Bonhams: une rarissime Ferrari Dino aux enchères

Parmi la centaine de lots, une rare Ferrari Dino 206S/SP sport prototype de 1966 au beau palmarès historique sera présentée à la prestigieuse vente annuelle d’automobiles de collection " Les Grandes Marques du Monde " de la maison de ventes aux enchères Bonhams au Grand Palais, à Paris, le jeudi 6 février 2020.

FERRARI DINO 206S/SP Sport-Prototype
Châssis N° 022
Moteur N° 022

Bonhams est ravi de proposer l'une des plus titrée de toute la famille des magnifiques Ferrari Dino 206S – l'ex-Ravetto, ex-Lo Piccolo, châssis 022. Elle est ici dans la dernière configuration Dino 206SP – Sports-Prototype – avec sa carrosserie allégée, Barchetta ou Spider, telle qu'engagée avec un succès considérable dans le championnat italien de course de côte jusqu'en 1970-1971. Une éventuelle visite à Ferrari Classiche ou chez l'un des meilleurs restaurateurs spécialisés du monde et un jeu de panneaux de carrosserie originaux de 1966-67 pourraient facilement redonner à cette grande classique toute sa beauté originale dans le style de la « mini-Ferrari P3/P4 » de Piero Drogo...

Parmi toutes les Ferrari de compétition, la petite famille des Dino 206S et SP possède le plus grand charme intrinsèque en raison de l'association d'un dessin particulièrement harmonieux, compact et équilibré, avec – à n'en pas douter – une invraisemblable agilité, partout où sa conception combinant légèreté, puissance et tenue de route peut s'exprimer librement.

La lignée des Dino 206S remonte, bien sûr, à 1956, lorsque le très doué fils de M. Ferrari, Alfredo – « Alfredino », « Dino » – succomba à une dystrophie musculaire de Duchenne dont il était affligé depuis l'enfance. Presque tous ceux qui ont connu et travaillé avec Dino Ferrari se souviennent d'un jeune homme très plaisant et agréable, de santé très fragile, mais tout à fait charmant. Enzo Ferrari – son père et créateur de la marque qui porte leur nom – avait vécu dans l'angoisse pendant des années, conscient que son héritier ne survivrait pas longtemps. Le malheureux Dino mourut le 30 juin 1956 âgé seulement de 24 ans.

Immédiatement, le père endeuillé décida que le nouveau type de moteur V6 Ferrari, destiné à la nouvelle Formule 2 Internationale qui allait régné de 1957 à 1960, devrait porter le nom de son garçon. Un lettrage inspiré de sa signature ornait les cache-culbuteurs de ce nouveau moteur à 6 cylindres en V de 1,5 litre à 4 arbres à cames en tête. Sa conception avait été initiée par le légendaire ingénieur consultant Vittorio Jano, ex-Alfa Romeo, ex-Lancia. Il avait été mis au point par Ferrari sous la houlette de son jeune ingénieur en chef, Andrea Fraschetti. Le V6 Ferrari Dino gagna sa première course importante – la Coupe de Vitesse F2 à Reims – en 1957 piloté par Maurice Trintignant. À La fin de cette saison, il avait été porté à 2,2 litres pour être utilisé en Formule 1 et en 1958, en version 2,4 litres, le Ferrari Dino 246 allait porter Mike Hawthorn au titre de champion du monde des pilotes. Les moteurs Ferrari Dino 246 et 256 rapportèrent à la marque de nouveaux succès en Formule 1 en 1959-1960, tout en restant compétitif en Formule 2 1500 cm3, et allaient même faire une apparition en endurance dans une version Sports-Prototype en 1961-62. Le moteur 6 cylindres en V ouvert à 65 degrés Dino 156 à 4 arbres à cames en tête animait également les première versions des fameuses voitures de Grand Prix « nez de requin » de 1961 – avant que le V6 à 120° ne le remplace en 1961-63.

C'est au début de décembre 1964 que M. Ferrari tint une conférence de presse pour dévoiler ses plans pour la saison 1965. Parmi ceux-ci figurait une surprise importante, lorsqu'il fit mention d'une nouvelle « Dino 168 GT ». Mais il se montra plus réservé lorsqu'on lui réclama plus de détails, notamment lorsqu'on lui demanda de confirmer que ce nouveau modèle recevrait un moteur « 168 », donc d'une cylindrée de 1600 cm3, et vraisemblablement un V8. Des sources proches de Ferrari suggérèrent que ce nouveau bloc serait en fait le modèle de série, nécessaire à l'homologation du nouveau moteur de Formule 2 qui serait engagé dans la nouvelle classe F2 prévue pour 1967...

