Carlos Ghosn arrêté : ce que l'on sait (+vidéo)

Carlos Ghosn, PDG de Renault et président du conseil d'administration de Nissan et Mitsubishi Motors, était toujours en garde à vue pour soupçon de malversations financières à Tokyo mardi, tandis que le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, a assuré qu'aucune fraude n'avait été identifiée en France.

Voir ci-dessous le bref communiqué de Renault

 

Les faits présumés

Carlos Ghosn, arrêté lundi, est interrogé depuis lundi pour dissimulation de revenus. Sa garde à vue peut durer jusqu'à 23 jours pour ce seul chef d'arrestation.

Selon les premiers éléments parus dans la presse, M. Ghosn aurait minimisé ses revenus de l'ordre de 5 milliards de yens (38 millions d'euros) sur cinq ans à compter de 2011. D'après Nissan, il est aussi soupçonné de biens sociaux.

Selon les médias japonais, une filiale de Nissan a financé l'achat de luxueuses résidences dans quatre pays, propriétés dans lesquelles M. Ghosn se rendait gratuitement à sa guise. Il aurait en outre, d'après la chaîne publique NHK, empoché des cachets déclarés au nom d'autres administrateurs de Nissan.

Par ailleurs, l'administration française n'a identifié aucune fraude fiscale en France de la part de M. Ghosn, a assuré mardi le ministre de l'Économie Bruno Le Maire.

 

Collaboration avec la police

L'arrestation du patron vedette ainsi que de l'un de ses collaborateurs, Greg Kelly, découle d'une enquête menée pendant plusieurs mois au sein du groupe après une dénonciation interne.

Selon les médias, va être appliquée pour la deuxième fois depuis sa récente entrée en vigueur une loi permettant à ceux qui collaborent avec les enquêteurs de minimiser leur peine s'il s'avère qu'ils étaient aussi informés des faits reprochés à M. Ghosn.

 

Eviction de Nissan et Mitsubishi

Nissan convoque jeudi un conseil d'administration extraordinaire pour congédier Carlos Ghosn de son poste de président de cette instance

Mitsubishi Motors (MMC) va également "proposer au conseil d'administration de démettre rapidement Carlos Ghosn de son titre de président". Le constructeur va conduire une enquête interne pour déterminer si M. Ghosn a commis des malversations similaires au sein de MMC.

Le conseil d'administration de Renault "se réunira au plus vite", a indiqué lundi le constructeur automobile dans un communiqué. Le conseil d'administration de Renault indique être "dans l'attente d'informations précises" de la part du dirigeant.

Carlos Ghosn avait désigné en février un numéro deux, Thierry Bolloré, appelé à lui succéder à la tête du constructeur français. L'objectif à l'époque était déjà de rassurer les pouvoirs publics sur l'avenir de Renault, préoccupés aujourd'hui par "la stabilité" du constructeur, comme l'a affirmé lundi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

 

Renault dans l'attente

Le conseil d'administration de Renault "se réunira au plus vite", a indiqué lundi le constructeur automobile dans un communiqué, disant avoir "pris connaissance" des informations diffusées par Nissan. Le conseil d'administration de Renault indique être "dans l'attente d'informations précises" de la part du dirigeant.

Carlos Ghosn avait désigné en février un numéro deux, Thierry Bolloré, appelé à lui succéder à la tête du constructeur français. L'objectif à l'époque était déjà de rassurer les pouvoirs publics sur l'avenir de Renault, préoccupés aujourd'hui par "la stabilité" du constructeur, comme l'a affirmé lundi le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire.

 

Avenir flou pour l'alliance

Si Carlos Ghosn n'est pas irremplaçable chez Nissan ou Mitsubishi Motors et a déjà un successeur désigné au sein de Renault, sa déchéance apparaît plus problématique pour l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors dont il a été la cheville ouvrière.

En fin de matinée lundi, le président français Emmanuel Macron a déclaré que l'Etat français serait "extrêmement vigilant à la stabilité" de Renault et de l'alliance avec Nissan.

"Cette affaire n'est pas de nature à affecter l'alliance entre les trois entités", a promis le patron de Nissan, Hiroto Saikawa, tout en jugeant que les conséquences seraient sans doute importantes pour Renault.

 

Numéro un mondial

Carlos Ghosn était arrivé à Tokyo au printemps 1999 pour redresser Nissan, tout juste uni au français Renault. Il avait été nommé PDG deux ans plus tard.

Surnommé "cost killer" ("tueur de coûts"), il avait transformé un groupe en pleine débâcle en une société très rentable au chiffre d'affaires annuel de près de 100 milliards d'euros, ce qui lui vaut une certaine vénération dans l'archipel.

Il a passé le relais en avril 2017 à son dauphin, M. Saikawa, tout en restant à la tête du conseil d'administration, pour se concentrer davantage sur l'alliance avec Renault et Mitsubishi Motors, qu'il a portée au sommet de l'industrie automobile mondiale.

En tant que PDG de Nissan, il avait touché pour la période d'avril 2016 à mars 2017 quasiment 1,1 milliard de yens (8,8 millions d'euros au cours de l'époque). Il gagne en outre plus de 7 millions d'euros par an au titre de PDG de Renault, qu'il dirige depuis 2009 (il en était directeur général depuis 2005), des revenus qui ont souvent fait grincer des dents.

Carlos Ghosn a sauvé fin 2016 le constructeur Mitsubishi Motors en prenant, via Nissan, une participation de 34% dans le groupe alors empêtré dans un scandale de falsification de données.

Le partenariat Renault-Nissan-Mitsubishi est aujourd'hui une construction aux équilibres complexes, constituée d'entreprises distinctes liées par des participations croisées non majoritaires.

Renault détient 43% de Nissan, qui possède 15% du groupe au losange, tandis que Nissan possède 34% de son compatriote Mitsubishi Motors. Des rumeurs de fusion avaient filtré récemment.

 

"Consolider l'alliance"

"Cette affaire n'est pas de nature à affecter l'alliance entre les trois entités", a promis Hiroto Saikawa, même si l'impact sur Renault sera, lui, "significatif".

Le syndicat CFE-CGC s'est d'ailleurs dit "inquiet" pour l'avenir du constructeur français. Quant à la CGT, elle a réclamé "une réelle stratégie industrielle".

Le président français, Emmanuel Macron, a rapidement réagi, déclarant que l'Etat français, qui détient 15% du capital de Renault serait "extrêmement vigilant" quant à la stabilité du groupe au Losange et de l'alliance avec Nissan. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a également assuré que "la première préoccupation" était "la consolidation" du partenariat.

Renault a de son côté indiqué que son conseil d'administration "se réunirait au plus vite".

Selon les experts du secteur, les accusations contre Carlos Ghosn portent un rude coup au trio franco-japonais qui revendique le titre de premier ensemble automobile mondial, avec 10,6 millions de voitures vendues l'an dernier, dépassant ses rivaux Toyota ou Volkswagen.

"S'il est arrêté, cela va chambouler l'alliance dont il est la pierre angulaire", avait commenté avant les informations de presse sur son arrestation Satoru Takada, analyste au sein du cabinet d'études TIW.

A la Bourse de Paris, le titre de Renault a perdu 8,43% à 59,06 euros à la clôture. La place tokyoïte était, elle, fermée quand les premières informations sont apparues.

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