Brexit: les gages à Nissan dévoilent la stratégie anglaise

La promesse faite à Nissan de conserver l'accès au marché européen pour le secteur automobile lève un coin du voile sur la stratégie du gouvernement britannique dans les prochaines négociations sur le Brexit.

L'annonce faite la semaine dernière par le constructeur japonais de maintenir ses investissements au Royaume-Uni a constitué une nouvelle bienvenue pour Downing Street qui a promis en échange de chercher à conserver un accès libre au marché unique pour le secteur.

L'épisode Nissan a donné l'occasion à l'exécutif d'être un peu plus précis sur sa stratégie alors même que le gouvernement de la Première ministre Theresa May est attendu au tournant par les milieux d'affaires et la classe politique, en quête de clarté sur la manière dont vont se dérouler les négociations concernant la sortie du pays de l'Union européenne.

"J'ai dit que notre objectif serait de veiller à conserver un accès aux marchés européens -- et vice versa -- sans tarifs d'accès et sans entraves d'ordre bureaucratique", a déclaré dimanche le ministre aux Entreprises Greg Clark à la BBC.

"En matière automobile, les pays d'Europe continentale exportent énormément chez nous et nous exportons énormément chez eux (...). Si nous menons les négociations de manière sérieuse, constructive et civilisée, nous pourrons alors tomber d'accord sur beaucoup de points", a souligné le ministre.

Le secteur automobile est vital pour le Royaume-Uni, représentant plus de 800.000 emplois et 12% des exportations totales du pays. Ce dernier est en partie dépendant de l'étranger puisqu'il importe davantage de voitures qu'il n'en exporte.

Les déclarations de M. Clark laissent entendre que le gouvernement privilégie une approche branche par branche, au lieu d'annoncer qu'il entend préserver l'accès global au marché unique, ce qui nécessiterait le maintien de la liberté de circulation des personnes, contre laquelle ont voté les partisans du Brexit.

Un porte-parole de Theresa May a toutefois démenti lundi que le gouvernement cherchait des accords différents selon les secteurs. "Nous regardons en ce moment avec beaucoup d'attention les problèmes des différents secteurs" avec comme principe que "nous voulons être sûrs que les entreprises puissent commercer librement", a-t-elle cependant expliqué.

 

"Les barrières au commerce coûtent cher"

Il n'est pas certain non plus que les dirigeants européens voient d'un bon oeil une démarche particulière pour chaque secteur, après avoir rejeté immédiatement après le référendum l'idée d'un accès au marché unique "à la carte".

"Le Royaume-Uni peut avoir une approche secteur par secteur durant les négociations avec l'UE mais un accord de libre-échange doit s'appliquer à l'ensemble de l'économie", rappelle pour sa part Hosuk Lee-Makiyama, économiste et directeur de l'Ecipe (European Centre for International Political Economy), interrogé par l'AFP.

Les autres branches de l'économie pourraient quoiqu'il arrive vouloir obtenir les mêmes engagements que l'automobile, alors que plusieurs organisations patronales britanniques ont martelé depuis le vote vouloir éviter tout "Brexit dur" et préserver les accords existants.

La pression est forte sur Londres, car si l'industrie et les services britanniques perdent l'accès au continent, ils seraient alors enclins à demander des compensations auprès du gouvernement.

"Les barrières au commerce coûtent cher. Autrement dit, il n'est simplement pas possible d'indemniser tous les perdants", prévenait dans une note Erik Nielsen, chef économiste de la banque Unicredit.

L'association défendant les intérêts du secteur pharmaceutique a déjà confirmé de son côté une rencontre fin novembre avec le gouvernement. Downing Street a garanti le financement de certains projets de recherche jusqu'à ce que le pays quitte l'UE mais la profession veut une solution de long terme.

Le gouvernement va également trouver sur son chemin le puissant secteur financier, qui n'a de cesse de réclamer au gouvernement des garanties sur l'accès au marché unique, crucial pour les grandes banques installées à la City à Londres.

"Si Nissan (avec 7.000 employés) peut obtenir un engagement spécifique de la part du gouvernement, pourquoi Citi (banque américaine) ne le pourrait-elle pas, alors qu'elle emploie encore plus de personnes au Royaume-Uni ?", se demande M. Nielsen.

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