C'était le début de l'accord Ferrari-Fiat qui donna naissance aux Fiat Dino de série de 1966-67, bien qu'elles aient reçu des moteurs V6 – et non pas des V8. On n'entendit plus parler du mystérieux « Dino 168 », mais aux cours des essais du 25 avril 1965, pour les 1 000 Km de Monza, ce fut la jolie Dino 166P, qui venait tout juste d'être présentée à la presse spécialisée à l'usine de Maranello, qui fit de stridents débuts publics.

Peter Coltrin, le très respecté journaliste américain résidant à Modène, écrivait comment « à première vue, (la nouvelle Dino) ressemble à une 250LM déshydratée... Mais en ce qui concerne le châssis et le moteur, la Dino, par bien des côtés, est plus proche des Ferrari de Formula 1 que des plus récents modèles GT et Prototype...".

Son nouveau V6 était en fait une version pour les courses d'endurance du V6 Dino Fiat-Ferrari, affûté par l'Ing. Franco Rocchi. Un V6 ouvert à 65 degrés à 4 arbres à cames en tête, dérivé de l'ancien moteur F1/F2 de 1957-60. Le poids total de la nouvelle voiture atteignait à peine les 600 kg et on espérait environ 190 ch à 9 000 tr/min du V6 1600 cm3. Le châssis était de type tubulaire, très léger, rigidifié par des panneaux d'aluminium rivetés. Avec une suspension indépendante aux quatre roues de type Formule 1 la voiture était équipée de freins à disque Dunlop outboard à l'avant et inboard à l'arrière– de chaque côté des parois de la boîte.

Au volant de la nouvelle Dino 166P, Giancarlo Baghetti remporta le Grand Prix de Rome, supportant sans problème de courir en Sport. Une semaine plus tard, elle était confiée à Lorenzo Bandini/Nino Vaccarella pour les 1 000 Km du Nürburgring. Denis Jenkinson de Motor Sport écrivait : « Surtees et Scarfiotti ont fait une impressionnante démonstration (dans leur Ferrari 330 P2 4 litres victorieuse) mais elle faisait presque pâle figure comparée à la performance du coupé Ferrari Dino 1600, piloté par Bandini/Vaccarella. Ce coupé deux places « Grand Prix » a bluffé tout le monde par sa performance en établissant un nouveau standard... Ce petit coupé rouge avec ses roues Grand Prix en alliage jaunes, était si rapide que de nombreuses personnes refusèrent de croire que ce n'était qu'une 1600 cm3. La limite de classe étant de 2000 cm3, il importait bien peu à Ferrari qu'ils le croient ou non... Il menait devant toutes les GT, toutes cylindrées confondues, devant toutes les Ferrari LM, toutes les Porsche, 8 ou 6 cylindres, et fut incontestablement la vedette du jour. Alors que les autres voitures rencontraient des problèmes, il remonta à la troisième place... Pendant un long moment l'équipe Ferrari était au nirvana avec un prototype 4 litres à la première place, leur prototype 3,3 litres à la seconde place et leur prototype 1,6 litres à la troisième place, les Porsche, Ford, Cobra, Alfa Romeo et tous les autres derrière eux.

« Puis il y eut un moment de panique lorsque la Dino commença à avoir des ratés et que Bandini s'arrêta aux stands. Il n'y avait pas de bruit anormal, pas de fumée, pas de chute de la pression d'huile, mais les ratés étaient toujours là, et jusqu'à la fin de a course – si bien que l'une des Porsche réussit à prendre la troisième place et que la Dino finit quatrième. Il s'avéra qu'un morceau de caoutchouc d'un joint dans le système d'admission était descendu dans le conduit des carburateurs Weber et avait partiellement bloqué le jet. Mais la Dino Ferrari a de toute façon laissé son empreinte ... ».

Cette marque devint encore plus indélébile quand le directeur d'écurie, Eugenio Dragoni, insista pour que les inspecteurs allemands vérifient la cylindrée de la petite Dino, après quoi « la rumeur courut sur les voitures de Grand Prix à peine déguisées » que l'on faisait courir en championnat du monde des voitures de catégorie Sport ...

