR, avec Justin et Andy Wallace. Après avoir bataillés longtemps pour la première place, mené la course pendant plus de 16 heures, et suite à un problème de boite, ils terminent sur la troisième marche du podium le jour de... la fête des pères !
Cette course restera à jamais comme le plus beau souvenir de Derek Bell au Mans, à 54 ans, sur le podium aux côtés de son fils.

Soit au Mans 5 victoires2 deuxième place et 2 troisième place en 26 participations.

En parallèle, Derek a été rapidement attiré par les courses d'endurance aux Etats-Unis, où il s'installera dans les années 90. Sa dernière participation aux 24 Heures de Daytona sera en 2008, soit à l'âge de 67 ans !
Il remporte les 24 Heures de Daytona à trois reprises en 1986, 1987 et 1989.  

En 2001, Bentley fait appel à lui pour développer la Bentley Speed 8 qui emportera l'édition 2003 des 24H du Mans, et il devient par la même occasion ambassadeur de la marque.

Une carrière d'une immense richesse, qui certes n'a pas été toujours de tout repos, mais l'a conduit au plus haut et qui fait de Derek Bell l'un des plus grands pilotes de l'histoire du sport automobile. Nous avons l'honneur de pouvoir croiser sa route et de le recevoir parmi nous, ce qui ne manquera pas de réjouir tous les passionnés.

Un grand moment en perspective qui nous fait déjà trépigner d'impatience d'ici au 1er mai...