Carlos Ghosn: les salariés de Flins partagés

Il y a ceux qui ont "d'autres sujets à penser", ceux qui ne le regrettent pas et ceux à qui "ça fait de la peine" d'imaginer Carlos Ghosn menottes aux poignets: à l'usine Renault de Flins, les salariés sont partagés sur le sort de leur PDG.

Carlos Ghosn? "Oh, moi je cherche à gagner mon pain, le reste, ce n'est pas mon problème", bougonne Saïd mardi. A l'heure du changement d'équipes et de la pause déjeuner, les salariés de l'usine de Flins, dans les Yvelines, ne se bousculent pas pour parler de leur PDG.

Michel, par exemple, "n'a pas d'opinion" sur son dirigeant qui s'est dit "faussement accusé et détenu de manière injuste", mardi lors de sa première comparution devant un juge, sept semaines après son arrestation à Tokyo. "J'attends de voir avant de me prononcer", temporise le salarié.

"Moi perso, j'ai d'autres sujets à penser", expose Betty avant d'aller chercher un sandwich près de l'entrée de l'usine, dans un petit commerce où le drapeau français côtoie celui du PSG. "J'ai des collègues, ça les a perturbés un peu. On en a un peu rigolé, après on ne sait pas" si les malversations présumées sont "vraies ou pas".

Si elle estime que la situation du dirigeant franco-libano-brésilien n'est "pas plus que ça un sujet" dans les discussions entre salariés, Gwenaëlle Degenne, en formation en peinture, juge le sujet "préoccupant quand même". "Mais on sait que son bras droit est là."

"Ghosn, qu'il soit en prison, l'entreprise elle fonctionne quand même", abonde Philippe Gommard, délégué du personnel CGT à Renault-Flins. Mais s'il quitte le conseil d'administration de Renault, "les salariés ne vont pas le regretter".

Mardi, la ministre des Transports Elisabeth Borne a expliqué sur Franceinfo que "si cet empêchement devait durer, il faudrait en tirer les conséquences", alors que le conseil d'administration de Renault avait décidé le 20 novembre de maintenir M. Ghosn comme président-directeur général, nommant provisoirement Thierry Bolloré, numéro deux du groupe, pour assurer l'intérim.

 

"Pas trop d'éléments"

Carlos Ghosn a été mis en examen le 10 décembre pour avoir minimisé, dans les rapports de Nissan remis aux autorités boursières, une partie de ses revenus, pour un montant d'environ 5 milliards de yens (40 millions d'euros) sur cinq années, de 2010 à 2015.

Le dirigeant de 64 ans est apparu entravé et amaigri mardi. "Je ne crois pas que les salariés soient émus que Ghosn soit amaigri", estime toutefois le syndicaliste Philippe Gommard.

"Au contraire, vu comment les salariés travaillent dans l'usine, les conditions de travail, vu comme il est perçu par les salariés, en voulant toujours plus et se gaver toujours plus, je crois qu'il n'y a aucun salarié de l'usine qui le regrettera."

Intérimaire, Moustapha Adjaoui tempère avant de regagner son véhicule: "bien sûr, ça fait de la peine de voir une personne menottée comme ça, quelle qu'elle soit. Pour lui, sa famille."

"Après, on ne peut pas en parler parce qu'on n'a pas trop d'éléments", ajoute-t-il, tout en se disant "surpris" par les accusations portées contre le dirigeant. "En tout cas il a fait beaucoup de bien ici et il a redressé Nissan."

Le constructeur japonais accuse aujourd'hui son ancien sauveur de malversations, pour lesquelles il n'est pas mis en cause à ce stade par la justice japonaise, notamment l'achat de résidences de luxe à Beyrouth, à Rio de Janeiro et à Paris, par l'intermédiaire d'une filiale basée aux Pays-Bas.

"Il roule quand même sur l'or et il n'augmente pas ses salariés", conclut Gwenaëlle Degenne juste avant d'aller prendre son service. Et de plaisanter: "Si c'est vrai qu'il a détourné cet argent, je me dis qu'il aurait pu aussi nous le donner à nous, plutôt que le détourner!"

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