"Comme des lions" : la lutte des "PSA" comme si on y était

Présenté en ouverture vendredi du festival "Filmer le travail", "Comme des lions" plonge le spectateur au coeur d'un des conflits sociaux les plus emblématiques de ces dernières années, la lutte des ouvriers de l'usine PSA d'Aulnay contre sa fermeture.

La réalisatrice Françoise Davisse, 52 ans, vit depuis toujours à Saint-Denis, à quelques kilomètres de l'usine de la marque au lion à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Fondé en 1973, ce site a incarné durant de nombreuses années la réussite de l'automobile française et fut l'un des principaux employeurs de la région parisienne.

"Mais honnêtement, je ne savais même pas où l'usine se trouvait. Seul l'immense parking se voit de l'autoroute qui mène à Roissy".

En juillet 2011, la CGT révèle l'existence d'un document interne émanant de la direction qui prévoit un calendrier précis: diminution progressive de la production en 2012, annonce d'un plan social en 2013, fermeture de l'usine courant 2014.

Françoise Davisse, qui a déjà réalisé une dizaine de documentaires pour la télé, commence à tourner en novembre, pendant la campagne présidentielle.

Son projet n'est pas financé - et ne le sera qu'à l'issue d'une campagne de financement participatif - mais tant pis, elle se lance. Sa caméra va enregistrer 300 heures de rushes - compactées en 1h55 minutes - au long des deux ans et demi qu'a duré le conflit, de manifestations en piquets de grève, d'occupations symboliques (du siège de la fédération de la métallurgie UIMM, du Medef) en assemblées générales.

Filmer la grève, qui dure de janvier à avril 2013, "était devenu un travail à temps plein", admet la réalisatrice.

"Je voulais que ce soit comme un film, que cela ne repose pas sur des entretiens ou du commentaire après coup, qu'il y ait du dialogue, de la vie, et que les gens existent par eux-mêmes". Une démarche née du "sentiment qu'on en parle de loin, des gens qui luttent".

 

"Mode d'emploi d'une lutte"

Au-delà du combat particulier des "PSA", le film se veut également un "mode d'emploi d'une lutte", mettant en présence quatre forces: les ouvriers (et parmi eux, les grévistes et les non-grévistes), la direction, les médias et l'État.

"Ce qui m'a impressionnée, c'est la capacité des ouvriers à s'écouter, à penser ensemble, ce qui fait d'eux de véritables experts" de la situation économique - une scène au ministère du Travail en témoigne - là où l'État apparaît impuissant, sans prise sur ce qui se passe.

Le caractère démocratique du mouvement est aussi bien mis en lumière. Chaque décision est soumise à un vote, à l'issue de discussions passionnantes à suivre pour le spectateur qui se voit alors plongé au coeur du conflit, comme si lui-même était au milieu des ouvriers.

Comment durer? S'organiser? Quelle attitude face aux non-grévistes ou aux "jaunes"? Que répondre à la "stratégie de diabolisation" du mouvement mise en oeuvre par la direction? Quand négocier? Sur quelles bases?

Parmi les acteurs de la lutte, beaucoup d'enfants d'immigrés, quelques femmes et des figures du syndicalisme ouvrier, à l'instar de Philippe Julien, le secrétaire CGT de l'usine ("Dans une grève, ce qui compte c'est qu'on trouve la solution, le chemin ensemble") ou Jean-Pierre Mercier, le délégué CGT ("On ne cassera jamais rien, on sera toujours très gentils mais je peux vous assurer qu'on va les faire transpirer là-haut").

Unis autour d'un slogan, tracé avec le doigt sur les vitres embuées du fourgon de police, lors de leur arrestation après l'occupation du siège du Medef: "on est des ouvriers, pas des casseurs".

"Comme des lions", qui a obtenu en Belgique le prix de la critique et de la RTBF, sortira en salles le 23 mars. Des projections seront aussi organisées dans l'ex-banlieue rouge, notamment à Aulnay-sous-Bois.

evs/at/az

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