Dans le Nord, reprise progressive et cadrée chez Toyota

"36,4°C, vous pouvez y aller!" Les salariés du site Toyota d'Onnaing (Nord), première usine automobile à redémarrer en France, ont entamé mardi la reprise progressive de l'activité en s'appropriant les nouvelles mesures sanitaires contre le Covid-19.

Dès les premières lueurs du jour, ingénieurs, cadres et chefs d'équipe découvrent les grandes tentes blanches déployées à l'entrée du site, près de Valenciennes. Chacun se voit prendre sa température et remettre un sac contenant des masques, un flacon de gel hydro-alcoolique mais aussi un stylo pour éviter les échanges.

"Ca rassure", estime Maroua Ryad, 23 ans, alternante au service contrôle de production. "Il vaut mieux reprendre petit à petit que d'un seul coup, le 11 mai". La situation est "inédite", donc "un peu particulière", mais "on a bien conscience qu'il faut reprendre le travail", renchérit Christelle Finet, assistante division qualité, qui se sent "en sécurité".

Inactive depuis le 17 mars, l'immense usine -la seule du constructeur japonais en France- où travaillent d'ordinaire quelque 4.500 personnes, redémarre en douceur avec une seule équipe de 07H00 à 15H00 et des salariés "sans contraintes de santé ou personnelles", soit 85% des effectifs selon la direction. Après 500 salariés mardi, ils seront 1.400 jeudi pour la reprise de la production.

Pour l'heure, la direction insiste sur la pédagogie pour familiariser le personnel aux nouvelles mesures sanitaires, pierre angulaire de ce dispositif anti-Coronavirus. "Il y aura une rotation: les premiers groupes pourront expliquer ces mesures à leurs collègues, ce qui permettra de rassurer les plus inquiets", assure le président, Luciano Biondo.

Dans les ateliers, un marquage au sol indique le sens de circulation et incite à "tenir sa droite". Pour éviter tout risque de rassemblement, les fontaines à eau ont été remplacées par des bouteilles individuelles, les portiques et distributeurs condamnés, le service de restauration supprimé.

 

Zones fumeurs et visières 3D

S'il modifie les repères -comme la création de nouvelles zones fumeurs ou de poubelles dédiées aux masques- le protocole bouleverse aussi les pratiques jusqu'aux postes de travail.

Sur la chaîne d'assemblage, deux salariés installent des panneaux en plexiglas autour des portières de voiture pour isoler au maximum les travailleurs. Plus loin, d'autres assemblent des visières en plastique, conçues spécialement avec des imprimantes 3D achetées il y a quelques jours.

"Les équipes se sont investies à fond" pour s'adapter, "c'est allé très vite", explique à l'AFP Georges Collado, chef du département plastique, qui construit d'habitude des pare-chocs et tableaux de bord.

Mais "le plus gros reste à faire" pour continuer à adapter les pratiques, prévient Thomas Mercier, secrétaire CFDT. "C'est un travail de fourmi qui commence. Il va falloir s'organiser pour faire remonter les suggestions".

Selon lui, toutes ces mesures "sont suffisantes" même si, concède-t-il, "il y a encore un stress chez certains salariés".

Autre son de cloche chez la CGT, qui dénonce un redémarrage "irresponsable". "Nous sommes 4.500, soit plus de deux fois l'équipage du (porte-avions) Charles-de-Gaulle ! Sauf qu'on n'est pas en mer, on est immergés dans la population et c'est dangereux pour nous, nos familles et pour toute la région", s'alarme Eric Pecqueur, secrétaire général CGT qui avait voté contre la reprise lors du Comité social et économique.

A ses yeux, "les actionnaires de Toyota privilégient les profits plutôt que notre santé", alors que le marché automobile européen a chuté de 55% en mars, ébranlé par les effets du confinement.

Pour la direction, l'adaptation à l'épidémie passe avant tout objectif de production. "Nous pensons faire d'abord une cinquantaine de voitures par jour", contre plus d'un millier en temps normal, souligne-t-elle.

Les mesures barrières, elles, resteront en place "au moins jusqu'à l'automne". Et la crise risque de bouleverser en profondeur les comportements, comme le traditionnel serrage de main. "Il va falloir recréer d'autres modes de convivialité, réfléchir comment recréer du collectif et de la bienveillance avec les salariés", prédit M. Biondo.

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