Après les 24 Heures du Mans de cette année-là, la petite Dino fut retirée de la classe 2 litres en endurance et confiée à Ludovico Scarfiotti pour une nouvelle tentative dans le championnat européen de la montagne, qu'il avait si élégamment remporté – avec une des premières Ferrari Dino - en 1962. Bien qu'il ait raté les deux premières épreuves du championnat, en utilisant plus tard le premier prototype dont on avait découpé le toit pour le transformer en Barchetta, Scarfiotti et la Dino terminèrent avec le second titre de Ferrari en championnat européen de la montagne en l'espace de quatre années.

Au début de février 1966, Ferrari présenta ses deux glorieuses Sport-Prototype 330 P3 4 litres et leur nouvelle petite sœur – la Dino 206S. M. Ferrari envisageait de construire 50 de ces petits V6 pour les homologuer en Sport Groupe 4 2 litres – plutôt que comme prévu en Prototype Groupe 6. Quoiqu'il en soit, cet été-là l'industrie italienne connut une crise industrielle qui entrava le programme de production de Ferrari. Tandis que l'effort se concentrait sur les programmes de Formule 1 et de Sport-Prototype de grosse cylindrée de la marque, la production de la Dino 206S se limita apparemment à tout juste 18 vraies exemplaires de Dino 206S – à numéros pairs, des châssis 002 à 036. Cette famille représentait une série différente des prototypes d'usine, bien que deux voitures d'usine aient peut-être pu recevoir des numéros de voitures de production.

Plusieurs changements furent apportés à la nouvelle Dino 206S de 1966. Le plus remarquable était l'adoption d'une toute nouvelle carrosserie – bien mieux proportionnée – fabriquée à la main à la Carrozzeria Sports Cars de Piero Drogo à Modène. Sa forme reprenait à plus petite échelle celle de la P3 de Drogo, équipée du gros moteur, et reposait sur un châssis multi-tubulaire renforcé par des panneaux en alliage rivetés. Quelques panneaux en fibre de verre étaient également collés aux tubes du châssis, renfermant des réservoirs de type sac dans chacun des seuils latéraux. Le Dino V6 à 65 degrés à 4 arbres à cames adoptait un alésage de 86 mm et une course de 57 mm, déjà utilisés dans la voiture victorieuse au championnat de la montagne, d'une cylindrée de 1 986,6 cm3. Les culasses redessinées avaient un allumage à une seule bougie à la place du double allumage de 1965. On utilisait soit trois carburateurs Weber double corps, soit une injection et cette version améliorée de la Dino 206S était au départ créditée de 218 ch à 9 000 tr/min. La carrosserie de série – aux courbes voluptueuses et d'une beauté à couper le souffle – ressemblait à un coupé avec un toit ouvrant. En fait un panneau était proposé pour la transformer en vrai coupé – « ...pour les circuits très rapides ».

L'aristocrate magistrat et gentleman driver sicilien Clemente Ravetto fut le premier propriétaire de la Ferrari Dino 206S châssis 022 proposée ici. Il était l'une des vedettes de l'équipe sicilienne Scuderia Pegaso, ayant couru sur Ferrari 250 GTO et 250 LM et sur Jaguar Type E. Il était le vice-procureur de la République de Vérone et chevalier à la fois de l'Ordre de Malte et de la République italienne. C'était un homme charmant et agréable qui resta une figure très populaire jusqu'à sa mort en 2010, à l'âge de 76 ans, alors que son fils, le Dr Manfredi Ravetto, était directeur général de l'écurie de Formule 1 HRT (Hispania Racing Team).

Ravetto semble avoir fait ses débuts avec sa Dino 206S le 31 juillet 1966, avec le numéro 470 dans la course de côte Trieste-Opicina. Toujours est-il que la facture de Ferrari pour l'achat de la Dino 022 que nous proposons ici est datée du 29 mars 1967, mentionnant Telaio (châssis) 022 et Motore 022 – Rosso Corsa (rouge course). Le prix fixé pour la voiture « complète avec cinq roues et pneus » était de 8 876 400 Lire.

Clemente Ravetto l'engagea ensuite aux 1 000 Km de Monza le 25 avril 1967, partageant la Dino 206S – dans sa forme originale d'usine avec sa carrosserie Drogo – avec son compatriote sicilien, un aristocrate à l'immense expérience comme pilote de Formule 1, le Prince Gaetano Starrabba di Giardinelli. Mais leur course se termina sur une panne de moteur.

Ravetto réapparut au volant de la voiture en juin de la même année, terminant second chez lui à la course de côte de Monte Pellegrino, près de Palerme, en Sicile. Et ce fut à l'une des personnalités les plus en vue de Palerme que Ravetto vendit 022 en 1968.
Pietro Lo Piccolo était le président pilote de l'Unione Provinciale Panificatori et le leader de la confédération commerciale de Palerme. Le père de Lo Piccolo avait créé la plus grosse affaire de boulangerie qui avait prospéré sous la direction de Pietro et de son frère Francis
Lo Piccolo avait couru en motocyclette, avant de passer sur quatre roues en karting puis en automobile, d'abord sur Alfa Romeo Giulietta SZ en 1965, suivie en 1966 par une Giulia TZ 1600. Après l'acquisition de 022 à Ravetto il l'engagea trois années de suite, remportant finalement le championnat italien en 1970. Ayant déjà engagé l'Alfa Romeo TZ dans la Targa Florio International de son île natale, il y inscrivit la Dino 022 en 1970 – avec Salvatore Calascibetta comme copilote. Ils terminèrent 11e au classement général et second de leur classe. À l'époque 022 avait déjà été transformée avec carrosserie Spider ou Montagna, forme sous laquelle elle est vendue aujourd'hui.

Pietro Lo Piccolo était également un aviateur passionné et participait à des compétitions aériennes, dont le Tour de Sicile, et il était aussi une figure familière de Palerme se rendant à son bureau à bicyclette, car il ne supportait pas d'être coincé dans les embouteillages...

Sa carrière sur la Dino 206S 022 commença par une 5e place à la Coppa Bruno Carotti à Vallelunga, près de Rome, en juin 1968. Au mois d'août il remporta sa classe, 5e au classement général à la Coppa Citta di Enna autour du lac de Perguse, en Sicile, puis remporta la course de côte Cefalu-Gibilmanna en septembre 1968, suivi en octobre par une victoire au Val d'Anapo-Sortino. Il se classa second dans l'épreuve de la Citta d'Orivetto, avant que la carrosserie allégée ressemblant à une Ferrari 212E Montagna réalisée pour lui sur mesure en fibre de verre soit installée sur la voiture pour 1969.

Pietro Lo Piccolo pilota ensuite 022 dans six épreuves nationales importantes pour cette nouvelle saison, la course de côte San Benedetto del Tronto-Acquaviva Piceno, le Monte Pellegrino-Polerna, le Trapani-Monte Erice, la Coppa Nissena, le Val d'Anapo-Sortino et la Camucia-Cortona. Il pilot encore la voiture pour la Coppa Citta di Enna à Perguse, terminant 6e et se plaça 3e à la Coppa di Tolentino.
Ce talentueux gentleman engagea ensuite 022 dans sa plus importante course – la Targa Florio 1970, 5e épreuve d'endurance du championnat du monde des marques cette année-là. Lo Piccolo et Salvatore Calascibetta pilotèrent de concert la Dino 206S sous les couleurs de la Scuderia Pegaso (Pégase – le cheval ailé), et terminèrent 11e au classement général et 2e de leur classe, seulement devancés dans cette catégorie par l'Alfa Romeo T33/2 d'usine de l'ancien pilote Ferrari Jonathan Williams/Giovanni Alberti.

Lo Piccolo sur 022 remporta ensuite la Coppa Faro en 1970, le Trofeo Ludovico Scarfiotti, et les courses de côte du Monte Pellegrino et du Val d'Anapo-Sortino. Le 19 juillet 1970, il termina 14e au classement général des 500 Km sur le circuit de Mugello et entre les courses de côte du Pellegrino et du Val d'Anapo, il souffrit d'un méchant accident très atypique au cours des essais de la Coppa Citta di Enna à Pergusa, percutant le rail de sécurité à très haute vitesse avec 022. La voiture fut bien réparée comme en atteste sa victoire le 12 octobre au Val d'Anapo.
Plus tard, la voiture fut acquise par le réputé amateur français de Ferrari, Jess G. Pourret – et en 1976, elle passa dans la légendaire collection de Ferrari de Pierre Bardinon au Mas-du-Clos, près d'Aubusson, en France. Il passa plus tard la voiture à Jean-Marie Cauwet de St Maur, en France, pour la racheter quelques années plus tard.

Finalement, en 1984, cette Ferrari Dino 206S passa aux mains du vendeur – dans la collection privée et renommée duquel elle demeura ces 36 dernières années.
Voici en fait l'une des plus titrées de ces jolies petites Ferrari Dino 206S –
auréolée d'un magnifique palmarès italien en compétition – et offrant un potentiel exceptionnel pour un futur propriétaire/pilote passionné...